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photo de Maxime Kristanek

Maxime Kristanek

Aix-en-Provence

Nous découvrons ici le parcours de Maxime Kristanek, doctorant en philosophie à l'université Aix Marseille et fondateur du site Encyclo-Philo.fr...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

Après avoir enseigné avec bonheur trois ans au lycée, j’ai commencé en octobre 2018 une thèse à l’université d’Aix-en-Provence, sous la direction du Professeur Isabelle Pariente-Butterlin. Je travaille en métaéthique, sur les arguments en faveur du nihilisme moral, la thèse selon laquelle il n’existe pas de faits moraux, comme les normes ou les obligations morales. Si le nihilisme est vrai, il s’ensuit par exemple qu’Hitler n’a rien fait d’immoral, ou qu’il n’est pas moralement obligatoire de respecter autrui. 

En parallèle de mes activités d’enseignant et de doctorant, je m’occupe depuis septembre 2014 d’une encyclopédie philosophique numérique, gratuite et de qualité universitaire (https://encyclo-philo.fr/), bâtie sur le modèle de la Stanford Encyclopedia of Philosophy. Je coordonne une équipe, qui rassemble environ 350 professeurs et chercheurs en philosophie. Je prends aussi en charge la communication, notamment sur les réseaux sociaux. L’objectif de cette encyclopédie, qui compte actuellement 200 articles publiés, soit l’équivalent d’un ouvrage d’environ 4000 pages, est de favoriser une meilleure diffusion de la philosophie auprès du grand public, et également de stimuler la recherche philosophique en France, en la connectant davantage aux grands débats qui ont lieu au sein de la recherche internationale de langue anglaise.  

Enfin, je me suis investi cette année dans le club d’argumentation philosophique de l’université d’Aix-en Provence, le Phi Club, dans lequel nous encourageons les étudiants à débattre de thèses polémiques. Je suis convaincu que l’art de la controverse est essentiel dans notre époque démocratique, où l’argument doit remplacer le rapport de force et de séduction. 

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ? 

Après le bac, je suis passé par une classe préparatoire littéraire (Hypokhâgne). Les cours de ma professeure de philosophie me laissaient assez dubitatif, parce que sa pratique de la philosophie ressemblait à une (brillante) rhétorique, où les figures de style et les analogies prenaient la place des arguments. Ensuite, j’ai étudié cinq ans à Sciences Po Grenoble.

Comme je n’étais pas entièrement satisfait sur le plan intellectuel, j’ai mené en parallèle un cursus en philosophie, à l’université de Grenoble. Au niveau pédagogique, j’ai été marqué par l’enseignement du Professeur Éric Dufour, qui savait nous parler de Kant avec humour et actualité, ainsi que par les cours de Thierry Ménissier, un orateur de talent qui m’a fait prendre conscience que j’avais envie d’étudier sérieusement la philosophie.

Enfin, j’ai gardé un excellent souvenir de mes mémoires de master, grâce notamment à ma directrice, Marlène Jouan, que je considère comme un modèle d’impartialité philosophique. Je me rappelle notamment un de ses commentaires à l’issue de ma soutenance : Je ne suis d’accord avec rien ou presque de ce que vous avez écrit, mais comme votre thèse est bien argumentée, la note est excellente

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L'auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Aucun livre de philosophie ne m’a vraiment passionné et je n’ai pas eu non plus de coup de foudre pour un auteur particulier. Mon rapport aux philosophes est instrumental : je considère leurs œuvres comme un stock de concepts, thèses, arguments, expérience de pensée. Je préfère le format de l’article à celui du livre. Néanmoins, je me rappelle avoir été réellement impressionné par le débat sur la théodicée entre John Mackie et Alvin Plantinga. Je lisais deux philosophes, experts en logique, qui débattaient d’un sujet tout à fait classique, avec un brio auquel je n’ose même pas aspirer. C’est à ce moment-là, en fin de licence, que je me suis dit que je voulais faire de la philosophie centrée sur les analyses et les arguments. 

Concernant les auteurs français, je suis friand des écrits de Jacques Bouveresse et Ruwen Ogien. J’apprécie leur style sobre, clair, et argumenté. 

Avez-vous déjà essayé d'écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ? 

Je suis passionné par la pédagogie, et j’ai écrit un article de didactique sur le choix des exemples en cours de philosophie (https://www.implications-philosophiques.org/homere-versus-star-wars/ ). Je défends la thèse selon laquelle le professeur, notamment en classe de Terminale, doit préférer l’utilisation des exemples tirés des œuvres culturelles appréciées des lycéens (films hollywoodiens, séries Netflix, manga), aux exemples classiques, tirés par exemple de Flaubert ou de Balzac. L’argument est que les premiers types d’exemples possèdent une valeur pédagogique supérieurs aux exemples classiques, et que le premier devoir de l’enseignant est de faire aimer la philosophie à ses élèves. 

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

Mon projet de recherche immédiat concerne ma thèse évidemment. Je m’intéresse aux implications motivationnelles du nihilisme moral (par exemple : est-ce que lorsqu’on devient nihiliste, est-ce qu’on augmente sa propension à faire des actions égoïstes ?). Ce qui m’amène à un champ de recherche assez récent, la philosophie des émotions. Mon intuition est que nos croyances morales jouent un rôle dans la formation de nos émotions. Je m’intéresse particulièrement à une émotion morale particulière, la culpabilité. J’aimerais développer un argument selon lequel dans certains contextes il ne faut pas hésiter, pour le plus grand bien, à être moralisateur et faire culpabiliser certaines personnes pour augmenter la probabilité qu’elles changent de comportement. 



Merci Maxime, pour ce témoignage !

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