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photo de Jadd Hilal

Jadd Hilal

Lyon

Nous découvrons ici le parcours d'un nouvel acteur de la scène philosophique française, Jadd Hilal.

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?

En quelques mots (et les bons, espérons !), je suis auteur de fiction, chroniqueur de philosophie à Radio Nova Lyon, chargé d’enseignement à l’université Lumière Lyon 2 et professeur de lettres dans le secondaire. Je suis également doctorant en littérature et philosophie à l’université Paris-Sorbonne. Et je dors. Quand je peux.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

Excellent ! Les études universitaires ont cet avantage de laisser beaucoup de temps libre, ce qui permet de se développer autrement que par un champ de connaissance. C’est un équilibre essentiel.

C’est plus particulièrement l’aspiration au décloisonnement dont j’ai été heureux. Je suis reconnaissant à bon nombre de professeurs d’avoir convoqué régulièrement d’autres disciplines. Je leur dois mon scepticisme actuel vis-à-vis de toute forme de spécialisation, de cette tentation de l’expertise qui n’est au fond qu’un leurre, qu’une ruse qui masque ce que Bachelard décrivait comme la pensée paresseuse.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ?

Quelle horreur. Je ne pourrais répondre à cette question autrement qu’en rappelant que ce sera un choix peu assumé !

Je penche pour Marc Aurèle. C’est, parmi les Stoïciens, celui qui a le mieux porté (par la voix et par l’idée) un concept que j’apprécie : celui de détachement. Renoncer à toute emprise sur ce qui ne dépend pas de nous, reconnaître et agir sur ce que l’on peut changer, jamais je n’ai mieux trouvé ces principes défendus que sous cette plume-là. Cette lecture me semble d’autant plus nécessaire aujourd’hui, à l’heure de l’anthropocène. En ce temps où l’homme n’a jamais exercé telle domination sur son environnement et où un peu de modestie existentielle ne serait pas de trop.

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?

J’écris depuis une dizaine d’années. J’ai récemment publié mon premier roman, Des ailes au loin, aux éditions Elyzad. C’est un récit croisé de quatre femmes qui vivent le même exil, de mère en fille. Sur le plan littéraire, l’expérience a été intéressante. La première année n’a été, pour l’essentiel, que de la recherche. J’ai recueilli les témoignages, lu des textes et voyagé vers les destinations que je tenais à évoquer, le tout sans avoir écrit le moindre mot. Il a fallu attendre une année de plus pour que le projet commence à se formaliser et une année encore pour qu’il soit abouti.


Sur le plan scientifique, mon premier mémoire a porté sur l’angoisse en tant que ressort d’intrigue en littérature. C’est dans cette perspective que j’ai conduit un travail comparatif entre deux textes : Dracula de Bram Stoker et La chambre aux échos de Richard Powers. J’ai constaté que la méthode divergeait, le premier mobilisant l’angoisse tout au long de l’intrigue pour captiver son lecteur, le second l’engageant à un moment spécifique pour obliger à une attention plus rétrospective.

J’ai travaillé sur l’empathie dans le cadre de mon second mémoire. Je me suis interrogé sur son rapport à l’argumentation, sur notre capacité (morale ou non) à endosser la position de l’autre pour le convaincre. J’ai conduit, à cet effet, une expérience de changement de point de vue dans un cadre scolaire, ce qui a été une manière d’équilibrer les volets théorique et pratique.

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

Ma recherche actuelle porte encore sur le concept d’empathie. Dans le cadre de mon doctorat, je m’interroge sur la séparation historique de ce terme avec celui de sympathie, le premier ayant pourtant succédé au second sans que les définitions ne divergent. Je questionne également la portée morale de cette démarche qui consiste à se mettre à la place de l’autre : n’appose-t-on pas des valeurs qui ne nous concernent que nous ? Ne perdons-nous pas au contraire nos propres valeurs quand nous prenons celles des autres ? Est-ce pérenne ou n’est-ce qu’une compassion de surface ?

Des sujets qui convoquent évidemment la philosophie autant que la littérature. Les penseurs des sentiments moraux tels que David Hume ou Adam Smith m’ont été aussi pertinents que des écrivains comme Marivaux, Rousseau, Diderot... Il est d’ailleurs bien difficile de savoir de quel domaine relevaient les auteurs de cette époque. Et au fond, était-ce si important ?



Merci Jadd, pour ce témoignage !

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