1. Accueil
  2. Auteurs
  3. Hegel
  4. Phénoménologie de l'esprit
  5. Page 7
couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 7)


Depuis Spinoza, on se méfie des monismes (les théories qui soutiennent que Tout est Un), car on les suspecte de mener au panthéisme et par là à l’athéisme. Hegel rassure d’éventuels détracteurs sur ce point et évite la censure, en montrant qu’on peut concevoir une forme de monisme qui préserve la notion de Dieu ; il suffit que le Tout soit défini comme esprit et non simplement comme substance :

Comprendre Dieu comme la substance Une a révolté le siècle où cette définition […] a été énoncée ; la raison en était […] dans l’instinct que la conscience de soi n’y est pas conservée, mais y a tout simplement sombré1.

Néanmoins, remarquons qu’il ne s’agit pas pour Hegel d’opposer la substance et l’esprit : on resterait dans un dualisme, incapable d’opérer une synthèse entre deux termes contraires. Au contraire Hegel définit le vrai, l’absolu, de la manière suivante : Il est la substance spirituelle.


En réalité, Hegel ne prétend pas faire œuvre originale en définissant l’absolu comme esprit. Il affirme que c’est là l’apport irremplaçable du christianisme, qui constitue la vérité de son époque : L’absolu comme esprit : concept sublime entre tous, et qui appartient bien à l’époque moderne et à sa religion.

Le vrai est concret, comme on l’a vu ; or le spirituel seul est l’effectif. Toute autre chose est abstraite, n’est qu’une détermination de l’esprit séparée par abstraction de celui-ci.


Nous pouvons donc recentrer notre explication autour de cette notion d’« esprit ». Au début de notre explication, nous avons dit que le projet de Hegel est d’examiner les diverses formes successives que peut prendre la vérité. Nous pouvons à présent reformuler cela en des termes plus adéquats, en disant que nous cherchons les différentes figures que revêt l’Esprit à travers l’Histoire, en son devenir dialectique.

En réalité, les deux choses sont liées : la vérité est ce qui apparaît comme telle à un esprit. Ou encore, il n’y a pas de vérité sans esprit qui la découvre. Parler des formes successives de la vérité, c’est donc parler en réalité des formes successives que prend l’esprit dans sa quête de la vérité.

Mais comme l’Esprit est le tout, l’absolu, le Un du « tout est Un », on peut proposer cette dernière formulation : on cherche ici à décrire les formes successives que prend l’Esprit dans sa quête de la vérité de ce qu’il est.


Pour cela, il doit apparaître à lui-même. Autrement dit : il doit prendre conscience de lui-même. Un lien essentiel apparaît donc entre conscience et esprit. L’esprit n’est tout d’abord qu’ « en soi » : il est ce qu’il est, sans se savoir tel.

Peu à peu, l’esprit prend conscience de lui-même : il s’apparaît à lui-même. Tout d’abord, cette conscience de soi est imparfaite ; l’esprit est donc mené de figure en figure successive, dans lequel il se précise peu à peu. Hegel nomme « pour soi » ce processus réflexif. Chez lui, conscience et « pour soi » sont synonymes.

Mais cette conscience ne s’est pas encore élevée à la dignité d’une science. On peut avoir conscience d’un phénomène sans pour autant le connaître complètement. Lorsqu’on a un savoir absolu et systématique de la marche de l’Esprit à travers l’Histoire, on accède au stade de l’en soi pour soi, qui synthétise les deux précédents, c’est-à-dire à la science :

Le spirituel seul est l’effectif ; il est l’essence ou ce qui est en soi […] ou encore il est en soi et pour soi. Mais cet être en soi et pour soi, il ne l’est d’abord que pour nous […] Il doit être cela également pour lui-même – doit être le savoir du spirituel et le savoir de soi en tant qu’il est l’esprit ; c’est-à-dire qu’il doit avoir pour lui le statut d’objet, mais de manière aussi immédiate, d’objet intermédié, c’est-à-dire aboli, réfléchi en soi […] L’esprit qui se sait ainsi [développé] comme esprit est la science. Elle est son effectivité et le royaume qu’il s’édifie dans son propre élément.


Pour résumer, il faut donc distinguer ce qu’une chose est (l’en soi), la conscience qu’on en a (le pour soi), et la science de celle-ci qui peut s’édifier (l’en soi pour soi). Celle-ci dépasse et inclut les deux moments précédents. Ainsi la science doit inclure la conscience, sinon elle n’est que l’en soi, n’est pas en tant qu’esprit, n’est seulement encore que substance spirituelle. Il faut que cet en-soi se manifeste et devienne pour soi-même. De ce fait, la science doit poser la conscience de soi comme ne faisant qu’un avec elle.


C’est là un long processus, qui prend du temps : pour l’accomplir, le savoir prend différentes formes, l’esprit parcourt diverses figures, et c’est pour cela qu’il y a un devenir du savoir.

On comprend alors le projet de l’ouvrage, la signification d’une « Phénoménologie de l’esprit » :

C’est ce devenir de la science en général, ou du savoir, que la présente Phénoménologie de l’esprit, [comme première partie de son système] expose.

Nous sommes à présent en mesure de mieux saisir la signification du titre du livre que nous étudions ici. Qu’est-ce que cela veut dire, chercher à dresser une Phénoménologie de l’esprit ?


Pour comprendre, il faut se reporter… à la fin de l’ouvrage. Dans le dernier chapitre, consacré au Savoir absolu, Hegel remarque que rien n’est su qui ne soit dans l’expérience. Ou encore : Rien n’est su qui ne soit pas déjà présent comme vérité ressentie.

Ici dans la préface, cette idée est résumée ainsi : La conscience ne sait et ne conçoit rien d’autre que ce qui est dans son expérience.

Un projet apparaît donc : il faut chercher à décrire ce dont la conscience fait l’expérience, ce qui lui apparaît dans son développement progressif.

C’est d’ailleurs précisément là le projet que reprendront à leur compte les phénoménologues (au sens orthodoxe du terme), tels que Husserl.


Or ce qui apparaît, l’apparaître, c’est en philosophie, le « phénomène », un terme qui vient du grec « phainomenon » (apparence). L’étude, la science (logos) de ces phénomènes, c’est la « phénoménologie ».

Et donc l’étude des formes successives dans lesquelles l’Esprit s’apparaît à lui-même, fait l’expérience de lui-même, prend conscience de lui-même, c’est la phénoménologie de l’esprit.


Ainsi, cet ouvrage va présenter les stades successifs du développement de l’esprit, pour devenir ce qu’il est en vérité :

L’esprit se développe et dispose ses différents moments ; ils se présentent tous comme des figures de la conscience. La science de ce chemin est science de l’expérience que fait la conscience.

On comprend mieux à présent le lien entre ces différents éléments : phénomène, expérience, conscience et esprit, et pourquoi Hegel a choisi un tel titre pour son œuvre.

Résumons : c’est parce que rien n’est su qui ne soit dans l’expérience , qu’il faut présenter une science de l’expérience que fait la conscience, et qu’il faut rédiger une Phénoménologie de l’esprit.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie