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photo d'Irene Soudant

Irene Soudant

Paris

Nous découvrons ici le parcours d'Irene Soudant, agrégée de philosophie, stagiaire aux éditions Vrin.

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

En ce moment je fais un stage dans l'édition, chez Vrin, qui est la maison d'édition pour les ouvrages de philosophie. Mes tâches sont très variées : lecture et évaluation de manuscrits, relecture et préparation de manuscrits, mais aussi lecture d’ouvrages déjà parus pour réaliser des entretiens avec leurs auteurs...

C’est un autre rapport aux textes, aux livres qu’il faut apprendre ; il ne faut pas seulement lire pour se nourrir intellectuellement de ce qu’on lit, mais aussi lire en se demandant si chaque phrase est bien claire, si l’argumentation fait sens, et aussi lire en vérifiant le respect des normes (très important dans le cas d’ouvrages universitaires). Il s’agit en quelque sorte de lire pour d’autres : lire en se demandant ce qui fait défaut, ce qu’il faut changer avant que le livre puisse être lu. Sans compter les fois où on peut se retrouver confrontée à des questions quasiment irrésolubles d’orthographe française, des cas exceptionnels…

Et puis pour une grande lectrice c’est très intéressant de découvrir l’envers du décor, de suivre un livre jusqu’à sa production comme objet-livre, de partir du manuscrit tel qu’écrit par l’auteur jusqu’à son impression : on ne s’en rend pas forcément compte, et en tout cas on n’y pense pas toujours quand on a un livre entre les mains, mais il y a un travail monumental derrière chaque publication : questions de droits, relectures, mise en page…

C’est un stage qui s’inscrit à la fois dans la continuité et en rupture par rapport à mon cursus : je l’effectue dans le cadre de ma scolarité à l’ENS Ulm (où je suis entrée après trois ans de prépa littéraire à Chateaubriand, à Rennes). Mais je me suis d'abord spécialisée en philosophie antique en M2 avec un mémoire sur Aristote, et j’ai aussi passé l’agrégation, donc la suite « logique » aurait été d’enchaîner sur la thèse, ou l’enseignement directement.

Cela dit, je ne regrette absolument pas : c'est un travail vraiment fascinant (et ça me permet de lire des ouvrages de qualité à longueur de journée, ce qui n'est pas négligeable !). C’est d’autant plus enrichissant que les manuscrits que je vois passer concernent tous les domaines de la philosophie, toutes les périodes de l’histoire de la philosophie : c’est l’occasion d’explorer de nouvelles choses, et d’en apprendre un peu plus tous les jours. J’ai fait de belles découvertes depuis septembre, et il y a des livres que j’ai vraiment très hâte de voir paraître.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

J'ai commencé la philosophie en Terminale ; j'étais en S, j'en avais trois heures par semaine seulement, mais j'ai su très tôt, dès le tout début, qu'il se jouait là quelque chose que je ne saisissais pas totalement, mais que je regretterais de ne pas essayer, d'ignorer ce je-ne-sais-quoi qui m'appelait.

Dans l'ensemble, je garde de mes études d'excellents souvenirs, le souvenir d'années très riches et très intenses, même si certaines (les années à concours) furent un peu éprouvantes. J'ai eu beaucoup de chance, au sens où j'ai pu assister à des cours passionnants, de la première année à celle de l'agrégation, que ce soient les séminaires (en philosophie antique, mais pas que !) de Paris 4 et de l'ENS, ou mes cours de philo en prépa, à Rennes. Et j'ai aussi eu beaucoup de chance au sens où j'ai toujours eu des professeurs géniaux, dont je garde aussi d'excellents souvenirs.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Il y en a eu énormément ! Presque chacune de mes lectures... Même pour les plus marquantes, il y en a plusieurs aussi... Mais puisqu’il faut choisir, je dirai d'abord Dostoïevski, qui n'est pas un philosophe à proprement parler, mais dont les romans ont marqué une vraie rupture dans ma formation. C'est Dostoïevski qui me pousse en histoire de la philosophie : avant, je m'intéressais davantage à de la philosophie très contemporaine, mais après Dostoïevski ce n'était plus possible, ça ne faisait plus sens pour moi.

Puis la découverte de Pierre Aubenque, que j'ai faite en cours d'abord, en troisième année, avant d'aborder ses deux ouvrages La prudence chez Aristote et Le problème de l'être chez Aristote. Ce sont des lectures qui ont enchanté la philosophie ancienne – qui me paraissait bien aride à l'époque, et bien trop distante.

Et enfin Aristote lui-même, à l'étude duquel je suis venue en partie par hasard, en partie à cause de ces fameux ouvrages de Pierre Aubenque. Le corpus aristotélicien est extrêmement riche, ce sont des textes qu'on peut lire, relire, rerelire, et ainsi à l'infini, et ne jamais sans lasser, toujours y rencontrer quelque chose de nouveau. Et c'est ce qui m'est arrivé : j'y suis entrée, je m'y suis perdue... et je n'en suis plus sortie, ni ai l'intention d'en sortir d'ailleurs.

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

L'année prochaine je suis censée partir étudier un an dans une université étrangère, anglo-saxonne (mais rien n'est fait encore !). Et celle d'après je compte me lancer dans la thèse, en philosophie antique, sur Aristote, même si le sujet n'est pas encore tout à fait défini. Ce qui m'intéresse ce sont les liens entre la métaphysique d'un côté et l'éthique et la politique de l'autre, et je verrai bien où ça me mènera et ce que ça peut donner...



Merci Irene, pour ce témoignage !

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