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couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 12)


En réalité, il faut comprendre que la science ne peut s’organiser qu’à travers la vie propre du concept ; en elle, cette déterminité […] est l’âme du contenu accompli qui se meut elle-même1.

Hegel soutient la possibilité de présenter un système qui présente cette vie même, qui préserve celle-ci. Pour cela, cette science doit reproduire le mouvement même du Concept, ce mouvement dialectique que nous avons déjà examiné et qu’ici Hegel décrit ainsi :

Le mouvement de ce qui est consiste, d’une part à devenir à ses propres yeux un autre [moment négatif de la différenciation] et à devenir ainsi son propre contenu immanent [moment de la réflexion sur soi], et d’autre part ce qui est reprend en soi-même ce déploiement ou cette existence qui est la sienne [moment du retour à soi]


Nous ne sommes alors plus ici dans une pensée d’entendement, mais nous nous élevons au stade de la Raison, et de la philosophie en sa forme la plus haute, la philosophie spéculative :

Cette nature de la méthode scientifique, savoir d’une part qu’elle n’est pas séparée du contenu, d’autre part qu’elle se détermine par soi-même son propre rythme, a son exposition propre, comme nous l’avons déjà rappelé, dans la philosophie spéculative.

Le système que Hegel appelle de ses vœux, la science du Tout, doit donc préserver ce mouvement que l’on trouve au cœur de toute chose, que Hegel définit comme la « nécessité logique » puis « le spéculatif » :

Par le simple fait que la substance […] est en elle-même sujet, tout contenu est sa propre réflexion en soi-même. Ainsi c’est dans cette nature propre à ce qui est, et qui est d’être dans son être son propre concept, que réside tout simplement la nécessité logique ; elle seule est le rationnel et le rythme du tout organique ; elle est tout autant savoir du contenu, que le contenu est concept ou essence – ou encore, elle seule est le spéculatif.


Il faut penser ce mouvement dialectique, le reproduire en soi-même afin de le saisir : Ce qui importe dans l’étude menée par la science, c’est d’assumer l’effort, la fatigue du concept.

Or il est difficile de sortir d’une pensée de l’entendement, basée sur la notion simple d’identité, pour s’élever jusqu’au spéculatif, jusqu’à une pensée du mouvement, c’est-à-dire de la contradiction et de la synthèse.

Mais si l’on veut bien considérer que ce genre de pensée a un contenu […] elle a également un autre côté qui lui rend le concevoir difficile.


Hegel décrit la difficulté de penser dialectiquement, c’est-à-dire de penser le mouvement inscrit au cœur de la logique, dans plusieurs paragraphes dont celui-ci :

Dès lors que le concept est le Soi-même propre de l’objet, qui se présente comme le devenir de cet objet, ce n’est pas un sujet immobile et au repos qui porte les accidents sans sourciller, mais le concept qui se meut et reprend en soi ses déterminations. Dans ce mouvement, le sujet immobile en question est lui-même perdu […] En sorte que la terre ferme que la pensée qui raisonne trouve chez le sujet au repos vacille, et que seul ce mouvement lui-même devient l’objet.


Hegel montre que le langage lui-même, qui est l'élément dans lequel la pensée se déploie, fait signe vers le stade spéculatif. Autrement dit, il y a une dialectique à l’œuvre au cœur même du langage.

Que voit-on en effet dans un jugement simple, tel que « le chat est noir » ? Un prédicat (noir) attribué à un sujet (le chat). Les deux termes sont séparés, bien distincts, conformément au principe d’identité, et à ce qu’exige l’entendement.

Néanmoins considérons cet autre jugement : « Dieu est l’être ». On croit qu’on a là deux termes distincts. Mais en réalité d’un certain côté, le sujet (Dieu) semble se perdre tout entier dans ce prédicat (l’être). Il semble qu’on ait ici : Dieu n’est autre chose que l’être et il n’y a donc pas de Dieu :

Dieu semble cesser d’être ce qu’il est d’après la disposition de la proposition, savoir, le sujet ferme et consistant. La pensée, au lieu de continuer à avancer dans le passage du sujet au prédicat, et étant donné que le sujet se perd, se sent au contraire freinée et rejetée vers la pensée du sujet, puisqu’elle en déplore l’absence […] La pensée perd tout autant le ferme terrain et le sol objectal qu'elle avait chez le sujet, qu’elle est renvoyée à eux dans le prédicat, et revient, au sein même de celui-ci, non pas en soi-même mais dans le sujet du contenu.


On voit ici le mouvement dialectique à l’œuvre, dans le langage même, entre le sujet et le prédicat. Ce que Hegel généralise ainsi :

La nature du jugement, ou tout simplement de la proposition qui inclut en soi la différence du sujet et du prédicat est détruite par la proposition spéculative, et […] la proposition d’identité que devient la première contient le contrecoup qui réagit à ce premier rapport.

D’où un conflit entre la forme d’une proposition en général et l’unité du concept qui détruit cette forme.

Une synthèse vient servir d’issue dialectique à ce conflit : Dans la proposition philosophique, l’identité du sujet et du prédicat ne doit pas anéantir leur différence, qui est exprimée par la forme de la proposition, et leur unité doit surgir, au contraire, comme une harmonie.


On le voit : la forme même du langage révèle que le principe d'identité, en dépit de son évidence et simplicité apparente, doit être dépassé, vers quelque chose d’autre.

Ainsi, il faut apprendre à penser différemment, dialectiquement, « par-delà le principe d’identité ou de contradiction », et c’est difficile. C’est ce qu’il faut s’efforcer de faire, pour sortir de la simple « pensée représentative » ou du « bon sens » de l’opinion commune.


Hegel termine en ironisant sur le bon sens, et en espérant que son ouvrage recevra un accueil favorable :

Ce qu’il y a d’excellent dans la philosophie de notre temps place sa valeur même dans la scientificité et […] ne se fait […] reconnaître et valoir que par elle. Et donc je peux également espérer que cette tentative de revendiquer la science pour le concept et de l’exposer dans cet élément caractéristique d’elle qui est le sien saura se frayer une entrée par la vérité intérieure de la chose. Il faut que nous soyons convaincus que le vrai a pour nature de faire irruption quand son temps est venu, et qu’il n’apparaît que lorsque ce temps est venu.



Après ce travail préparatoire, cette étude de la préface de la Phénoménologie de l’esprit, nous sommes mieux armés pour entrer dans le corps de l’ouvrage, et découvrir les différents stades de l’auto-déploiement de l’Esprit.

C’est ce que nous nous proposons de faire à présent.


Pour lire la suite, téléchargez le livre Hegel : lecture suivie !




1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie