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photo d'Evelyne Buissière

Evelyne Buissière

Grenoble

Nous découvrons ici le parcours d'Evelyne Buissière, professeure de philosophie enseignant en classe préparatoire littéraire.

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?

J’enseigne en classes préparatoires littéraires au Lycée Champollion de Grenoble. C’est un vrai bonheur de pousser la porte de ma classe et de retrouver mes étudiants ! Passer son temps avec des jeunes capables de se passionner pour la question de la substance chez Aristote ou le problème du caractère procédural de la justice chez Rawls, c’est absolument extraordinaire.

Dans notre monde actuel où la culture est tellement dévaluée aussi bien par la société civile qui valorise le spectacle et la vulgarité que par nos politiques qui considèrent inutile de lire la Princesse de Clèves ou une perte de temps d’étudier Proust, dans une époque où le qualificatif « d’intellectuel » est pratiquement devenu une insulte, mes khâgneux me redonnent confiance en l’avenir !

Tant qu’il y a des jeunes comme eux, tout n’est pas perdu et leur transmettre le désir de comprendre rationnellement, de questionner, tenter de leur communiquer cette « foi en la raison » dont parlait Hegel, c’est le plus beau métier du monde ! Lorsque la montée de l’irrationalisme et de l’intégrisme religieux se fait de plus en plus menaçante comme aujourd’hui, c’est même une urgence de faire valoir les droits de la rationalité et de faire vivre l’impératif des Lumières : Ose savoir !.


Je vis à Grenoble. C’est aussi important pour moi de vivre au pied des montagnes, à quelques minutes de magnifiques sentiers de randonnée qui offrent des panoramas grandioses et tout à fait stimulants pour la méditation philosophique… j’aurais beaucoup de mal à vivre ailleurs, à part dans une plus petite ville encore plus perdue dans les montagnes, Gap par exemple, mais il n’y a pas de classe préparatoire littéraire hélas ! En tout cas, s’il s’en créait une, que mes supérieurs hiérarchiques sachent que je postule par avance !  

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

Je garde un souvenir ébloui des professeurs de philosophie que j’ai eus en khâgne et ils sont pour beaucoup dans mon choix professionnel.

Tout d’abord Jean-Jacques Kirkyacharian lorsque j’ai fait ma khâgne à Grenoble : une intelligence percutante, déstabilisante parfois, une ironie mordante, pas toujours très pédagogue mais tellement éblouissant.

Et puis André Pessel en khâgne à Louis-Le-Grand : ses cours étaient comme une sorte de feux d’artifice, jubilatoires pour l’intelligence, je ressortais avec mille idées en tête, avec l’impression d’être moins bête et d’avoir mille pistes à suivre même si j’avais bien conscience de ne pas avoir la capacité de les faire vivre comme lui le faisait. J’ai lu avec délice le livre qu’il vient de publier Dans l’Ethique de Spinoza et à certaines lignes j’ai eu l’impression de me retrouver dans sa salle de cours !

Tous deux étaient profondément spinozistes. Je ne cesse de tenter de les imiter, en tout cas, d’essayer de transmettre à mes étudiants tout le plaisir de penser qu’ils ont su m’insuffler !

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

L’auteur auquel je reviens toujours c’est Hegel. Je ne suis malheureusement pas assez bonne germaniste pour être directement spécialiste de Hegel, mais c’est la philosophie hégélienne qui joue pour moi le rôle d’un horizon indépassable. J’ai lu la Phénoménologie de l’Esprit quand j’étais en hypokhâgne et je peux dire qu’alors ma fascination n’a eu d’égal que mon incompréhension ! J’espère que mon incompréhension a un peu diminué mais en tout cas ma fascination a continué de croître !

Les ouvrages de Bernard Bourgeois ont été ma précieuse béquille pour entrer dans Hegel, plus que la précision exceptionnelle et la connaissance immense qu’il a de la pensée hégélienne ajoutée à l’élégance de son style (car il faut avouer que les ouvrages de philosophie bien écrits ne sont pas monnaie courante !), ce qui me touche le plus dans les ouvrages de Bernard Bourgeois c’est l’impression qu’il a vraiment compris au-delà de la lettre l’esprit qui anime la pensée hégélienne et qu’il a su se l’approprier. Ses derniers ouvrages dans lesquels il analyse l’actualité à la lumière de l’hégélianisme sont passionnants.

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?

J’ai obtenu l’agrégation et le CAPES en 1985, soutenu un doctorat en 1991 puis une HDR en 2012, j’ai donc effectué quelques travaux de recherche qui portent sur les interprétations de la pensée hégélienne en Italie au 20e siècle. J’ai publié un texte d’introduction et de présentation à la pensée de Guido Calogero, un ouvrage sur Giovanni Gentile et récemment un petit essai, La Dialectique sans la Téléologie, Hegel, Gentile, Adorno. Actuellement, je travaille à un ouvrage sur la lecture de Hegel par Alexandre Kojève et plus précisément son interprétation du Hegel spéculatif.

Je n’ai aucune prétention à être philosophe, je me définis comme un professeur pour ce qui est de mon activité pédagogique et un commentateur pour ce qui est de ma petite activité de recherche. Les Italiens ont un terme très juste bien moins prétentieux que celui de philosophe et par lequel je me définirais volontiers : « studioso », mais il n’y a pas d’équivalent en français. Même si c’est sans prétention aucune, c’est à mes yeux important de conserver une activité de recherche, d’ailleurs si je ne le fais pas, je me déprime très vite ! C’est un peu le carburant qui permet de garder vive la flamme à transmettre à mes étudiants !



Merci Evelyne, pour ce témoignage !

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