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couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 3)



Cette « temporalisation » de la vérité a en effet plusieurs conséquences fondamentales.

Tout d’abord, l’Histoire ne va pas au hasard, mais est le lieu de déploiement progressif de la vérité. Il y a donc une fin de l’Histoire, une finalité, un but, un objectif (telos en grec) :

Le vrai est le devenir de lui-même, le cercle qui présuppose comme sa finalité et qui a pour commencement sa fin et qui n’est effectif que par sa réalisation et par sa fin 1.

Ou encore : Le vrai est le Tout. Mais le Tout n’est que l’essence s’accomplissant définitivement par son développement. Il faut dire de l’Absolu qu’il est essentiellement résultat, qu’il n’est qu’à la fin ce qu’il est en vérité.


La question surgit alors : quelle est cette fin de l’Histoire, vers laquelle on s’achemine progressivement ?

Ce n’est pas ici le lieu de répondre à cette question. Il ne convient pas de donner « le fin mot de l’Histoire », si l’on peut se permettre ce jeu de mot, dans une préface. Cela ne serait d’aucune utilité. Découvre-t-on le nom du coupable au début d’un roman policier ?

Puisque la chose n’est pas épuisée dans la fin qu’elle vise, mais dans le développement progressif de sa réalisation, cette fin ne peut être pleinement appréciée que lorsqu’on a parcouru les stades successifs des formes que va prendre la vérité, dans son déploiement progressif.

Ainsi la fin est l’universel non vivant, de même que la tendance n’est que la pure poussée encore privée de son effectivité, et que le résultat nu est le cadavre qui a laissé cette tendance derrière lui.

Au stade où nous en sommes, celui d’une préface, il faut plutôt être attentif au principe même du développement de la vérité, plutôt que chercher à découvrir les étapes concrètes de celui-ci (cela fera l’objet du corps de l’ouvrage), et ce à quoi il mène ultimement (ce qu’on découvrira à la fin du livre).


Une préface est de toute façon inadaptée à l’ouvrage même que Hegel est en train de rédiger. La Phénoménologie de l’Esprit est probablement le seul livre dont la préface commence par… la critique du principe même d’une préface, en philosophie : Les explications qu’on a coutume de donner dans une préface, en tête d’un ouvrage, pour éclairer les fins que l’auteur s’y est proposées, les motivations qui sont les siennes […] semblent non seulement superflues s’agissant d’un ouvrage de philosophie, mais même, compte tenu de la nature de la chose, inadéquates et contraires au but recherché.


Si en effet le vrai est le Tout, englobant une vaste diversité de formes qu’il prend successivement, il ne peut être exprimé dans une préface qui par nature ne peut avoir qu’une longueur limitée. On peut seulement dans une préface présenter quelques remarques inessentielles et contingentes, puisque tout ce qui est essentiel ne peut faire partie que d’un système dont l’exposition va occuper plusieurs centaines de pages :

Quoi qu’il puisse convenir de dire dans une préface en matière de philosophie et de quelque façon qu’on le fasse, par exemple en donnant un aperçu historique de l’intention ou et du point de vue global adopté, du contenu général et des résultats obtenus, tout cela ne saurait être qu’une liaison d’affirmations et d’assertions sur le vrai s’énonçant à tort et à travers – cela ne peut valoir pour la façon de procéder en laquelle la vérité philosophique serait à présenter.


En réalité, si le vrai est un tout, on ne peut l’exposer que dans un système :

La vraie figure dans laquelle la vérité existe ne peut être que le système scientifique de celle-ci.

Il ne s’agit pas d’exposer quelques vérités de manière rhapsodique, c’est-à-dire « au petit bonheur », mais en fournir un exposé complet, totalisant et systématique car les différentes formes successives que prend la vérité se déduisent les unes des autres : elles s’articulent selon un processus nécessaire qu’il s’agit de mettre au jour.

C’est ainsi seulement que la philosophie deviendra science ; elle ne sera alors plus amour (philo) de la sagesse, ou du savoir (logos), selon ce que suggère son étymologie, mais savoir. Cet idéal de scientificité, qui rompt avec l’humilité originelle véhiculée par son étymologie, est revendiqué par Hegel :

Contribuer à ce que la philosophie approche de la forme de la science – du but [qui consiste] à pouvoir renoncer à son nom d’amour du savoir et à être savoir effectif – c’est là ce que je me suis proposé.


La philosophie est scientifique parce qu’elle peut être présentée dans un système, et inversement, elle est systématique parce qu’elle est une science. Cet idéal de scientificité, qui n’est plus le nôtre au XXIème siècle, se trouve déjà chez Descartes, et sera repris ultérieurement par Husserl, ainsi qu’en témoigne le titre de son ouvrage La philosophie comme science rigoureuse.

De nos jours, un tel idéal est discrédité, et l’on ne cherche plus à faire de la philosophie une science, ou la science absolue. Mais pour Hegel au contraire, ainsi qu’il l’affirme résolument, le savoir n’est effectif et ne peut être exposé que comme science ou système. Ou encore la nécessité intérieure pour le savoir d’être science est dans la nature de celui-ci.

Et si cela est possible, c’est encore une fois parce que le vrai est un Tout. C’est d’une telle définition de la vérité que découle cette conception de la science, et nulle autre. D’une autre définition aurait découlé un autre modèle du savoir : par exemple, celui du fragment présocratique.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie