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photo de Michel Guérin

Michel Guérin

Paris

Nous découvrons ici le parcours de Michel Guérin, écrivain, philosophe, auteur de nombreux ouvrages, romans et pièces...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

Écrivain et philosophe, j’ai publié une quarantaine d’ouvrages (Grasset, Seuil, PUF, Actes Sud, Les Belles Lettres), dont on trouvera aisément la liste sur mon site ou sur Wikipédia. C’est dire que je ne suis pas né d’hier, mais en 1946…

Professionnellement, j’ai eu deux vies : enseignant et diplomate (conseiller culturel de l’ambassade de France successivement à Bonn, Vienne et Athènes, directeur de l’Institut français dans ces deux capitales). Dans les années 90, je me retrouve – comme agrégé de philosophie (1970) ayant soutenu une thèse sur travaux (1989), puis une HDR (1996) – professeur des universités à Aix-en-Provence, dispensant un enseignement d’esthétique et de philosophie de l’art. En 2005, je suis élu à l’Institut universitaire de France, où ma chaire s’intitule « Théorie de l’art et de la culture ». Je suis aujourd’hui professeur émérite.

Je viens de publier coup sur coup : chez Actes Sud, Le Temps de l’art (Anthropologie de la création des Modernes), 2018, une analyse de l’Idée de création et de ses avatars historiques de la Renaissance à la postmodernité ; chez Hermann (2019), André Leroi-Gourhan (L’Évolution ou la liberté contrainte), en même temps que je signe l’avant-propos de la réédition aux Belles Lettres de La Civilisation du renne (1936). Je viens d’achever, par ailleurs, La Troisième main, qui est un peu la suite de Philosophie du geste (1995/2011 pour la 2e éd. augmentée). À noter que plusieurs livres résultent d’un travail d’assemblement et de refonte d’articles parus en revues.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? de vos professeurs ?

Je m’en souviens globalement avec plaisir et gratitude. J’ai eu la chance d’avoir eu, à Nantes, des professeurs de Lettres de haute volée qui m’ont d’emblée inoculé le goût de la littérature et l’amour de notre langue. Mes professeurs en khâgne à Louis-le-Grand (où m’avait envoyé un prix de Concours général de philosophie en 1964) ne m’ont guère marqué, mais ils faisaient leur métier avec conscience. À la Sorbonne, où je séchais beaucoup de cours, je n’aurais pas raté un seul amphi d’Henri Birault, qui m’a vraiment fait lire Kant, Nietzsche et Heidegger. Nous sommes par la suite devenus des amis.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L’auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

La réponse honnête à cette question nous ramène en un temps lointain : celui de la classe de philo au lycée Jules Verne à Nantes. Je dévorai l’Être et le néant (en lisant Kant à côté) et me passionnai pour La Critique de la raison dialectique. Sartre fut mon idéal et mon modèle. Arrivé à Paris, j’ai été reçu plusieurs fois avec un camarade à son domicile et je ne repense pas sans émotion à la générosité d’un homme qui gaspillait ainsi des heures à « discuter » avec nous. Deux autres livres ont ensuite fait date pour un lecteur qui n’était alors plus un adolescent : Sein und Zeit et Les Mots et les choses.

Dans la génération de Foucault, je me suis contenté de picorer ici ou là, mais ni Lacan, ni Althusser, ni Derrida ne m’ont impressionné ni influencé. J’ai suivi Deleuze écrivant de Kant, de Bergson ou de Proust : quand il s’est mis à son compte avec ses machines désirantes, j’ai carrément décroché (tout en étant sensible à la mention honorable de ma figurologie dans Qu’est-ce que la philosophie ?, Deleuze et Guattari voyant une analogie entre ma Figure et leur « personnage conceptuel »). Au fond, je suis un petit-fils dans la généalogie philosophique, pas un fils. Cela me garantit une indépendance (payée parfois au prix fort). Je me suis séparé explicitement des « nouveaux philosophes », au nombre desquels j’étais compté (mes deux premiers livres, Les Lettres à Wolf et Nietzsche, Socrate héroïque avaient paru chez Grasset dans les collections de Bernard-Henri Lévy).

Avez-vous déjà essayé d’écrire ? Pouvez-vous nous parler de vos créations ? Quels sont vos projets ?

L’ensemble de mes ouvrages se répartit entre la figurologie et les figurologiques. Même si l’écrivain que j’ambitionne d’être depuis un demi siècle ne s’absente pas des essais les plus complexes, il est clair que la figurologie est la théorie philosophique de la Figure, tandis que les figurologiques sont plus littéraires et d’un abord moins difficile. Il s’agit singulièrement de développer une Figure – un mixte de sensé et de sensible, une sorte de schème kantien concret et individué : ainsi l’Âge dans mes textes sur les Trois Mousquetaires, ou encore l’École, le Théâtre dans La Terreur, ou l’Ambition dans Nihilisme et modernité et Le Temps de l’art.

J’ai écrit des « romans », ainsi que plusieurs pièces : je citerai seulement Le Chien (autour de la Figure de Socrate), joué en grec et en Grèce dans les théâtres antiques du pays à l’été 1993 et mis en théâtre par la Comédie Française au Vieux Colombier (diffusion France Culture), Roland Bertin campant un inoubliable Socrate. Pour approcher la Figure comme instrument de pensée et son « archéologie » (Tertullien, Pascal, Rilke), on peut se reporter au texte « La philosophie comme figurologie » sur mon site. J’indique que la majuscule n’est pas d’emphase mais signe d’hommage (et d’obédience initiale à la Figur de Rainer Maria Rilke : voir mon Pour saluer Rilke, 2008).

Je n’ai pas de projets : je suis continûment à l’œuvre.



Merci Michel, pour ce témoignage !

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