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photo de Coralie Camilli

Coralie Camilli

Paris

Nous découvrons ici le parcours de Coralie Camilli, docteure en philosophie et conférencière.

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

Après la soutenance de ma thèse de doctorat, j’ai obtenu l’année dernière la qualification pour postuler aux postes de maitres de conférence à l’université. Je suis chargée de conférences dans plusieurs entreprises cette année, des sortes de collaboration philosophie-entreprenariat. Et je voyage aussi beaucoup, pour les arts-martiaux que je pratique en nombre d’heures assez conséquent !

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

Le lycée d’abord, j’étais en Corse, à Bastia. De très bons souvenirs, car c’est dès l’entrée au lycée, en seconde, que j’ai découvert des lectures philosophiques. J’avais donc pris pas mal d’avance sur le programme de terminale ! J’ai obtenu 20/20 au baccalauréat, et je n’ai aucun mérite, j’ai tout fait par plaisir. 


De mes premières années d’université ensuite, je garde en mémoire trois professeurs: mon directeur de mémoires et de thèse, le Pr. Ali Benmakhlouf, dont les enseignements sur Wittgenstein étaient de haute volée conceptuelle, et dont la bienveillance et les encouragements dans le suivi de mon travail ont été précieux. Ses enseignements oraux sont toujours frappants de  précision, chaque mot est pesé et rien n’est en trop, tout est nécessaire et à sa place :  c’est toujours le déroulement d’une pensée structurée. Il est spécialisé dans la logique mais travaille également sur la philosophie arabe-musulmane ; et je suis un peu comme lui de ce point de vue-là : aux identités multiples !

Je citerai le Pr. Franck Fischbach également, dont j’ai toujours aimé les cours et dont j’ai toujours lu les livres ; ses travaux sur la philosophie sociale, notamment, me touche beaucoup, ils sont nourris de références allemandes, sa spécialité, sont brillants, courageux, rigoureux, plein d’idées novatrices, touchant le réel. Ses ouvrages sont très inspirants.

Le Pr. Gérard Bensussan enfin, dont je n’ai jamais eu la chance de suivre ses cours, -je n’ai jamais été son élève-, je l’ai rencontré à Strasbourg lors de la rédaction de ma thèse. J’avais lu tous ses ouvrages car nombreux étaient ceux qui portaient sur la philosophie juive, ma spécialité. Etant passé par le marxisme, la philosophie allemande et la pensée juive, ses ouvrages font date (« Dictionnaire du marxisme », « Le temps messianique », et encore beaucoup d’autres), et c’est un maître: il allie naturellement une cohérence implacable dans ses raisonnements une réelle générosité dans la transmission. Il voit les choses, au sens le plus propre. C’est un vrai philosophe. 

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionnée ? L’auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Le livre dont je ne peux me passer est le Ainsi parlait Zarathoustra, de F. Nietzsche. Je l’ai lu la première fois à quinze ans, et je peux en citer des passages par coeur. C’est un texte dont le sens semble inépuisable, infini, sans cesse renouvelé. Il peut accompagner toute une vie, du moins je le crois; et j’y trouve encore des choses nouvelles. C’est lumineux, audacieux, poétique, politique, visionnaire, c’est puissant et frontal, inclassable. 

C’est un livre sans oeillères, sans réconfort, sans compassion, sans seconde chance, sans politesse, un oreiller de pierre pour dormir à la belle étoile, et là où il ne fait pas chaud ! C’est un livre qui rend plus fort, mais uniquement si l’on n’a pas peur des précipices de la pensée. Nietzsche a écrit là un livre sauvage, si je puis dire. 

J’ai d’ailleurs emprunté à Nietzsche son expression pour un de mes propres ouvrages (qui porte sur le Procès de Kafka) : je l’ai intitulé « Ainsi parlent les coupables ». Bien sûr, la référence y est expliquée ! 


L’auteur pour qui j’ai eu le coup de foudre : bien, ils sont trop nombreux ! Car ce sont les rédacteurs du Talmud : immense série de traités qui commente le texte de la Torah. Soixante-trois traités écrits par les rabbins entre le premier siècle de l’ère commune, jusqu’à cinq siècles plus tard, une compilation de milliers d’interprétations sur tous les sujets possibles, le mariage, le désir, la cuisine, la politique, la mise à mort, les interdits de la juive, l’histoire, le rapport à Dieu, le rapport entre les hommes. Des lois civiles côtoient dans le texte des anecdotes les plus drôles sur la vie de rabbins de l’époque, et des discussions logico-juridiques (dont le niveau d’abstraction est étonnant), font suite à des discussions ouvertes sur le thème de la beauté masculine, pour exemple. L’intelligence s’y déploie sans cesse : et donc la liberté avec elle. 

Avez-vous déjà essayé d’écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations, travaux de recherches ?

J’ai publié quelques ouvrages déjà. « Le temps et la loi », publié aux PUF, en 2013, (collection philosophies), qui porte sur le messianisme juif et ses implications philosophiques. 

Un ouvrage sur Kafka, celui dont je faisais mention plus haut, « Ainsi parlent les coupables », qui est une relecture du Procès de Kafka, que je réinterprète au regard du droit hébraïque. J’y soutiens que le personnage du roman de Kafka, Joseph K., figure traditionnelle de l’innocent condamné à tort, mérite en fait bien sa peine ! Je prends le contre-pied des lectures traditionnelles. Je convoque le droit juif et ses sources à l’appui (les lois sur les faux-témoins, la règle du Talion, etc.).

Un ouvrage collectif enfin, que j’ai dirigé, publié chez Vrin, et qui porte sur le judaïsme, la politique et la sécularisation.

Enfin, mon prochain ouvrage (sur lequel je travaille actuellement), portera sur la pensée des arts-martiaux



Merci Coralie, pour ce témoignage !

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