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photo d'Elsa Ballanfat

Elsa Ballanfat

Paris

Nous découvrons ici le parcours d'Elsa Ballanfat, professeure agrégée et docteure en philosophie...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?

Je suis Elsa Ballanfat, ancienne élève de l’École Normale Supérieure et professeure agrégée de philosophie. Je suis également docteure en philosophie (spécialité esthétique et métaphysique) de l’université Paris IV-Sorbonne. Mon parcours philosophique a fait suite à plus de vingt ans de danse et de yoga, je suis à ce titre diplômée de l’EAT de danse contemporaine et professeure certifiée de Vinyasa yoga.

Je suis actuellement professeure en classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand. J’ai la chance d’enseigner aux élèves de la filière littéraire, en hypokhâgne principalement.

C’est vraiment l’enseignement auquel je me destinais depuis plusieurs années, dans la mesure où j’avais moi-même beaucoup appris en classes préparatoires, au lycée Henri IV. Cet enseignement très exigeant, en même temps qu’ouvert à tous les aspects de la philosophie traditionnelle et actuelle, permet de nourrir ma réflexion de bien des manières.

La direction du lycée Louis-le-Grand me donne enfin la possibilité de proposer un cours de yoga aux élèves désireux de le pratiquer. Je peux ainsi lier mon enseignement à la question de l’état d’être et d’attention, qui me paraît indispensable à la concentration.

Quel souvenir gardez-vous de vos études, de vos professeurs ?

J’ai été marquée par plusieurs personnalités qui ont constitué des modèles dont je m’inspire toujours. En hypokhâgne, Paul Mathias a proposé des explications de texte parmi les plus claires et les plus fluides que j’ai entendues. J’ai ensuite été très marquée par Jean-François Suratteau, qui a été mon professeur de philosophie et d’option philosophie en khâgne. Il a constitué un modèle de rigueur et de générosité intellectuelle : c’est vraiment un professeur qui explicitait tout. Il ne gardait aucun savoir pour lui-même, comme par coquetterie intellectuelle. Il a donné son sens noble, à mes yeux, à la notion de transmission du savoir. Mon autre professeur d’Henri IV, Martin Chodron de Courcel, m’a donné le goût de très beaux sujets. Je me souviens encore de celui qui, en un sens, m’avait révélée en dissertation : « Penser, est-ce se réconcilier avec le monde ? » C’est une question que je porte toujours en moi.

À l’École Normale Supérieure, j’ai ensuite suivi pendant plusieurs années le séminaire de traduction de Platon mené par Marwan Rashed. Il est aujourd’hui l’un des plus grands spécialistes de Platon et d’Aristote. C’est vraiment lui qui m’a fait prendre conscience de la complexité de l’écriture platonicienne. Enfin j’ai suivi le cours de Jean-Luc Marion qui, en dépit du fait que je ne partageais pas ses orientations théologiques connues, a toujours été très juste et encourageant, intellectuellement, avec moi.

Tout ce parcours n’aurait pas été possible, bien sûr, sans mon professeur de terminale, Monsieur Lavaud. Le travail des professeurs de lycée est difficile et très ambitieux, et je trouve qu’on ne le dit pas suffisamment. Enfin je dois bien sûr beaucoup à mon père, Marc Ballanfat, professeur de philosophie indienne et traducteur de sanscrit, qui m’a rendue familière de conceptions logiques et métaphysiques considérables.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

J’ai beaucoup aimé lire Pascal, pendant des années. Il est, pour ainsi dire, mon modèle de rédaction claire et profonde, les deux à la fois. Mais je dois dire que plus je lis Descartes, plus je trouve sa langue d’une richesse et d’une complexité extraordinaires.

Platon est celui qui me surprend sans cesse. On a beau penser deviner la suite d’un dialogue, on tombe toujours sur un effet de réécriture, sur une question, qui laissent dans l’étonnement.

Le Traité théologico-politique de Spinoza est sans doute mon texte préféré. Je me souviens encore de ma première lecture : quelle intelligence, quel esprit rapide ! Sa lecture inspire une telle liberté, je l’admire beaucoup.

J’aime Nietzsche, enfin, profondément, le Nietzsche d’Ainsi parlait Zarathoustra en particulier, tout ce qu’il dit des « contempteurs du corps », du « Soi ».

Enfin tout en écartant un certain nombre de présupposés métaphysiques, la lecture de Leibniz a toujours un effet euphorisant sur moi. Il y a quelque chose, dans cette monade miroir de l’univers, qui ouvre la réflexion à une profondeur du réel très intéressante. Dans la démultiplication du monde par les divers points de vue singuliers qu’il comprend, se découvre une trame cosmologique magnifique.

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

J’ai commencé par écrire sur la danse, mais dans le fond, c’est un point de départ qui est amené à se diversifier à présent. Je dirais que ce qui m’importe, c’est la dimension corporelle de notre être.

J’ai donc commencé en 2015 par la publication de La Traversée du corps, chez Hermann. Ce livre a l’ambition de présenter tout ce que la danse pourrait apporter à la philosophie sur le plan de ses concepts. J’ai mis en application, si je puis dire, ce programme, à travers ma thèse qui portait sur le concept d’espace vide, sous la direction de Claude Romano, en faisant se croiser phénoménologie et chorégraphie contemporaine. La publication de ce travail va venir dans les prochains mois.

Mais au-delà de la danse, je me suis aventurée dans la réflexion sur l’expérience du yoga. Comment le yoga change-t-il le regard que l’on porte sur soi, sur l’existence, l’éducation, l’écriture elle-même ? Ces pensées, par courts paragraphes, sont présentées dans Postures de la pensée. De la pratique du yoga à la philosophie, publiées chez L’Alchimiste (juin 2020).

Enfin, arrive septembre 2020 ou début 2021 au plus tard, la publication d’un texte sur le viol et les agressions sexuelles, aux éditions Omniscience : tout en poursuivant la trame corporelle de l’être, je m’interroge sur ce que les violences sexuelles ont modifié et constitué en nous, culturellement et philosophiquement. Je fais également droit, loin de la lumière braquée sur les violeurs, à ce que vivent les victimes d’un viol qui doit se comprendre comme une dépossession existentielle de soi.



Merci Elsa, pour ce témoignage !

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