Aziliz le Corre
ParisNous découvrons ici le parcours d'Aziliz le Corre, journaliste préparant un master de philosophie politique.
Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !
Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?
Je fais mes premiers pas en tant que journaliste au Figaro. Je travaille dans la rédaction du Figaro Live. En parallèle, je suis en master recherche en philosophie politique et éthique à l’Université Paris Sorbonne. J’écris mon mémoire sous la direction de Pierre-Henri Tavoillot.
Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?
Ce n’est pas très éloigné de moi, je peux encore en parler sans nostalgie ! Quoi que…
J’ai un très bon souvenir de la classe préparatoire. Je savais en rentrant en hypokhâgne que je voulais étudier la philosophie, mais je ne voulais pas faire de choix trop hâtif. J’hésitais avec la littérature, j’ai finalement étudié les deux disciplines. Mon professeur de philosophie en première année, Charles Guyader, m’a fait découvrir la phénoménologie et je suis bien plus encore tombée amoureuse de la philosophie. Il m’a initié à la lecture d’Heidegger et de Levinas, pour cela je lui serai toujours reconnaissante. La lecture de Totalité et infini m’a particulièrement bouleversé. Je me souviens de la sensation de vertige que j’ai ressenti lorsque Levinas décrit comment la subjectivité naît de l’idée d’infini, et comment l’infini est un produit de la relation de soi à l’autre.
En licence de philosophie, j’ai pu approfondir la phénoménologie d’Husserl et d’Heidegger avec de brillants professeurs, comme Olivier Tinland et Jean-François Lavigne.
Pour mon master, j’ai pourtant décidé de me spécialiser en philosophie politique. Cette discipline me semble nécessaire pour appréhender les mutations du monde contemporain.
Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?
En classe de terminale, c’est en lisant le Discours de la méthode que j’ai découvert l’émerveillement philosophique. J’ai été impressionnée par la capacité de Descartes à pousser le doute jusqu’à questionner sa propre existence, par cette force intellectuelle qui permet de sortir de ses représentations et de ses préjugés.
Plus tard, la lecture de René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque m’a passionné. C’est une approche philosophique incarnée, nourrie d’exemples littéraires. Au travers d’œuvres, telles qu’À la recherche du temps perdu de Proust, Don Quichotte de Cervantès, L’Éternel Mari de Dostoïevski, ou encore Le Rouge et le Noir de Stendhal, René Girard dresse un portrait psychologique de l’humanité toute entière.
Ma spécialité étant la philosophie politique, je suis obligée de parler de Machiavel. Je ne me lasse jamais de le lire ! Il est à l’origine de la pensée politique contemporaine. L’enseignement de Machiavel ne se réduit pas à la conservation de l’Etat par la ruse du prince. Le prince doit aussi répondre à la demande du peuple. Des ouvrages comme Le Prince et le Discours sur la première décade de Tite-Live permettent de comprendre comment les institutions de l’Etat encadrent le rapport des grands et du peuple. L’œuvre du penseur florentin est aujourd’hui encore essentielle, et à lire dans toute sa subtilité.
Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?
Pour mon mémoire je vais m’intéresser à la crise que traverse la démocratie. Depuis près d’un siècle en Occident, la démocratie a été synonyme de démocratie libérale : un système politique marqué par des élections libres et équitables, mais aussi par l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs, la protection des libertés fondamentales d’expression, de réunion, de religion et de propriété.
Dans le contexte actuel, la souveraineté des nations est de plus en plus limitée par d’autres pouvoirs internationaux de régulation économique et sociale. Le désenchantement vient de la perte de confiance dans la volonté en politique, supplantée par l’Union européenne. Ainsi, cette crise de confiance et de légitimité pose avant tout la question de la souveraineté. A quelle échelle faut-il placer la souveraineté démocratique ? La démocratie, définie comme le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » semble s’opposer à l’évolution actuelle de la démocratie libérale et lui préférer la voie de la démocratie illibérale : un système d’élections libres, sans libéralisme constitutionnel.
Je m’intéresserai particulièrement à la réaction populiste en Europe centrale et orientale. La crise du libéralisme et la montée de différentes formes de nationalisme populiste sont aussi des phénomènes transeuropéens et même transatlantiques. Autrefois, l’anti-libéralisme en Europe allait de pair avec l’anti-américanisme. Maintenant, c’est l’Amérique de Donald Trump qui mène le mouvement anti-libéral. Après plus de deux décennies de libéralisme dominant, c’est le retour au communautarisme et au nationalisme, en témoigne le retour de Viktor Orban au pouvoir en 2010, réélu trois fois depuis. Je me demanderai si la démocratie illibérale peut être un idéal, ou au contraire, si elle n’est qu’une réaction à une situation de crise.
Merci Aziliz, pour ce témoignage !
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