Geoffroy Battin
ParisNous découvrons ici le parcours de Geoffroy Battin, professeur de philosophie enseignant au lycée Notre Dame de Sainte Croix...
Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !
Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?
Mon parcours a suivi une voie très linéaire et l’on peut dire que depuis la découverte de la philosophie en terminale, je n’ai jamais cessé de suivre cette passion. J’ai dès lors suivi une licence à l’Institut de Philosophie Comparée dès ma sortie de lycée et enchainé sur un master d’histoire de la philosophie à Paris IV. Toujours plus attiré par l’anthropologie, j’ai poursuivi en parallèle une licence canonique à l’Institut Catholique de Toulouse. Nouvellement certifié, je me prépare à accueillir mes futurs élèves avec curiosité, l’angoisse du premier cours, et l’espoir de transmettre ce que j’ai reçu.
Si la thèse n’est pas encore d’actualité, elle reste tout du moins à l’horizon de mon projet de chercheur comme le vrai départ de la vie philosophique.
Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?
Je ne dirai pas qu’il y a un professeur qui m’ait marqué comme tel. J’ai pu bénéficier autant au secondaire qu’en études supérieures de l’enseignement de personnes qui aimaient profondément les deux facettes du travail de professeur : le progrès de chacun et l’ouverture à une culture dont ils ne transmettaient que des bribes. Je puis tout de même dire que ma formation à l’IPC a constitué les trois années les plus merveilleuses de mon apprentissage par une approche assez unique des philosophies et d’un enseignement poussé sur la logique aristotélicienne, son application quotidienne et insoupçonnée au sien de nos discours.
Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?
J’ai bien goûté à quelques livres de philosophie avant ma terminale, comme le Prince, le Contrat social, ou l’Etonnement philosophique de J. Hersch… Mais le livre qui m’a fait entrer en philosophie est paradoxalement un livre qui n’est pas tout à fait philosophique. Il s’agit de C’est une chose étrange à la fin que le monde de Jean d’Ormesson. C’est avec celui-ci que mon désir pour les grandes questions a germé, une sorte de métaphysique implicite, comme dirait Péguy.
Mais je pense néanmoins que la philosophie ne saurait se découvrir tout à fait par soi-même. Ce sont pour ma part des maîtres de chair et d’os, plus que d’encre et de papier, qui m'ont fait entrer en philosophie en m’aidant à unifier les connaissances éparses que j’avais des auteurs. Par la suite, l’approfondissement de mes études m’a ouvert de nouvelles perspectives et c’est finalement la philosophie médiévale qui a attiré mon attention, notamment les commentaires philosophiques des œuvres d’Aristote par Thomas d’Aquin.
Plus je lis ces auteurs et celui-ci en particulier, plus je constate que nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants, que nous avons tout à gagner à les retrouver, même si de prime abord notre vie semble à des années-lumière de la leur. Leur manque d’appareillage technologique les conduit à une approche plus immédiate de la nature qui, loin de fausser leurs jugements, les amène au contraire à concevoir une unité des choses et du monde que notre science contemporaine tente d’oublier ou du moins ne parvient pas à retrouver. C’est, en outre, l’exigence rationnelle de dissociation entre le théologique (ce qui appartient à la Révélation seulement) et le philosophique (ce qui est admissible par tous) qui habite leurs discours qui est une source sans cesse renouvelée d’inspiration pour mes recherches et ma progression personnelle.
Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?
Hormis mon mémoire de fin d’étude, on ne peut pas dire que j’ai encore écrit. Il y a bien eu une pièce au cours de mes années de lycée qui avait reçu quelques approbations de mon professeur de théâtre à l’époque mais je ne l’ai pas relue depuis. Autant dire que le style ne doit plus tout à fait correspondre à la rigueur exigée en philosophie !
Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?
J’envisage de travailler plus sérieusement sur le nominalisme, dans le prolongement de mon mémoire, pour davantage tenter de définir le terme qui m’apparaît moins comme un courant philosophique qu’une méthodologie au même titre que certains se revendiquent phénoménologues ou analytiques. Il me semble que c’est avec l’éclairage de ces principes spéculatifs que nous serons plus à même de répondre aux enjeux contemporains dans tous les domaines.
J’ai enfin une préférence pour la philosophie de l’éducation dans ce contexte nominaliste. Car, si notre langage n’est que sons de voix conventionnels, comment parviendrons-nous à transmettre aux jeunes générations un savoir stable et universel ? Avoir travaillé sur Rousseau, en particulier l’Emile, est significatif de mon ambition à vouloir connaître la spécificité du langage humain et sa capacité à rejoindre l’être même des choses et non pas seulement des contenus de conscience. C’est donc bien l’unité du langage aux frontières de la logique et de la philosophie de la connaissance en vue de comprendre les enjeux culturels qui agitent l’éducation moderne.
Les débats sur le numérique à l’école, sur la place de l’élève dans l’apprentissage, sur la présence et l’autorité nécessaire du professeur sont autant de sujets qui impliquent d’abord de comprendre comment fonctionne l’intelligence de l’homme par opposition à la mémoire, à l’imagination et à la faculté d’adaptation des animaux. Il nous faut saisir, par le phénomène du langage, exclusivement propre à l’homme, comment notre langage conceptuel parvient à découvrir une réalité qui n’est pas son fait.
Merci Geoffroy, pour ce témoignage !
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