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couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 8)


Dans ces conditions, on voit qu’il n'est plus question de parler comme les partisans des doctrines de l’enthousiasme, d’un « savoir immédiat » (de la chose en soi, de Dieu, etc).

En réalité, le savoir en son premier stade, le savoir tel qu’il est d’abord, l’esprit immédiat, n’est que la conscience sensible1. Cette conscience sans esprit n’est qu’une forme inadéquate, inférieure, dans laquelle on ne trouve que peu de vérité.


A la différence de l’enthousiasme, qui commence comme un coup de pistolet par le savoir absolu, il faut comprendre que pour devenir savoir proprement dit, […] il doit se frayer un long et laborieux chemin.

Comme on l’a vu, ce sont les différentes étapes de ce chemin, dont chacune constitue l’une des figures de l’Esprit, que la Phénoménologie va présenter :

Il faut supporter la longueur de ce chemin, car chaque moment est nécessaire – d’autre part, il faut s’attarder sur chacun d’eux, car chacun est lui-même une figure individuelle complète et n’est considérée absolument que dans la mesure où sa déterminité est considérée comme un tout ou comme un concret.


Cela se joue à deux niveaux qu’il faut bien distinguer, pour une meilleure compréhension du projet hégélien.

Tout d’abord, au niveau de l’Esprit universel, qui dépasse tout homme en particulier. C’est le point de vue du progrès de l’Esprit humain, considéré dans sa marche dans l’Histoire. Par exemple : la découverte des mathématiques.

C’est à cela que Hegel se réfère lorsqu’il affirme qu’il faut examiner l’individu universel, l’esprit du monde dans le processus de sa formation.


Mais aussi au niveau de chaque individu, dont la tâche est de parcourir également pour lui-même les différentes étapes de ce progrès (par exemple en étudiant les mathématiques). C’est un chemin plus facile : Tout individu singulier parcourt […] les différents degrés de culture de l’esprit universel, […] mais comme autant de figures déjà déposées par l’esprit, comme des étapes d’un chemin déjà frayé et aplani.

Ou encore, c’est parce que […] l’esprit du monde a eu la patience de parcourir ces formes dans la longue extension du temps et de prendre sur soi d’assumer l’énorme travail de l’histoire universelle […] que l’individu ne saurait employer moins de peine à concevoir sa substance. Mais en même temps, il a depuis lors moins de mal parce qu’en soi ceci est accompli. […] Il ne faut plus renverser l’existence, l’être-là, en être en soi, mais seulement l’être en soi en forme de l’être pour soi.

Il faudra donc garder en tête que l’on peut lire la Phénoménologie de l’esprit d’après ces deux niveaux de lecture ; mais Hegel privilégie d’une certaine manière l’esprit universel. C’est la marche de celui-ci à travers l’Histoire qui est d’abord et avant tout décrite ; et le fait que tel ou tel esprit individuel reproduise pour lui-même cet itinéraire est certes intéressant pour lui-même, mais reste secondaire.


Hegel s’expose à présent à une objection : pourquoi exposer les différentes formes inadéquates, incomplètes, imparfaites donc toujours un peu faussées, que prend successivement l’esprit, c’est-à-dire comment il apparaît phénoménalement à lui-même, au lieu de nous livrer la vérité de ce qu’il est ? Voici, semble-t-il, ce que l’on peut attendre d’un livre de philosophie : qu’il nous donne des vérités. Et non pas une liste des erreurs successives qui nous ont mené à découvrir celle-ci :

Comme ce système de l’expérience de l’esprit ne comprend que l’apparition phénoménale de celui-ci, la progression qui mène de ce système à la science du vrai qui est dans la figure du vrai semble être seulement négative, et l’on pourrait vouloir demeurer exempté du négatif, en ce qu’il est le faux et exiger d’être conduit sans plus attendre à la vérité ; à quoi bon s’occuper du faux ?


C’est précisément ce que l’on voit en mathématique : c’est la vérité qui nous est livrée, et non pas les erreurs successives que nous avons effectuées avant de parvenir au calcul juste, ou à la démonstration correcte, au fameux CQFD (« ce qu’il fallait démontrer ») géométrique.


Dès le 17e siècle, ce modèle mathématique amène les philosophes à s’interroger sur la validité des résultats de leur propre discipline. Certains l’adoptent, comme Descartes ou Leibniz qui s’interrogent sur la constitution d’une « mathesis universalis », ou Spinoza qui établit son éthique « more geometrico », à la façon d’un géomètre, à partir d’axiomes et de propositions qui se déduisent les unes des autres.

Ce modèle continue à s’imposer au XIXème siècle, au moment où Hegel rédige ces lignes. Mais celui-ci se livre à une critique de ce modèle, et c’est précisément ici qu’il développe cet effort pour revaloriser la philosophie face à cette discipline reine que sont les mathématiques.

Cela l’amène à repenser la notion de vérité, pour faire plein droit aux vérités philosophiques :

Les représentations sur ce point gênent tout particulièrement l’accès à la vérité. Ceci nous donnera l’occasion de parler de la connaissance mathématique, que le savoir non philosophique tient pour l’idéal que la philosophie devrait s’efforcer d’atteindre, bien que ses efforts, jusqu’à présent, soient restés vains
.

C’est cette redéfinition fondamentale, qui sous-tend cette analyse critique des mathématiques, que nous allons à présent examiner.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie