Marie-Anne Torneberg
ParisNous découvrons ici le parcours d'une nouvelle actrice de la scène philosophique française, Marie-Anne Torneberg.
Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !
Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?
Mon chemin est atypique, plein de reconversion… J’ai délaissé la philosophie après ma licence pour me rapprocher des sciences sociales et d’un master humanitaire. J’avais besoin de quitter un enseignement que je jugeais à l’époque spéculatif pour m’investir humainement, dans la pratique.
Après avoir travaillé deux ans au Congo RDC, arrivait mon petit garçon, et l’éducation est alors devenue une priorité à mes yeux. J’ai donc passé un master éducation et le Capes des Conseillers principaux d’éducation. Mais quelques années plus tard, je sentais qu’il me manquait le fond… la réflexion des profondeurs.
Avec le rectorat, j’ai opéré une nouvelle reconversion. Je passais mon master de philosophie, une équivalence au CAPES de philosophie et je m’inscrivais en thèse. Aujourd’hui j’habite le sujet de mes recherches et je travaille à l’Institut Vaugirard Humanités & Management, pour enrichir la réflexion des managers-dirigeants sur les transformations rapides de notre monde.
Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?
Assez peu… Quelques images.
Un professeur d’histoire-géographie au lycée avec lequel je bataillais idéologiquement (et politiquement) pour le plaisir.
L’actuel doyen de la Faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Paris, Jérôme de Gramont qui, il y a dix ans nous faisait écouter du classique contemporain en fermant les yeux pour saisir l’apparition du « phénomène ».
La méthode sociologique de S. Rouay-Lambert qui avait suivi des SDF pendant six mois, s’impliquant humainement pour percer à jour le pourquoi de leur parcours de vie… Les pensées à voix haute de mon professeur M. Grassin, prenant le temps de faire dérouler le fil des penseurs et des lectures…
Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?
À 16 ans, un ami plus âgé me prêtait le Précis de décomposition, E. Cioran. Ce fut le début de la fin… la fin des certitudes, la fin des réponses toutes faites, et le début de l’inquiétude.
Heureusement, je découvrais peu de temps après mes penseurs de la joie : Spinoza et Nietzsche. Ils m’accompagnent en appui dans mes réflexions depuis lors, tant dans l’entreprise de déconstruction des phénomènes que dans l’intuition créative. Tous les auteurs avec qui j’ai eu des affinités intellectuelles avaient aussi ces deux auteurs comme aiguillon dans leurs recherches…
Quels sont vos projets ou travaux de recherches ?
Mes recherches prennent appui sur la théorie sociologique de l’accélération sociale d’Hartmut Rosa.
Les temps sociaux sont ceux qui régissent nos interactions avec les autres, les différentes sphères familiales, sociales et professionnelles, et dans notre rapport à nous-même par conséquent. L’accélération des temps sociaux a donc des conséquences sur la constitution de l’individu et de la société.
Depuis les révolutions industrielles de la modernité à l’époque postmoderne, la technologie, l’économie, la politique, nos interactions, nos réflexions… tous les rythmes sont impactés, le rythme des transformations semble avoir pris de cours les mots pour l’analyser, seuls les calculs seraient opérationnels.
De ce point de départ sociologique, je souhaite donc approfondir l’évolution épistémologique qui nous conduit aujourd’hui vers une ère du numérique, une « véridiction » du cybernétique, des algorithmes, une « gouvernance par les nombres ». En suite logique, je travaille enfin sur les évolutions de l’humanisme classique, vers les considérations « posthumaines » ou « transhumaines », quelles seront les implications éthiques et politiques qui sous-tendront la vie des individus dans les sociétés de demain, et quel rapport au temps émergera de ces évolutions…
Un vaste programme…
Merci Marie-Anne, pour ce témoignage !
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