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photo d'Adelaïde de Lastic

Adelaïde de Lastic

Paris

Nous découvrons ici le parcours d'Adelaïde de Lastic, consultante-chercheuse en éthique des organisations et docteure en philosophie.

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ? 

Je suis philosophe. Pour moi c’est une manière de vivre et donc aussi une manière « d’être-au-travail ». 

Mon travail consiste à faire de la recherche et du conseil en éthique des organisations. Cette posture, autant dans l’entreprise qu’en-dehors d’elle est essentielle pour l’exercice de mon métier. C’est parce que je suis dans l’entreprise que j’en parle sans être déconnectée, mais c’est aussi parce que je suis en-dehors d’elle, que j’ai du recul et que je peux y apporter quelque chose de différent. Sur le plan de la recherche : j’écris, je lis, je publie, je donne des cours. Sur le plan du conseil aux organisations, d’une part j’aborde leurs questions éthiques (valeurs, identité, Intelligence Artificielle,…) sous forme de conférences et d’ateliers notamment, et d’autre part, j’élabore des stratégie RSE-qualité et je forme sur les normes en vigueur, ISO 26000 (RSE) et ISO9001 (qualité).

Dans mon travail, la philosophie est présente à deux niveaux. Le premier c’est la méthode : clarification conceptuelle du sujet, analyse, décalage du problème, recherche d’éléments pertinents pour répondre au problème, synthèse. Le deuxième niveau, c’est mon objet d’étude : l’éthique, qui est une branche de la philosophie. Mon but est aussi de rendre accessible les outils de la philosophie dont certains sont touffus. Je constate que la dynamique recherche et opérationnel est bénéfique et pas encore assez répandue. Elle nécessite de parler les deux langages et de comprendre les deux cultures : académique et de l’entreprise.


Pourquoi s’intéresser à l’entreprise ? C’est une question qu’on pose souvent à la philosophe que je suis. Pourtant pour moi c’est évident : les entreprises sont faites par des humains, pour des humains, avec des humains. A partir de là il y a beaucoup de questions existentielles, éthiques qui se posent. Et encore plus dans le contexte contemporain qui est un contexte de crise et de transformations des pratiques. Les organisations économiques, tous statuts juridiques confondus, doivent se poser la question de leur responsabilité. Elles doivent pouvoir répondre de leurs impacts sur l’environnement et sur la société. Bien sûr, il y a un risque de bullshit non négligeable quand on parle de valeurs et d’éthique en entreprise, mais ce n’est pas la question qui est contestable, ce sont certaines réponses « bidons » (https://theconversation.com/valeurs-de-lentreprise-de-mauvaises-reponses-a-une-bonne-question-96058).

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ? 

Des souvenirs d’amitié et d’élargissement de mes frontières intellectuelles, sociales, géographiques. Des souvenirs de voyages sac au dos, de jobs étudiants, d’obtention du permis de conduire. Globalement un sentiment d’empowerment important et d’interactions enrichissantes. 

La rencontre avec la philosophie a eu lieu plus tôt. La première auteure qui m’a marquée était Simone de Beauvoir vers l’âge de 13-14 ans. Elle mettait des mots exacts sur des impressions. Le travail conceptuel, exigeant, est peut-être ce que j’aime le plus en philosophie. Nommer avec exactitude redonne du sens aux choses, aux situations, aux ressentis. 

Les cours de philosophie en Terminale étaient captivants. Ils m’ont donné envie de continuer, ce que j’ai fait. Parallèlement à mon Master en philosophie, j’ai fait un master en communication car je n’avais pas l’intention d’enseigner mais plutôt de travailler en entreprise et je voulais donner à mon profil un côté opérationnel (stage, matières « professionnalisantes »). Dans la même logique, j’ai fait ma thèse – en ontologie et éthique de l’entreprise – en contrat Cifre, qui est un contrat où le doctorant est en même temps salarié d’une organisation à un poste opérationnel cohérent avec son sujet de thèse. J’étais donc doctorante et chargée de mission RSE-diversité à l’UDES (Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire).

Pendant ces années d’université, la discussion avec la philosophie s’est faite principalement par la lecture et par une démarche existentielle, pas seulement théorique, mais aussi pratique et quotidienne. Les professeur-e-s qui m’ont le plus marquée, Michel Puech à La Sorbonne et ma directrice de thèse, Gloria Origgi étaient pour moi des modèles intellectuels et humains qui éclairent l’esprit des étudiants et les font véritablement grandir.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ? 

J’ai eu des coups de foudre pour Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe), Pierre Hadot (La philosophie comme manière de vivre), Michel Foucault (L’herméneutique du sujet), Aristote (L’éthique). 

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ? ou : - Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ? 

J’ai toujours écrit. Quand j’ai une idée et que je la travaille à l’écrit, elle se développe de façon plus aboutie, plus claire. Cela demande une discipline. L’écriture s’exerce. Mais je ne me lasse pas de la satisfaction que cela procure. 

J’ai écrit deux livres, Que valent les valeurs ? (L’Harmattan, 2014) et Qu’est-ce que l’entreprise ? (Vrin, 2015) et je suis en train d’en écrire un troisième. Tous mes travaux concernent les organisations de travail d’un point de vue éthique ou ontologique. C’est un sujet inépuisable, surtout avec les transformations sociétales que nous vivons actuellement, les impératifs de changement de pratiques environnementales, de transformation de nos modèles socio-économiques. Je traite ces sujets du point de vue collectif des organisations, mais je m’intéresse aussi beaucoup aux individus contemporains, à leurs ressentis et à leurs problématiques éthiques ordinaires. 

Mon travail opérationnel dans les organisations est un arrière-plan existentiel qui nourrit mes écrits autant que les recherches et lectures.



Merci Adelaïde, pour ce témoignage !

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