Bruno Bérard
ParisNous découvrons ici le parcours de Bruno Bérard, auteur et directeur de collection chez l'Harmattan.
Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !
Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?
Pour manger. À 60 ans, je termine une carrière de cadre dirigeant dans l’industrie à l’international (pour des groupes français, suisses, allemands et américains) comme consultant en stratégie industrielle et commerciale (pour des groupes américains, anglais, français et italiens), principalement dans l’aéronautique mais aussi dans la régulation thermique.
Pour vivre. Depuis une quinzaine d’année, dirigeant bénévolement plusieurs collections chez L’Harmattan, j’ai fait éditer une cinquantaine d’ouvrages français et des traductions, essentiellement philosophiques (métaphysique, religions, ésotérisme traditionnel), de Jean Borella, Robert Bolton, Frithjof Schuon, Gilbert Durand, François Chenique, Wolfgang Smith, Kenryo Kanamatsu, Françoise Bonardel, etc.
Cette situation m’a permis de diriger des ouvrages collectifs tels que Qu’est-ce que la métaphysique ? (2010), Métaphysique des contes de fées (2011), Métaphysique et psychanalyse (2013) et, après sept ans d’efforts, Physique et métaphysique publié en même temps en France et aux États-Unis (2018).
Depuis les années 90, j’écris des livres, principalement sur les religions et une philosophie de la connaissance – le premier n’ayant été publié qu’en 2005.
Par ailleurs, j’assiste bénévolement des jeunes entrepreneurs à créer ou développer leurs activités (restauration, conseil, risques psycho-sociaux, etc.).
Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?
Malheureusement, je n’ai pas de bons souvenirs de mes études. Hormis un professeur de mathématique en troisième et un professeur de lettre en première, ma scolarité a été un cauchemar vécu comme une perte de temps totale. En revanche, mes études supérieures restent un bon souvenir avec le bénéfice d’une prestation inoubliable de Jacques Séguéla.
Heureusement, j’ai pu côtoyer ou rencontrer, en privé, des professeurs de philosophie, à commencer par mon père, ou des penseurs remarquables (Lanza del Vasto, Jean Borella, François Chenique…).
Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?
La rencontre avec l’œuvre de Jean Borella a été décisive dans ma démarche philosophique. Autodidacte jusqu’à mon doctorat (Science des religions et systèmes de pensée), j’ai pu y découvrir, et partiellement assimiler, des éléments de la méthode philosophique. Surtout, j’y ai vu l’intelligence à l’œuvre, ce que penser voulait dire, d’autant plus qu’il s’agit de domaines ultimes, de métaphysique. Dès lors, quelles que soient les capacités intellectuelles – indéniables et qui dépassent les miennes – de penseurs puissants (Kant, Heidegger, Quine, Russell, Lewis, Armstrong, Derrida, Nef, etc.), celles-ci s’avèrent n’être in fine qu’au service d’une réduction rationaliste.
La seule raison, à l’œuvre en tant que simple calculation d’idées, limitée par la logique qui la gouverne et par l’objet qu’elle perçoit ou conçoit s’oppose ici à l’intelligence, comme le raisonnement (pur calcul), ou la notion, s’oppose à la compréhension du raisonnement, à l’intelligence de la notion, ou comme la signification lexicale (construite) peut s’opposer au sens, à la signifiance, laquelle s’avère ingénérable. Ainsi, les mots, les raisonnements peuvent enfermer la pensée, alors que l’intelligence peut la libérer. Aux frontières de la pensée (métaphysique), le dépassement du concept est la seule voie de connaissance véritable, eût-elle l’apparence d’une nescience.
Pourriez-vous nous parler de vos créations ? Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?
Mon premier livre publié fut une « synthèse » sur les religions, sous l’angle métaphysique de leurs enseignements, dans laquelle la dogmatique chrétienne est mise en résonnance avec les autres religions (Introduction à une métaphysique des mystères chrétiens, en regard des traditions bouddhique, hindoue, islamique, judaïque et taoïste, 2005). Il aura bénéficié, quant à l’exposé des doctrines, de l’imprimatur de l’Église catholique ainsi que d’une postface remarquable de Jean Borella : « Problématique de l’unité des religions ».
Ayant découvert, à l’occasion de ce premier livre, les travaux de Jean Borella, mon deuxième livre publié a été une synthèse de son œuvre, plus de trois mille pages résumées en trois cent cinquante, couvrant une bonne partie de l’histoire de la philosophie, des présocratiques au déconstructionnisme (Jean Borella : La Révolution métaphysique ; après Galilée, Kant, Marx, Freud, Derrida, 2006).
Après de nombreux articles et ouvrages collectifs (2006-2018), l’édition de ma thèse sur un métaphysicien du XIXe siècle, la publication d’une Initiation à la métaphysique (2009), je viens de terminer un essai de philosophie de la connaissance : Métaphysique du paradoxe (à paraître). Je ne sais pas comment il sera reçu ; la bibliographie comporte un millier d’ouvrages.
Actuellement, je travaille sur une Métaphysique du sexe, avec l’idée de renouveler celle de Julius Evola, parue en 1958. On y distingue les sexuations (mâle, femelle, autres), les genres (féminin, masculin, autre) et les sexualités (hétéro, homo, autres) ainsi que leurs différentes combinaisons au sein d’un même individu et entre partenaires, afin de déceler, au-delà des idéaux comme des pratiques, ce qui fait l’essence d’un homo sexualis. On y découvre, avec la disjonction physiologique des fonctions de procréation et du plaisir, les techniques sexuelles ancestrales indiennes et chinoises et les contemporaines occidentales (Tantra, Tao, Karezza) comme s’adressant prioritairement au corps, à l’âme ou à l’esprit, selon l’orientation culturelle régionale. Surtout, on comprend que la rencontre intime d’un autre (un alter ego à la Aristote) s’adresse – virtuellement ou effectivement – à chaque « étage » de la tripartition humaine, que l’altérité prime sur la sexuation, voire que l’altérité « horizontale » (humaine) ouvre à une Altérité plus radicale encore, « Verticale ».
Incidemment, l’activité sexuelle n’apparaît plus ni comme une nécessité absolue (les cas d’abstinence totale sont très répandus), ni comme l’explication dernière de l’être humain (Freud fut bien déçu que son schéma œdipien, voulu universel, soit rendu caduque par la découverte d’autres sociétés par les ethnologues), mais apparaît comme l’une des voies dont dispose l’être humain pour participer à plus grand que lui.
Merci Bruno, pour ce témoignage !
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