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  4. La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale

couverture du livre la Crise des sciences européeennes de Husserl

Résumé de : La Krisis

La Krisis présente une série de textes écrits par Husserl en 1935 et paraît intégralement de manière posthume, en 1954, seize ans après sa mort. Il cherche à déterminer l'origine de la crise que traverse l'Europe au début du XXème siècle. Il s’agit pour lui de l’abandon progressif de l’idéal grec de la philosophie au profit d’une science objectiviste.


Du même auteur : les Idées directrices pour une phénoménologie


I/ La crise des sciences comme expression de la crise radicale de la vie dans l'humanité européenne

Y a-t-il vraiment une crise des sciences ? Leur scientificité est-elle devenue douteuse ?

Ce qui est sûr c'est qu'il semble y avoir à l’époque où Husserl rédige son ouvrage une crise de la philosophie, qui menace de tomber dans le scepticisme, l’irrationalisme ou le mysticisme.


Mais les sciences positives ? Elles ne semblent pas être en crise, car elles présentent de merveilleux résultats à l'époque où Husserl rédige son ouvrage. Même chose pour les sciences de l'esprit : Le contraste entre la scientificité de ces groupes de sciences et au contraire la non-scientificité de la philosophie ne peut être méconnu 1.

Néanmoins, si l'on se met à l'écoute des plaintes suscitées par la crise de notre culture, et du rôle que l'on prête aux sciences dans cette crise, verrons-nous alors apparaître des motifs suffisants pour soumettre la scientificité de toutes les sciences à une critique sérieuse tout en admettant la rectitude inattaquable de leur prestation méthodique (qui constitue leur scientificité au premier sens) 2.

Et de fait, on verra que la crise de la psychologie renvoie à celle des sciences modernes, y compris des sciences mathématiques.


Pour commencer Husserl note un renversement, survenu à la fin du XIXème siècle, de la façon d’estimer les sciences : il ne vise pas leur scientificité, mais ce que la science en général avait signifié et peut signifier pour l'existence humaine 3.

Husserl note que les sciences positives ont modelé notre vision globale du monde. De ce fait, on s’est détourné avec indifférence des questions qui pour une humanité authentique sont les questions décisives 4.

En effet, de simples sciences de fait forment une simple humanité de fait 5.

Husserl le formule ainsi :

Dans la détresse de notre vie, cette science n'a rien à nous dire. Les questions qu'elle exclut par principe sont précisément les questions qui sont les plus brûlantes à notre époque malheureuse pour une humanité abandonnée aux bouleversements du destin : ce sont les questions qui portent sur le sens ou sur l'absence de sens de toute cette existence humaine 6.


Il faut apporter selon Husserl, une réponse rationnelle 7, à ces questions.


Finalement, qu'est-ce que la science a à nous dire sur les hommes, en tant que sujet de la liberté ?

Tout d'abord, la simple science des corps n'a rien à nous dire, puisqu'elle fait abstraction de tout ce qui est subjectif 8.

D'autre part les sciences de l'esprit traitant de l'homme doivent mettre hors circuit toute prise de position axiologique (qui concerne les valeurs) : La vérité scientifique, objective, est exclusivement la constatation de ce que le monde physique et spirituel est en fait. 9 Or est-il possible que le monde et l'être humain aient véritablement un sens si les sciences ne laissent valoir comme vrai qu'une objectivité de ce type ?.

Par exemple l'histoire, considérée dans sa démarche scientifique, semble nous apprendre que les règles de vie, les idéaux, les normes, se forment comme les ondes fugitives et, comme elles, se défont, que toujours la raison se changera en déraison et toujours les bienfaits en fléaux 10.


Il faut remarquer que l'idéal de l'objectivité positiviste n'a pas toujours régné.

Avant la science pouvait revendiquer une signification pour cette humanité européenne. Pourquoi cela a-t-il changé ? Pourquoi ce tournant positiviste ?

Il s'est produit en fait à la Renaissance un changement : le mode d'existence du Moyen Âge est déprécié. On admire l'humanité antique, et on veut l’imiter. Ce qu'on cherche à imiter, c’est la forme philosophique 11 de l'existence, c'est-à-dire le fait de se donner librement à soi-même sa vie durant une règle tirée de la pure raison.

1 I,1, p.9
2 I,2,p.9
3 ibid., p.10
4 ibid.
5 ibid.
6 ibid.
7 ibid.
8 ibid., p.10-11
9 ibid., p.11
10 ibid.
11 I,3, p.12