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photo de Marie-Hélène Gauthier

Marie-Hélène Gauthier

Lille

Nous découvrons ici le parcours de Marie-Hélène Gauthier, enseignante en philosophie esthétique à l'Université de Picardie, et auteure de plusieurs ouvrages...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

Je suis Maître de conférences Habilité à Diriger des Recherches à l’Université de Picardie Jules Verne, et j’enseigne spécifiquement depuis près de 4 ans à l’UFR des Arts, où j’ai créé, avec la responsable de l’UFR de Lettres, Anne Duprat, Professeur de Littérature comparée, un Master d’Esthétique comparée (Arts / Lettres / Philosophie) adossé à l'équipe de recherche du C.R.A.E, Centre de Recherches en Arts et en Esthétique, une première dans le paysage universitaire français, je crois.

J’y dispense des cours qui portent sur l’esthétique littéraire, l’ontologie de l’art, et essaie de mettre cela en relation avec les modifications de la structure ou le délitement du sujet contemporain, et sa friabilité sans appui.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

J’ai eu la chance d’effectuer ma scolarité au Lycée international de St-Germain-en-Laye, où j’ai passé deux baccalauréats, dont le baccalauréat international, qui comportait une partie de littérature comparée, puis en classes préparatoires à Henri IV.

J’ai suivi, durant mon année de khâgne, l’enseignement de Pierre Jacerme qui a été absolument déterminant pour moi, qui avais hésité longtemps entre l’option Lettres et l’option Philosophie. Sa rigueur, mais surtout sa puissance de questionnement, de mise en perspective de tous les textes scrupuleusement suivis, à l’intérieur d’un renouvellement constant des articulations conceptuelles, des affirmations trop rapidement formulées, cela a ouvert le déclic d’une forme de vocation.

Par la suite, Pierre Aubenque, qui fut aussi mon directeur de thèse, ses cours, ses livres, d’une si grande élégance et qui ont remis les études aristotéliciennes au goût du jour, sa présence cultivée, toujours en alerte, et Jean-Paul Dumont, dont j’ai fait la connaissance alors que je venais d’être nommée assistante normalienne à l’Université de Lille 3, et avec lequel j’ai entretenu un dialogue d’autant plus constant que nous étions voisins, ont été des modèles pour moi, de probité et d’exigence intellectuelle, dans une attitude herméneutique que j’ai ensuite essayé de suivre autant que j’en étais capable. Pas de commentaire pour une simple saisie philologique, mais un retour nécessaire vers la construction d’une portée interprétative.

Enfin, à l’ENS, les cours, l’esprit synthétiquement fulgurant de Pierre-François Moreau, sa maîtrise des textes pris en leur cœur thématique et argumentatif, a exercé une même influence durable.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Au programme du concours en khâgne, il y avait le livre V sur la justice, de l’Ethique à Nicomaque d’Aristote. Première lecture, première découverte, premier sentiment de me sentir dans un univers parent, familier, pour faire référence à cette notion d’oikeion, qui traverse de façon féconde la pensée d’Aristote.

Et puis, lors de la première année d’école, et les cours de licence à Paris-IV, La Métaphysique, du même philosophe, que j’ai lue durant des mois, avec les ouvrages de Pierre Aubenque, mais aussi le cours de Paul Ricoeur, alors publié au Centre de Documentation Universitaire de la Sorbonne, Etre, Essence et Substance chez Platon et Aristote. Une révélation, si je puis m’exprimer ainsi. Et qui a déterminé ma trajectoire universitaire, du mémoire de maîtrise, DEA, jusqu’à la thèse (L’âme dans la Métaphysique d’Aristote, éditions Kimé, 1996). Jusqu’à l’Habilitation, qui comportait un inédit sur la Philia, dans les Ethiques d’Aristote (également publié chez Kimé, 2014). Je ne sais si on peut parler de coup de foudre, mais d’immersion heureuse, et passionnée.

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?

J’ai récemment achevé un recueil de textes, non philosophique, plus littéraire, mais qui ne répondrait ni au genre du roman, et pas davantage à celui d’un recueil de nouvelles. Il s’agirait plutôt d’une déclinaison d’états intérieurs devant une incompréhension généralisée. J’en suis encore à l’état du remaniement, des corrections. Ce n’est pas mon métier, j’ai répondu à une force non maîtrisée, un besoin impérieux, mais je ne me fais aucune illusion. Je ne suis pas écrivain.

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

J’ai amorcé une sorte de virage dans mes travaux au moment de mon Habilitation. Partie de l’importance de l’affectivité, de la faculté sensible et de la diversité du réel dans certaines philosophies antiques, leur épistémologie élargie, et leurs différentes éthiques, j’ai cherché à voir quelle avait pu être l’influence de ces systèmes anciens sur certains écrivains, grands lecteurs de philosophie, quant à la constitution de leur univers intérieur, de leur écriture, mais aussi quant à la reprise possible, par ces formes d’écritures, de ce que la philosophie n’aborde plus à elle seule aujourd’hui, ou pas nécessairement aussi bien.

J’ai donc écrit un ouvrage intitulé La poéthique : Paul Gadenne, Henri Thomas, Georges Perros, publié aux éditions du Sandre en 2010, et poursuivi lors d’articles ponctuels cette ligne de travail : l’influence d’une certaine éthique de vie sur des écrivains et la modulation de la discursivité philosophique par le déport du côté de la création littéraire, dans certains corpus particuliers.

Je prépare, dans ce même esprit, actuellement, un essai comparatiste sur Henri Thomas et Michel Lambert, un écrivain et nouvelliste belge, que je crois de toute première importance, littéraire, mais aussi pour le thème que j’ai retenu : une « poétique de la déliaison », cette déliaison qui sourd des multiples failles du sujet dues au monde contemporain, comme à la constitution psychologique, émotive, mentale propre aux univers impliqués par ces deux auteurs, dont l’un relie, et l’autre délie, peut-être.



Merci Marie-Hélène, pour ce témoignage !

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