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couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 9)


Tout d’abord, il ne faut pas opposer le vrai et le faux comme deux choses absolument distinctes, sans aucun rapport. Il faut se souvenir qu’Hegel propose une nouvelle ontologie, de type dialectique, qui n’est plus fondée sur le principe d’identité ou de contradiction.

Lui soutient à l’inverse que l’identité inclut la différence, le négatif ; qu’une chose doit devenir son contraire avant de revenir en elle-même et de trouver son identité (seule l’identité qui se reconstitue ou la réflexion dans l’être autre en soi-même – et non une unité originelle ou immédiate est le vrai1) ; et qu’entre deux termes opposés, on trouve toujours une synthèse qui vient poser leur rapport, et trouver leur identité dans un nouveau terme qui les dépasse tout en les incluant.


Or ce mouvement dialectique concerne également le vrai, le faux, et leur opposition :

Le vrai et le faux font partie de ces notions déterminées qu’en l’absence de mouvement, on prend pour des essences propres, chacun étant toujours de l’autre côté par rapport à l’autre, sans aucune communauté avec lui et campant sur sa position.

A l’encontre de cela, il faut comprendre que le faux correspond à un moment essentiel, celui de la différence. Aucune identité ne peut se fonder sans différence, ce pourquoi le faux est un moment essentiel du vrai :

Quand on dit qu’on sait quelque chose faussement, cela signifie que le savoir est en non-identité avec sa substance. Mais précisément cette non-identité est l’acte de différenciation en général, qui est un moment essentiel. Certes, de cette différenciation advient leur identité, et cette identité devenue est la vérité. Mais elle n’est pas la vérité au sens où l’on se serait débarrassé de la non-identité, comme on jette les scories séparées du métal pur, ni non plus comme on rejette l’outil du récipient terminé : la non-identité au-contraire est elle-même au titre du négatif, du Soi-même, encore immédiatement présente dans le vrai.

Ce que Hegel résume ainsi : Il ne faut pas […] considérer le vrai comme le positif mort qui repose de son côté.


Il prend néanmoins soin de préciser que ce n’est plus en tant que faux que le faux est un moment de la vérité. Considérés dans leur unité, vrai et faux ne signifient [plus] ce qu’ils sont en dehors de leur unité. Il ne faut pas tomber dans les pièges dans lesquels nous mène le langage : De même que l’expression de l’unité du sujet et de l’objet, du fini et de l’infini, de l’être et de la pensée, etc., a ceci de fâcheux qu’objet et sujet, etc., signifient ce qu’ils sont en dehors de leur unité, et qu’on ne les prend donc pas dans l’unité au sens de ce que cette expression dit, de même, ce n’est plus en tant que faux que le faux est un moment de la vérité.


Mais il reste que si le vrai contient en lui-même le faux (convenablement compris, c’est-à-dire dans leur rapport dialectique), le mode d’exposition de la vérité que propose Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit est adéquat.

Il s’agit d’exposer ici la manière dont l’Esprit s’apparaît progressivement à lui-même. Or l’« apparaître » n’est pas l’apparence, au sens d’illusion trompeuse, mais constitue un moment essentiel de la vérité :

L’apparition est le naître ou le disparaître qui lui-même ne naît ni ne disparaît, mais est en soi et constitue l’effectivité et le mouvement de la vie de la vérité. Là encore, le projet d’une phénoménologie, science de l’apparaître (de l’Esprit à lui-même), se voit légitimé.


Après cette considération générale de la vérité, Hegel vient à en examiner un type spécifique : la vérité mathématique.

En effet, les propositions mathématiques semblent échapper à ce processus dialectique. Combien font 2+2 ? A quoi est égal le carré de l’hypoténuse d’un triangle rectangle ? Il semble qu’à ce type de question, il faille apporter une réponse nette, c’est-à-dire reposant sur une conception classique de l’identité, du principe de contradiction, et échappant à toute dialectique. « 2 + 2 = 4 », « le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés » : le problème est résolu, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une dialectique d’aucune sorte. C’est la même chose d’ailleurs pour les vérités historiques (date de naissance de César, etc).


On le voit, Hegel doit nécessairement répondre sur ce point : si la mathématique, cette discipline reine, échappe à la dialectique, cela ne remet-il pas en question cette dernière ? L’ontologie hégélienne, révolutionnaire dans sa nouveauté, ne survivrait pas à cette confrontation.

La dialectique, et la nouvelle ontologie qu’elle porte en elle, vient bouleverser le champ du savoir. Il lui faut proposer une nouvelle configuration du savoir, fixer la place et les limites de chaque science, montrer en quoi celles-ci sont traversées par un processus dialectique, ou si ce n’est pas le cas, expliquer pourquoi.

Une tâche d’une ampleur infinie, riche de promesses mais aussi de difficultés qui pourraient sembler insurmontables : n’est-ce pas là un projet risible que de présenter une critique des mathématiques, au regard des succès de cette discipline, et ce sans être un mathématicien professionnel ?

Il ne s’agit naturellement pas pour lui de nier la vérité des mathématiques. Il s’agit de montrer que la nature d’une vérité de ce genre est différente de celle des vérités philosophiques. La question se pose : à quel type de vérité renvoient les propositions mathématiques ?


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie