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couverture du livre

Leçons sur Descartes

Descartes était-il avant tout un savant, un physicien, qui n’a parlé de métaphysique que pour se conformer à l’esprit de son époque ? Ou la métaphysique a-t-elle au contraire une place de premier ordre dans son œuvre ?

Cela amène à considérer la méthode telle qu’elle a été définie par Descartes : est-elle première par rapport aux mathématiques, qui n’en sont qu’une application possible ? Ou est-elle en elle-même mathématique, auquel cas le projet de Descartes serait d’étendre les mathématiques aux autres domaines, dont la métaphysique ?


Un souci méthodologique

Pour répondre à cette question, il convient d’interroger la place exacte que Descartes donne à la science et à la métaphysique dans ses différentes œuvres. Et ce, dans le processus graduel, chronologique, historique, de formation de sa pensée.

Des premières recherches, antérieures mêmes aux Règles pour la direction de l’Esprit, jusqu’aux dernières Lettres, on constate un renversement que F. Alquié détaille patiemment, dans ce livre très clair et facile d’accès.


On voit ainsi comment à l’origine, Descartes est tout entier tourné vers les sciences, séduit par le modèle mathématique qui lui a été enseigné au collège de la Flèche, et se demandant pourquoi on ne le généralise pas à d’autres domaines : c’est là son interrogation première, dénuée de toute métaphysique.

A ce moment-là, ce qu’on trouve en lui, c’est l’idée que tous les problèmes qui se posent à l’esprit de l’homme peuvent être résolus par une méthode analogue à celle des mathématiques, méthode qui considère des lignes et les rapports entre ces lignes 1.

En témoigne également ce fameux rêve de la nuit du 10 novembre, celui d’une science universelle, encore vide.

Il cherche à quoi pourrait ressembler une telle méthode, et une telle science universelle.

Il apparaît donc de tout ceci la chose suivante :

Le premier souci de Descartes a été un souci de science et de méthode, et non pas du tout un souci métaphysique 2.


Puis on remarque qu’il évoque, dans les Règles pour la direction de l’esprit, des questions métaphysiques, parmi d’autres questions, sans leur accorder de traitement particulier. Descartes utilise des notions telles que l’intuition, l’ordre, etc.

Le tournant métaphysique

Mais Descartes semble se rendre compte d’une redoutable indétermination de [ces] notions. Tout paraît clair, et en fait rien n’est clair 3: l’intuition est-elle celle de l’objet, ou du sujet lui-même ? L’ordre est-il celui de la connaissance, ou du réel ? En sorte qu’il est absolument nécessaire de fonder cette méthode, à laquelle tout d’abord Descartes a cru, d’établir qu'à l’ordre du connaître répond l’ordre du réel, de préciser en quelle mesure il lui correspond 4.

C’est cela précisément qui amène Descartes à se tourner vers la métaphysique :

Pour qu’apparaisse la métaphysique, il faut le souci de fonder la science en vérité. La métaphysique n’apparaîtra véritablement qu’avec le doute, le Cogito, Dieu, la véracité divine 5.


Mais n’anticipons pas… En fait, dès 1630, dans la correspondance de Descartes, on trouve une théorie par laquelle il semble inaugurer sa métaphysique propre, et rompre avec la métaphysique de l’Ecole, la métaphysique scolastique. C’est la théorie de la création des vérités éternelles 6. Même si cette théorie semble abandonnée par la suite (Descartes n’en fait plus mention), c’est là le premier signe de cette évolution.

Au final, dans la quatrième partie du Discours de la méthode, on assiste à un basculement soudain : la métaphysique devient première. C’est là un des effets notables du doute radical, qui débouche sur le cogito.

Une orientation qui s’accentuera dans les Méditations métaphysiques, et la première partie des Principes de la philosophie. Le résultat le plus significatif de ce revirement est probablement la doctrine de la véracité divine, fondement de la certitude mathématique : c’est sur Dieu que se fonde, ultimement la vérité mathématique.

Conclusion

Ce n’est là qu’un rapide aperçu des premières leçons que Ferdinand Alquié nous donne, de manière magistrale, dans cet ouvrage, sur Descartes.

Au fil de notre lecture, nous pourrons découvrir une comparaison du cogito que l’on peut trouver dans le Discours avec le cogito des Méditations, une réflexion sur la nature de ce Moi pensant que Descartes découvre par cette suspension du jugement, une étude des preuves cartésiennes de l’existence de Dieu, un examen de la notion de véracité divine…

Cette lecture attentive du texte cartésien, n’écartant aucune obscurité ou point problématique, nous montre à elle seule pourquoi Ferdinand Alquié a été considéré, en son temps, comme l’un des plus grands spécialistes de Descartes.

On le voit : cette problématique nous permet donc de reconsidérer, de manière transversale, l’œuvre cartésienne, et d’en avoir une vue d’ensemble. C’est donc là un ouvrage très utile pour celui qui souhaite découvrir la pensée de Descartes, dans toute la richesse qui la caractérise.


1 p.20
2 p.33
3 p.65
4 Ibid.
5 p.95
6 p.70