Pascal, Qu’est-ce que la vérité ?
Martine PécharmanCe recueil intitulé « Pascal. Qu’est-ce que la vérité ? » est une exploration minutieuse et exigeante de la philosophie pascalienne.
Il réunit des communications présentées en janvier 1998 au cours d’une séance de travail à Villejuif au Centre d’histoire de la philosophie moderne. Sa coordinatrice Martine Pécharman, chercheur et directrice de recherche au CNRS a voulu réunir les débats philosophiques qui ont entouré la figure du physicien et théologien janséniste.
Pascal et le pyrrhonisme
Du philosophe Blaise Pascal, on connaît la maxime extraite des Pensées : Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà
1. Au mieux sait-on qu’après une expérience mystique en 1654, il se consacre à la philosophie de la religion après s’être longtemps intéressé à la philosophie des sciences naturelles. Pascal est l’inventeur de la machine à calculer, la fameuse « pascaline ».
Le recueil s’intéresse en particulier aux rapports entre Pascal et le pyrrhonisme, dont il fait dire quelques mots.
Pyrrhon, originaire de la cité d’Elis, est l’initiateur du scepticisme dont le pyrrhonisme (4ème siècle av. JC) est la première pierre. C’est un courant philosophique pour qui rien ne peut être affirmé avec certitude. Il s’agit d’une philosophie pratique, qui aspire à l’ataraxie, le calme de l’âme.
Cette solidarité philosophique entre le moralisme chrétien de Pascal et le pyrrhonisme sert une réflexion sur la vérité.
La vérité est si obscurcie en ce temps et le mensonge si établi, qu’à moins que d’aimer la vérité on ne saurait la connaître. Les malingres sont gens qui connaissent la vérité, mais qui ne la soutiennent qu’autant que leur intérêt s’y rencontre. 2
Vérité d'un homme déchu
La vérité chez Pascal commence par une vérité sur l’homme. L’homme tel qu’il est décrit par les philosophes est l’homme pécheur, qui ne ressemble en rien à l’homme avant sa création dont il n’est qu’une forme dégradée.
D’après le philosophe, le péché originel aurait plongé l’homme dans une situation d’asservissement et d’avidité vis-à-vis des désirs charnels, qui a changé jusqu’à sa nature même, faisant de lui un esclave de la délectation
.
En conséquence, la volonté de l’homme tend à se réduire à l’équation suivante : l’homme veut ce qu’il lui plait vouloir. Volonté et désirs sont irréductiblement liés. Aussi, la volonté de l’homme, partagée entre deux principes, la cupidité et la charité, tend naturellement vers la première car elle cherche à satisfaire des désirs. La volonté est guidée par le cœur, et non par la raison.
La volonté divertie
Le premier texte s’intéresse aux concepts d’entendement et de volonté chez Pascal, qui correspondent à deux modes distincts de consentement.
Tous les hommes sont mus par le désir d’être heureux. La volonté, on l’a dit, va naturellement adhérer à ce qui lui plaît le plus. Le mode de consentement de la volonté diffère en cela des principes de l’esprit (autrement dit, de l’entendement), qui tend vers le bien.
Cette différence est d’autant plus marquée que la volonté est aliénée par l’imagination, partie décevante dans l’homme, maîtresse d’erreur et de fausseté, d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours
3. Au fond, rappelle le commentateur, l’histoire de la vérité, chez Pascal, est l’histoire du christianisme.
Phénomène et essence : deux visages de la vérité
Le deuxième, « Vérité phénoménale et vérité essentielle chez Pascal », écrit par Hélène Bouchilloux, aborde la question de la double vérité chez Pascal : d’une part, la vérité du christianisme, d’autre part, celle de la géométrie, chacune en son ordre.
Il aborde aussi la nécessaire conjugaison du dogmatisme (attitude qui rejette le doute et la critique) et du pyrrhonisme (forme de scepticisme philosophique, pour qui, contrairement aux dogmatiques, il n’existe pas de vérité absolue) pour envisager la vérité : dogmatisme qui aide à comprendre que l’on ne peut pas démontrer la fausseté des principes renversant le vrai et le bien ; pyrrhonisme permettant de comprendre que l’on ne peut fonder rationnellement des principes dont la connaissance dépend de l’amour de Dieu.
Le troisième texte, « Pascal et l’impératif de complémentarité » (Christian Lazzeri) et le dernier « Vérité pyrrhonienne et ambiguïté », poursuivent ces réflexions. D’autres textes du recueil traitent en détail de la question de l’illusion chez Pascal, de l’historicité ou encore du cours du temps.
Conclusion
De la vérité, du vrai et du bien, l’homme n’a qu’une trace. Souvenir ou vestige. L’homme est capable d’une connaissance essentielle, mais pas seul, d’autant qu’il s’est détourné de Dieu, ce qui le rend dans sa condition actuelle indigne de la vérité.
Pour accéder à la pleine et entière vérité, il faudrait qu’il embrasse les deux histoires de la vérité :
- Une histoire phénoménale (c’est-à-dire de ce qui est empirique)
- Une histoire essentielle.
Pour résumer, du côté de l’histoire phénoménale : la science ; du côté de l’histoire essentielle : l’Église. Le phénomène et l’essence forment chez Pascal les deux visages de la vérité.
Auteure de l'article :
Margaux Cassan est diplômée de l'ENS-PSL en Philosophie et religions, et est l'auteure de Paul Ricoeur, le courage du compromis.
1 éd. Gallimard, 1977, fragment 56
2 Fragment 6
3 Br. 82, Laf. 44