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photo de Maël Goarzin

Maël Goarzin

Lausanne

Nous découvrons ici le parcours de Maël Goarzin, doctorant et bibliothécaire à l'université de Lausanne...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

Doctorant à l’Université de Lausanne et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, j’ai occupé pendant 5 ans le poste d’assistant diplômé de la chaire de philosophie antique et médiévale à l’Université de Lausanne. Depuis bientôt une année, je suis responsable des collections de philosophie et de psychologie à la Bibliothèque universitaire de Lausanne. Je poursuis également mes activités de recherche et de blogging scientifique, dans l’idée de partager avec un public le plus large possible l’intérêt porté à la philosophie antique et la philosophie comme manière de vivre.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

La dernière année de lycée, avec ses 7 heures hebdomadaires de philosophie, fut une révélation. Enthousiasmé jusque-là par la littérature, j’ai découvert et aimé cette nouvelle discipline, en particulier le fait d’explorer tout au long de l’année les différentes manières d’aborder une question et de penser un même sujet. Cette découverte et cet engouement pour la philosophie, je les dois à mon professeur de philosophie de l’époque, Babeth Le Léon, qui a su allier et susciter en moi la rigueur de pensée et l’ouverture d’esprit nécessaires à éveiller la curiosité d’un adolescent de mieux comprendre le monde dans lequel il vit et de s’y faire une place.

Après deux années de classes préparatoires à Paris, j’ai commencé un cursus universitaire de philosophie à l’Université de Lausanne. C’est là, grâce à Alexandrine Schniewind, qui deviendra par la suite ma directrice de thèse, que j’ai pris goût à la philosophie antique et que j’ai découvert Plotin, dont la pensée deviendra le sujet de mon mémoire de master. L’université m’a donné l’occasion d’approfondir sur un semestre la pensée d’un auteur ou d’une œuvre, et j’ai appris à cette occasion l’ascèse que peut représenter la lecture continue et détaillée d’un texte philosophique. 

C’est aussi à Lausanne que j’ai rencontré Philippe Hoffmann, directeur d’études à l’EPHE qui sut éveiller mon intérêt pour la langue grecque et l’analyse philologique des textes anciens à travers la lecture minutieuse, mot à mot, du traité de Plutarque Sur la curiosité. Il sut également confirmer mon intérêt pour la philosophie comme manière de vivre, à la suite de Pierre Hadot.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

J’ai déjà mentionné Pierre Hadot, c’est certainement l’auteur contemporain qui m’a le plus marqué, à travers notamment la lecture de Qu’est-ce que la philosophie antique ? et de ses nombreux articles réunis dans un volume intitulé Exercices spirituels et philosophie antique. La lecture des entretiens de Pierre Hadot avec Jeannie Carlier et Arnold Davidson, publiés sous le titre La philosophie comme manière de vivre, a confirmé mon enthousiasme pour cet auteur qui, en tant qu’historien de la philosophie et philologue, a très bien mis en évidence la dimension pratique et existentielle de la philosophie antique, et qui, en tant que philosophe cette fois, a voulu mettre en pratique dans sa propre vie les modèles antiques qu’il avait choisi d’étudier. C’est sans doute ce livre qui m’a donné le goût de l’entretien comme forme d’expression.

J’ai pu partager cet enthousiasme pour la pensée de Pierre Hadot en interrogeant Philippe Hoffmann dans une série de vidéos publiées sur Youtube. Par l’étude des philosophes antiques, Pierre Hadot a mis en évidence la dimension existentielle de la philosophie, considérée non seulement comme discours, mais aussi et surtout comme mode de vie. Devenir philosophe, c’est faire un choix : le choix d’une vie philosophique. Xavier Pavie, que j’ai eu la chance de rencontrer et d’interroger, lui aussi, dans une série de vidéos consacrées aux exercices spirituels antiques et contemporains, montre très bien l’importance de ce choix de vie.

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?

Mon mémoire de master, consacré au rôle de la raison discursive (dianoia) dans le cheminement spirituel de l’âme vers l’Un, à travers un commentaire détaillé de la première partie du traité 49 [V 3] de Plotin sur la connaissance de soi, m’a permis de me frotter une première fois à l’écriture académique. Ensuite, mon inscription en thèse m’a permis de découvrir les différentes formes d’écriture académiques : articles, compte-rendus, projets de recherche, etc. Si je me suis habitué au format de l’article, qui exige une grande concision et un esprit de synthèse, je préfère toutefois le format plus souple de la thèse, qui permet d’approfondir la lecture et le commentaire de textes sans se soucier du nombre de mots, ce qui est beaucoup moins frustrant.

L’écriture de courts articles de blog, depuis maintenant 6 ans, est aussi pour moi un moyen de transmettre mes recherches au plus grand nombre, en enlevant certaines contraintes du style d’écriture académique. La diffusion sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook et Twitter, ont permis d’avoir un retour rapide sur mes recherches en cours, et j’ai pu toucher un public qui ne lit pas la littérature scientifique classique. Il y a un travail de médiation scientifique important à faire pour transmettre au plus grand nombre le savoir scientifique, en laissant de côté le jargon scientifique, et en visant avant tout la clarté. Dans cette perspective, le blogging scientifique est un bon moyen de diffusion des connaissances.

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

Mon projet principal, mis entre parenthèse actuellement pour raisons familiales, c’est la rédaction de mon travail de thèse, consacré à la dimension pratique du mode de vie philosophique néoplatonicien. A travers l’étude des vies de philosophes écrites dans l’Antiquité tardive, j’aimerais montrer que la vie quotidienne des philosophes n’exclue pas le soin du corps et le souci de l’autre, mais que ce sont, au contraire, deux dimensions du mode de vie philosophique qui préparent l’âme et qui reflètent tout à la fois le cheminement de l’âme vers le divin.

Je poursuis également avec joie l’écriture de mon carnet de recherche, Comment vivre au quotidien ?, consacré à la philosophie comme manière de vivre, de l’Antiquité à nos jours. Le point de vue adopté est celui de l’historien de la philosophie, à travers la lecture et l’interprétation des philosophes antiques, mais je mets également l’accent, depuis le début de ce carnet, sur l’(in)actualité de la philosophie antique, interrogeant régulièrement la pertinence de celle-ci pour notre manière de vivre actuelle.

Parallèlement, je participe au développement de l’association Stoa Gallica, dont l’objectif est de promouvoir l’étude et la diffusion du stoïcisme dans le monde francophone. A l’image de l’engouement récent pour un stoïcisme contemporain dans le milieu anglo-saxon, Stoa Gallica invite ceux qui le souhaitent à prendre au sérieux le choix de vie stoïcien. Pour l’instant, les échanges ont lieu sur la page du groupe Facebook Stoa Gallica mais le site internet de l’association est en construction, ainsi qu’une revue permettant de publier le fruit de notre travail.

Je travaille enfin sur un projet de valorisation de vies exemplaires. Il s’agit d’un travail commun mené notamment avec Alexandre Rigal, sociologue de formation, et dont la thèse portait sur le changement d’habitudes liées à la mobilité. Notre travail commun consiste à élargir cette perspective en l’appliquant à toutes les dimensions de notre vie quotidienne. Dans l’Antiquité comme aujourd’hui, le rôle des modèles est crucial dans la perspective d’une conversion ou d’un changement de mode de vie. Mettre en avant ces exemples invite à suivre ces modèles ou du moins à questionner sa manière de vivre actuelle, et vivre ainsi de manière toujours plus consciente dans un monde où de nombreuses décisions nous échappent. 



Merci Maël, pour ce témoignage !

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