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livre de François Palacio

Hegel - la religion et le politique

Enseignant en terminale à Perpignan, F. Palacio est l'auteur d'un ouvrage publié chez Ellipses, Hegel, la religion et le politique.
Il vient de participer aux Rencontres philosophiques de Langres.

Voici une présentation de son livre, et de son parcours...


Présentation de l'ouvrage

Comment Etat et religion doivent-ils coexister dans une même société ? Quels doivent être leurs rapports ? Comment articuler les deux pouvoirs, temporel et spirituel ?  L’Eglise doit-elle posséder le pouvoir politique ? Tel est ce que l’on appelle le problème théologico-politique.

Interroger la pensée de Hegel à cet égard n’était pas une évidence, puisqu’il n’aborde explicitement ce problème que dans deux remarques annexes des Principes de la Philosophie du droit et de l’Encyclopédie des sciences philosophiques.

Néanmoins, l’ensemble de son œuvre, centrée autour de la notion de liberté, comme vérité de l’esprit, fournit une clé pour mieux comprendre cette question, et peut-être la résoudre.


L’ouvrage commence par rappeler tout d’abord l’idée essentielle qui est au fondement de la philosophie de la religion hégélienne : Dieu n’est pas une substance, mais esprit ; il n’est pas fini, mais infini.

Loin d’être extérieur et opposé à nous, dans un « au-delà », il s’est incarné et ainsi a fait l’expérience, de manière dialectique, de lui-même dans son autre : il est unité des différences, du sujet et de l’objet, l’être-auprès-de-soi-dans-l ’autre, c’est-à-dire liberté. Il est l’Idée, l’absolu entendu comme relation de l’universel au particulier, unité différenciée des termes opposés, ce qui correspond à la définition hégélienne de la vérité.


Les deux premiers chapitres explicitent cette conception quelque peu déroutante pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec la pensée de Hegel et présentent sa phénoménologie de la religion, c’est-à-dire les différentes formes que prend la croyance religieuse dans l’Histoire. Des religions de la nature (hindoue, persane, égyptienne) aux religions de l’individualité spirituelle (hébraïque et chrétienne), la religion évolue en même temps que l’Idée de Dieu lui-même se précise, comme substance puis comme esprit.


Il faut ensuite examiner pourquoi et comment l’homme peut se donner l’idée d’un Dieu. La religion suppose des croyants : comment l’homme devient-il croyant, alors même qu’il est à l’origine tout entier tourné vers la satisfaction de ses impulsions égoïstes ? Comment acquérir la disposition d’esprit éthique, nécessaire pour cela ?

Le processus de la formation (Bildung) est ici retracé, jusqu’à l’identification des conditions de possibilité de la mise en place d’une communauté éthique (Sittlichkeit), qui est le vrai sol dans lequel quelque chose comme une religion peut se déployer.

De l’individu à la famille puis à l’Etat, le progrès de la conscience visant sa propre liberté est décrit minutieusement.


Armé de cette compréhension plus profonde de la pensée de Hegel on est alors en mesure de repenser à nouveaux frais le problème théologico-politique : dans cette perspective, comment doivent être compris les rapports entre Etat et religion ?


Nous laissons découvrir au lecteur la réponse, à savoir une analyse fine du texte hégélien, en particulier des figures historiques telles que l’époque des Lumières, l’opposition entre le catholicisme et la réforme luthérienne, la Cité idéale de Platon, la vie de Jésus, etc.


Un ouvrage pédagogique recommandé à ceux qui s’intéressent à la philosophie de la religion, ou souhaitent comprendre plus en profondeur la doctrine de Hegel.



Interview de l'auteur

livre de François Palacio



François Palacio est professeur en terminale dans un lycée de Perpignan.

Voici une présentation de celui-ci.



La vie étudiante


Bonjour François Palacio, vous avez fait vos études de philosophie à l'université Paul Valéry de Montpellier. Quel souvenir en gardez-vous ?


Je garde un souvenir excellent de ces années de formation. Il y a avant tout la découverte de cette immense tradition qui au départ me faisait l'effet d'un puzzle dont il s'agissait d'assembler pas à pas les différentes pièces. En outre, les professeurs que j'ai pu y rencontrer se sont révélés non seulement d'excellents formateurs mais en outre des personnes profondément soucieuses de nos progrès à la condition des efforts que nous étions prêts à fournir.

La première année me marqua au tout premier chef. Nos professeurs étaient pour la plupart de jeunes doctorants mais qui ont su nous faire partager leur engouement et qui d'emblée se sont imposés à moi comme des modèles.
Par la suite, des enseignants de très grande qualité philosophique et humaine ont su développer encore cet amour du savoir. Je ne peux pas ne pas citer quelques unes de ces personnes qui pour certaines sont devenues des amis : M. Fauquier, Moutot, Labussière, Zarader, Parochia, Delpla, Binoche...


L'un de vos professeurs vous a-t-il particulièrement transmis la passion de la philosophie ?


Tous ont su éveiller un certain désir et communiquer l'une de leur propre qualité. Comme beaucoup d'étudiants, j'ai été particulièrement touché par l'enseignement de Marlène Zarader qui avait cette qualité rare de mettre à notre portée certains textes difficiles de Heidegger ou Hegel. Je reste aussi très attaché au cours de Bertrand Binoche et son souci de la clarté et de la rigueur conceptuelle. Mais tous à un niveau ou un autre m'ont marqué.


Quels philosophes vous ont influencé ?


Mon propre tempérament philosophique m'a poussé vers les philosophes de la tradition allemande de Kant à Heidegger. Au centre se détache pour moi la figure de Hegel et son incroyable faculté de synthèse. Mais un autre versant de la philosophie a joué un rôle important dans ma formation, celui de la philosophie politique et tout particulièrement Hobbes. Enfin, Michel Foucault m'a aussi particulièrement marqué par la richesse et la lucidité de ses descriptions des mécanismes de pouvoir.


Lesquels vous ont rebuté ?


Je ne crois pas qu'aucun ait éveillé chez moi un sentiment négatif. Adoptant le principe de charité, j'en suis rapidement venu à me dire que si un penseur me déplaisait, c'est probablement que je ne le comprenais pas. Cela devenait donc un défi d'en découvrir la richesse et l'intérêt. J'ai souvent peiné sur la tradition analytique mais je n'en ai que davantage apprécié sa profondeur.

Les concours

Au bout de trois ans d'études, vous arrivez au moment où il faut se décider : passer le Capes ou l'agrégation, bref devenir professeur de philosophie ou changer d'orientation. Avez-vous hésité longtemps ?


Je n'avais pas vraiment le choix. Après mon mémoire de maîtrise, mon directeur, Bertrand Binoche, m'a clairement présenté l'alternative : ou m'engager dans un travail de recherche sans filet de secours ou passer les concours pour m'assurer de pouvoir vivre de ma passion et attendre un peu avant de me lancer sur la voir de la recherche. J'ai opté pour la seconde voie et je ne le regrette pas.


Vous vous plongez donc dans la préparation des concours. Cela a-t-il été difficile d'obtenir le Capes/ l'agrégation ? Avez-vous des conseils à donner aux jeunes étudiants, qui eux aussi sont en train de réviser ces examens ?


Il serait bien présomptueux de ne pas avouer les difficultés inhérentes aux concours de recrutement, notamment à une époque où le nombre de postes alloués était particulièrement bas.
Le plus difficile tenait surtout à la nécessité de se former d'une façon entièrement différente et nouvelle par rapport aux années d'études universitaires. Il fallait tout simplement apprendre à faire une vraie dissertation, savoir problématiser, convoquer les connaissances pertinentes sur un thème nouveau... Un élément semblait essentiel : pouvoir bénéficier d'un acquis suffisant en matière de connaissances philosophiques. Mon tempérament légèrement obsessionnel m'avait conduit à constituer un important stock de fiches de lecture qui me fut particulièrement utile.

Au final, je fus admissible lors de ma première tentative mais je n'étais absolument pas prêt à faire face à jury d'oral, entendez à camper dans la position du professeur de philosophie et mes prestations furent particulièrement médiocres. Là aussi il fallait intégrer de nouvelles méthodes et pas seulement engranger de nouvelles connaissances. Pour ma seconde tentative, je tâchais de réaliser un maximum d'exercices oraux, préparé avec des enseignants mais aussi avec des camarades qui passaient eux aussi le capes, je m'enregistrais, je me filmais... Ces deux derniers exercices, très douloureux pour l'ego, furent très instructifs.

Si j'avais un conseil, il serait assez simple : bien comprendre les exigences des épreuves et acquérir les méthodes adéquates en ne pensant pas que l'érudition fait tout. Accumuler connaissance sur connaissance peut parfois amener à négliger l'aspect méthodologique et pédagogique pourtant déterminant pour la future charge qui nous sera confiée.

Le professeur

Après l'obtention du Capes, vous devenez professeur au lycée Pierre Rouge de Montpellier. Comment se passe ce premier contact avec le monde de l'enseignement ? A quoi ressemblent vos premiers cours ?


Les deux premières heures furent particulièrement catastrophiques. Je me revois entouré de ces élèves au milieu desquels je ne me trouvais guère plus âgé. Je regardais la porte en me demandant si je ne ferais pas mieux de partir tout de suite et trouver un autre emploi ! J'avais préparé un très beau discours sur le sens et la portée de l'enseignement philosophique et je ne trouvai rien de mieux que le lire à ces pauvres élèves qui me regardaient d'un air assez effaré. A la fin, je demandais si quelqu'un avait une question. Une seule main se leva et un jeune homme me demande simplement : « C'est vous qui avez écrit ça ? ». Là, je mesurais clairement que je m'étais bel et bien fourvoyé sur toute la ligne ! Heureusement, j'appris bien vite à lâcher mes notes !


Puis vous partez à Perpignan, à Notre Dame de Bonsecours, un lycée privé, pour un poste que vous occupez jusqu'à maintenant. Comment se passe cette installation dans cette nouvelle ville ?


L'année de stage avait été assez formatrice. A mon premier cours, je remplaçais la lecture de mes hautes réflexions sur la padeia par un passage d'Epicure... Il y avait un mieux, j'imagine ! Par contre, ce fut aussi une première année assez surprenante. Une raison médicale inopinée m'obligeant à garder le repos à domicile, j'eus le temps cette année là de préparer l'agrégation et, à ma plus grande surprise, d'être reçu. Du bon usage des maladies comme disait Pascal !


Au bout de ces quelques années d'enseignements, quel bilan tirez-vous de votre métier de professeur de philosophie ?


Je ne vais rien dire d'extraordinaire mais il me semble que l'enseignement se révèle au bout d'une dizaine d'années une expérience très enrichissante sur le plan de la dynamique relationnelle. Enseigner la philosophie en classe de terminale oblige et en même temps permet de se défaire de tout un appareillage commode de concepts au final assez flous. Avec un jeune empiriste sceptique, très souvent hédoniste (il me semble qu'on peut voir là la définition moyenne de l'adolescent pré-adulte de notre temps!), il est impossible de se payer de mots, la démonstration doit être claire et percutante pour soulever l'intérêt, sinon l'adhésion...



Merci François Palacio d’avoir répondu à ces quelques questions !