Camille Laura Villet
ParisNous découvrons ici le parcours de Camille Laura Villet, philosophe, psychanalyste et conférencière.
Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !
Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?
Je suis psychanalyste anthropologique, membre d’une association, l’APA, qui m’a permis de faire le lien entre mes études de philosophie et une pratique psychanalytique.
L’art occupe également une place importante dans ma vie. En 2011, sur invitation du Centre Pompidou, j’ai accompagné un groupe de jeunes gens dans la collection permanente du musée. Notre tour, prévu pour douze séances, a duré deux ans. Il nous a même conduit à la réalisation d’un film de 26 minutes « Embarcation Beaubourg ». Cette plongée muséale me permit de renouveler mon expérience de l’abstraction. Je n’ai jamais enseigné. Le Centre Pompidou me demandait d’imaginer des visites pour ces abonnés 18-25 ans. Je leur ai proposé de nous laisser guider par les œuvres d’art. Que nous racontaient-elles ? Quel secret, sur elles, sur nous, sur la vie, nous délivraient-elles ?
Les œuvres d’art nous renvoient à la source mystérieuse qui est en nous et dont tout provient. Ce fut donc une expérience sensible extrêmement enrichissante et, de surcroît, collectivement partagée. Nous touchions à quelque chose qui transcendait nos subjectivités et qui nous mettait en position de correspondances très particulières.
J’ai su alors que je ne voulais plus cesser d’explorer, sous toutes ses formes, le lien qui unit l’image et la parole. Et j’ai fondé Khôra imagination pour réunir ceux que cette question intéresse, partager nos recherches, nos créations… et nous ouvrir un chemin de croissance.
Nous devons créer des contextes favorables au dévoilement de la sensibilité ainsi qu’aux tissages des intelligences. La réalité contemporaine est agressive, violente. Les individualités s’expriment sur un mode hyper narcissique et paranoïaque, ce qu’exacerbent souvent les réseaux sociaux. Or il existe une douceur et une puissance du Je, dès lors qu’il se conjugue avec l’Autre. L’art travaille à l’ouverture de nos cœurs, à l’élaboration d’une pensée plastique, si je puis dire, et non pas savante.
Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?
L’université a été pour moi un lieu magnifique d’ouverture. Je crois que j’ai bénéficié d’une réalité aujourd’hui presque éteinte. Je travaillais sans but autre que celui d’explorer, d’accueillir et de me façonner à la grandeur de la pensée. J’ai commencé par une maîtrise d’anglais sur le Roi Lear de Shakespeare. Puis est survenue la rencontre avec l’abstraction picturale. La philosophie est aussitôt devenue nécessaire. Je suis rentrée directement en licence à La Sorbonne. Je ne comprenais rien. Mais comme c’était vital, j’ai persévéré. Pendant ce temps, je suivais aussi des cours d’art dramatique. Ce sont les aléas de la vie qui m’ont conduite à la psychanalyse. J’ai mordu à cet hameçon-là aussi.
Il n’y a pas eu de professeurs, mais des rencontres, des guides qui, plus ou moins longtemps, ont éclairé mon chemin. Il faut beaucoup de patience et de volonté pour devenir sa propre lumière. J’espère y parvenir un jour.
Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?
Être et Temps de Heidegger… Mais il m’a fallu quelques années avant que ce livre me soit transmis dans la traduction d’Emmanuel Martineau – qui, à l’époque, n’était pas en ligne – et que je commence à y entendre quelque chose.
Heidegger fut mon premier maître. Il m’a émue aux larmes et fait tomber amoureuse de la philosophie. Il me conduisait à tout ce que j’avais voulu connaître, sans en avoir conscience. Il répondait à des intuitions diffuses. J’ai commencé à renaître à travers lui. Heidegger, enfin ses traducteurs, m’ont donné des mots pour m’exprimer, organiser mon chaos intérieur et surmonter mes angoisses. Avant cette rencontre et celle de la peinture abstraite qui lui est concomitante, j’errais dans un monde auquel je ne me sentais pas appartenir. Je culpabilisais beaucoup de cela, comme le vilain petit canard du conte. Heidegger m’a tendu un miroir dans lequel je me suis reconnue. D’une certaine façon, je n’étais plus seule. Et cela m’a donné du courage.
Mais je suis très heureuse de ne pas en être restée là ! Je veux dire, de ne pas être resté coincée là. Heidegger, ce que j’en ai compris, est en moi. Je le porte en moi comme on garde le souvenir d’une très belle histoire d’amour. Il fait intégralement partie de ma construction. Je prends volontiers un petit café avec lui de temps en temps mais pas plus.
Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?
J’ai réécrit ma thèse qui fut publiée en 2011 aux Editions de l’Harmattan sous le titre Voir un tableau : entendre le monde. Je prépare actuellement un nouvel essai sur le sens de l’art et la culture à partir d’une relecture du 20e siècle que je fais démarrer au procès qu’intenta le sculpteur Constantin Brancusi aux Etats-Unis en 1927. Je ne me suis pas encore lancée dans la recherche d’un éditeur. J’aimerais intituler cet essai Le périple de Dionysos. On verra… Mais j’y tiens beaucoup. Vous le confier me permet aussi de vous dire mon intérêt, qui ne cesse de croître, pour la mythologie. Elle est le négatif de la psychologie… son envers et une source intarissable de compréhension de l’être humain.
J’ai d’autres projets en préparation auxquels sont associés des artistes dont j’apprécie particulièrement la sensibilité. A suivre donc…
Merci de m’avoir proposé cette interview.
Merci Camille, pour ce témoignage !
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