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photo de Camille Lizop

Camille Lizop

Paris

Nous découvrons ici le parcours de Camille Lizop, titulaire d'un master de philosophie à la Sorbonne et intervenante au sein du collectif Ouishare...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?

Je viens tout juste de terminer un stage de six mois au sein du Collectif Ouishare, dans le cadre de mon master 2, le master Ethires de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Ce master professionnalisant enseigne la philosophie dite appliquée. La formation est dispensée à travers un socle théorique d’une part (cours de philosophie du travail, sociologie des organisations, éthique appliquée, etc.) et une approche pratique d’autre part : nous menons des « missions de terrain » auprès de professionnel.les variés (un médecin, une start-up engagée pour l’environnement, un collectif de design, une association portant sur le numérique, etc.) à partir de questions qu’elleux nous posent.

Il s’agit de problématiser le sujet au moyen de recherches théoriques (corpus de la tradition et contemporain, littérature grise) mais aussi empiriques (via un grand nombre d’entretiens et une immersion sur le terrain). L’objectif est de mettre en lumière les tensions sous-jacentes, de conceptualiser ce que nous observons et ce que les personnes vivent, sans toujours parvenir à mettre des mots dessus. Souvent, il s’agit également de montrer comment ces pratiques s’inscrivent dans une histoire, sont rattachées à des enjeux politiques qui les dépassent.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

Après avoir été beaucoup dans la lune, souvent à côté de la plaque, j’ai « découvert l’école » en classe de 1ère L, en grande partie grâce à mon professeur de français. Il nous assommait de vers et de figures de style, mais c’était un passionné : la littérature l’habitait, il la vivait. Il attendait de nous un travail qui nous semblait colossal. Aujourd’hui, il m’arrive de relire certains cours de l’époque et de me dire : « C’était donc ça ! J’étais passée à côté, mais c’est formidable. ». Je comprends seulement maintenant certaines idées que je m’étais contentée d’apprendre. Le temps de la digestion est parfois long, mais le jour où la chose est véritablement comprise - prise avec soi - c’est pour toujours.

Par la suite, j’ai été extrêmement marquée par mes années de prépa (hypokhâgne et khâgne). Ce qu’on nous donne là est infiniment précieux. C’était dur, je souffrais beaucoup de fatigue. Je me mettais volontairement au premier rang - la pression du regard des professeurs m’aiderait à résister au sommeil – et pourtant... Mes efforts et subterfuges ne suffisaient pas toujours. Si bien qu’en relisant mes cours, il m’arrivait souvent de tomber sur des mots dont le graphisme se détériorait progressivement jusqu’à devenir, non plus approximatif, mais bien fantaisiste : ma main continuait d’écrire dans mon sommeil….


Que ce soit en terminale ou en prépa, j’ai eu beaucoup de chance car j’ai eu trois excellents professeurs de philosophie – trois styles et trois approches très différentes, complémentaires, mais toujours marquées par un point commun : une rigueur à toute épreuve, des exigences difficiles à honorer.

C’est en prépa que j’ai appris ce que la précision veut dire, ce que la répétition incessante permet d’acquérir. J’y ai découvert les liens inextricables entre les différentes disciplines, les résonances qui font qu’on ne peut pas comprendre la géographie sans l’histoire, ni l’histoire sans la littérature, et ainsi de suite.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Il serait donc hors-sujet de répondre par une autrice ? ;)

En l’occurrence, ma rencontre avec Le désir et le monde de Renaud Barbaras a été décisive.

J’ai eu le sentiment que le livre avait été écrit pour moi. Un peu à la manière de ce soulagement que j’ai éprouvé en classe de terminale, en découvrant que d’autres s’étaient posé les mêmes questions que moi : le bien, le mal, la justice, l’existence de Dieu,... Cet apaisement, en voyant que d’autres ont pris le soin de mettre des mots sur des maux qui sans être ainsi verbalisés auraient rendu la vie insupportable.

C’est à partir de cet ouvrage de Barbaras que j’ai écrit mon mémoire de Master 1 : « Un fondement métaphysique du désir : de la nostalgie vers l’inconnu – Étude comparée des fondements du désir chez Levinas et Barbaras du point de vue de l’orientation de la dynamique à l’œuvre au cœur du désir », pour lequel j’ai reçu la note de 18/20.


Plus tôt, j’ai été marquée très fort et durablement par Emmanuel Kant. Un jour, j’ai réalisé qu’il avait comme colonisé mon esprit. Je me suis sentie envahie par sa radicalité, son côté catégorique et j’ai dû apprendre à avoir quelques distances dans mon vécu : accepter la demi-mesure et apprendre à lâcher prise.

Mais l’auteur qui m’a le plus marquée récemment est sans aucun doute Bernard Stiegler. Avec Maude Durbecker, l’une de mes camarades d’Ethires, nous avons eu la chance de partager avec lui des questionnements passionnants. Bernard Stiegler refuse la dissociation stérile entre théorie et pratique. La pensée et l’action vont nécessairement de pair et cela se traduit dans ses travaux, qui sont toujours soumis à des expérimentations. Il propose les fondements d’une véritable alternative à notre société.

Enfin, j’ai découvert tout récemment Vinciane Despret et plus précisément son approche des émotions, l’idée d’une réhabilitation du statut politique des émotions, qui sont généralement renvoyées à la sphère domestique. Ce sujet me semble absolument majeur et je souhaite travailler d’une façon ou d’une autre sur cette question.

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ? ou : Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

Sur le plan universitaire, j’ai dit quelques mots de mon mémoire de master 1, que j’ai écrit sous la direction de Laurent Lavaud, le professeur de Paris 1 dont les cours m’ont le plus marquée et passionnée.

J’ai également écrit deux rapports pendant Ethires. Le premier, sur le numérique : « « Tous surveillés par des machines pleines d’amour » ? Le LICA, entre éthique et politique. »

Et le second : « Le design et le monde : la figure du praticien comme remède à l’incurie ».

Au sein de Ouishare, j’ai écrit sur des questions relatives à la théorie des organisations, à partir des problématiques que cette structure très atypique rencontre. Parmi ces travaux, mon rapport de stage : « Une rhétorique de l’indéfinition et une culture de l’informel en proie à la nostalgie d’une fougue passée ».


Aujourd’hui, je poursuis l’écriture d’un rapport visant à montrer comment les politiques de rénovation énergétique évacuent la dimension psychosociale de la précarité énergétique. À partir d’une expérimentation menée par Ouishare à Roubaix, nous proposons des pistes d’action pour une approche collective et plus globale de la question et donc, des solutions plus pertinentes, inclusives et pérennes.

Dans un registre un peu différent, celui de la danse contemporaine, j’ai écrit pour le festival international Montpellier Danse, le récit de l’histoire du chorégraphe Merce Cunningham, un personnage majeur s’il en est dans l’histoire de l’art du XX° siècle, à travers le prisme de sa présence à Montpellier Danse entre 1985 et 2010. (Merce Cunningham, un américain à Montpellier, 39e festival, Montpellier Danse, juin 2019).



Merci Camille, pour ce témoignage !

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