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photo d'Alicia Gauduel

Alicia Gauduel

Lyon

Nous découvrons ici le parcours d'Alicia Gauduel, animatrice d’ateliers de philosophie pour enfants et adultes.

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?

Je suis animatrice d’ateliers de philosophie avec les enfants (indépendante) et formatrice (notamment pour l’association SEVE de Frédéric Lenoir) auprès d’adultes qui souhaitent apprendre à animer des ateliers de philosophie avec les enfants et les adolescents.

Si vous m’aviez posé la question il y a 5 ans, je vous aurais répondu que j’étais directrice de la communication d’une entreprise qui fabrique et vend des sèche-cheveux haut-de-gamme ! Après la Sorbonne, j’ai travaillé 15 ans dans la communication. Mais en quelques mois, plusieurs événements ont précipité la fin de cette période de ma vie qui avait fini par ne plus avoir de sens à mes yeux.

J’ai réalisé qu’il n’y avait pas de bon ou de mauvais chemin : l’essentiel c’est que la somme des expériences vécues et des leçons tirées me permette d’avancer et de me sentir chaque jour à ma place, utile au monde.


Depuis maintenant trois ans, je vais à la rencontre des enfants dans des écoles et des lieux culturels (bibliothèques, médiathèques, librairies) pour leur apprendre à philosopher. C’est un processus qui demande du temps, de la persévérance car si l’enfant est « naturellement philosophe » (selon Jacques Levine), mon rôle est d’éveiller son étonnement pour créer des moments récurrents de discussion à visée philosophique. Chaque séance est différente et c’est ce qui est passionnant !

Mais attention : la philosophie avec les enfants n’est pas une philosophie de cour de récré. Au contraire, c’est justement parce que c’est difficile qu’il faut commencer tôt !

Les aptitudes philosophiques que les enfants développent sont à peu près les mêmes que celles attendues en Terminale : qualité d’écoute, problématisation, argumentation et conceptualisation. Des mots barbares que je garde pour moi mais que je leur fais travailler dans mon animation. Justifier un propos pour argumenter (« est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi est-ce que tu penses cela ? »), envisager l’alternative pour problématiser (« Ah bon ? Mais est-ce que c’est toujours vrai ?) ou tenter de lister les critères d’une définition pour approcher le concept.

J’ai la chance de travailler avec des personnes formidables, convaincues du bien-fondé de la démarche philosophique avec les enfants. Enseignants, libraires ou animateurs culturels pour enfants constatent par eux-mêmes la façon dont les enfants s’ouvrent à leur propre pensée et à celles des autres, après seulement quelques séances.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ?

Excellent (mais pas que) !

Récemment diplômée de l’université de Nantes en « Philosophie avec les enfants et les adolescents, à l’école et dans la cité » (le seul diplôme universitaire qui existe en France pour cette spécialité), j’ai retrouvé les mêmes sensations que lors de mes études en Khâgne ou à la Sorbonne.

L’étude de la philosophie fait s’entrechoquer chez moi la joie et l’angoisse au sens d’Heidegger. Je suis fascinée par la puissance de la pensée philosophique mais le doute ontologique a quelque chose de vertigineux, et parfois d’angoissant. C’est un ressenti très intime.


Je profite de votre question pour rendre hommage ici à deux de mes professeurs : le premier et le dernier.

Pierre Hidalgo, mon professeur de terminale, parce qu’il est celui par qui tout a commencé. Alors que je découvrais la philosophie, il m’a encouragée et même mise au défi. Nous avons nouée une relation de maitre à élève comme je n’en avais jamais connue auparavant. Il m’a fait lire des auteurs qui m’accompagnent encore aujourd’hui. Je me souviens du tout premier texte à commenter, un aphorisme de Nietzsche que je connais encore presque par cœur aujourd’hui.

Edwige Chirouter, une femme exceptionnelle ! Titulaire de la chaire UNESCO de philosophie avec les enfants, elle a fondé le D.U. de philosophie avec les enfants et les adolescents à l’école et dans la cité. Elle est aussi directrice pédagogique de l’association SEVE (Savoir Etre et Vivre Ensemble) et œuvre dans le monde entier pour diffuser et valoriser la philosophie avec les enfants. Elle est passionnante lorsqu’elle parle de littérature jeunesse et de la façon dont les histoires permettent aux enfants d’accéder à la réflexion philosophique. Je lui envie son énergie qu’elle partage volontiers et j’adore son humour qui fait passer les heures de cours à la vitesse de la lumière. J’en redemande !

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Je ne sais pas ; et je ne veux pas répondre à cette question.

Souvent, mes enfants me demandent quel est mon plat préféré ? Et au moment où je pense à l’un, vient l’idée d’un autre, puis d’un autre. Cela reflète sans doute une de mes grandes difficultés : choisir. Mais il y a aussi l’idée que s’il ne fallait en garder qu’un ce serait celui-ci alors qu’en réalité, si je ne devais manger plus qu’un seul plat toute ma vie, fut-il mon préféré, ce serait d’une tristesse...


Plus sérieusement, je conçois la philosophie dans son tout. Ce qui m’intéresse c’est la conversation entre philosophes, lorsqu’ils s’interrogent, s’inspirent, se répondent s’influencent et se défient à travers les siècles. J’aime les systèmes. Observer la façon les théories émergent au milieu d’une époque, dans un contexte historique, politique, social et moral particulier. La philosophie antique me fascine par ce qu’elle révèle d’une civilisation. Mais aussi le coup de force de Descartes, le système kantien, Nietzsche !

L’esthétique de Hegel, Bergson, Merleau-Ponty et Sartre.

Et puis j’ose le dire : il n’y a pas que les textes philosophiques dans la vie ! Lorsque je travaille avec les enfants, je commence souvent avec la lecture d’un mythe, d’une fable, d’une histoire littéraire pour enfants. La philosophie se cache souvent là où on ne l’attend pas. Je suis aussi une lectrice de romans et de poésie.

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?

J’ai sur ma table de travail depuis des années le début d’un roman philosophique que je désespère de terminer un jour. Il n’y a donc rien d’autre à dire à ce sujet pour l’instant !

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

Dans le cadre du D.U. de philosophie avec les enfants, j’ai rédigé un mémoire sur la philosophie en maternelle. J’ai découvert, grâce à ce travail de recherche, que ce sont avant tout les adultes (moi la première) qui posent leurs idées et projettent leurs doutes sur les besoins et les capacités des enfants. Cela m’amène à m’interroger plus largement sur l’éducation.

Je suis actuellement une nouvelle formation pour accompagner les jeunes sur leur chemin de vie, leur permettre de trouver leur voie pour être en capacité de choisir la meilleure façon pour eux de conduire leur vie.

Je pense que le dessein de la philosophie à quelque chose à voir avec le fait de réussir sa vie. Au-delà des critères de réussites (discutables voire erronés) que brandissent les sociétés, il me semble que les ateliers de philosophie que j’anime ont un rôle primordial à jouer dans la connaissance de soi, l’estime puis la confiance, et finalement la quête, la découverte et l’accomplissement, très personnel, de ce pour quoi chaque être humain est en vie sur cette planète.

C’est cette conviction qui donne du sens à mon métier.


Merci beaucoup Cyril :)



Merci Alicia, pour ce témoignage !

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