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photo de Sylvie Peyturaux

Sylvie Peyturaux

Paris

Nous découvrons ici le parcours de Sylvie Peyturaux, chercheuse enseignant la philosophie à Rouen, et travaillant sur un projet de roman...

Etudes, lectures, projets... Voici son témoignage !


Pouvez-vous vous présenter ? Que faites-vous actuellement ?

Ma première formation, celle qui m’a construite, qui a fondé mon identité, et me structure encore aujourd’hui, c’est la danse. J’ai fait toutes mes classes, de sept à dix-sept ans, en danse classique, dans la rigueur et la discipline. Et puis la philosophie est arrivée ! Et tout fut évident, je n’ai pas hésité. Après... un parcours ordinaire, agrégation puis doctorat, une thèse sur Kant — la théologie transcendantale — très heideggérienne, parce que j’aime la métaphysique, l’allemand et la philosophie allemande.

Je suis devenue professeur sans vocation ni le moindre désir de transmettre ; des connaissances, du moins. Il m’a fallu des années, plus de dix ans d’exercice, je crois, pour m’approprier le métier, lui donner un sens, construire une manière de procéder qui convenait à ma personnalité, tout en étant efficace et enrichissante pour les élèves et étudiants. J’ai eu des classes de lycée, bien sûr, mais encore le grand plaisir de travailler durant cinq ans pour le département de philosophie de l’université de Rouen — là, ce ne sont que des bons souvenirs. Actuellement, j’enseigne en classe préparatoire HEC, filière que j’affectionne tout particulièrement pour son ouverture sur le monde et le profil de ses étudiants, ainsi qu’en maths sup.

Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?

A vrai dire, cette époque est assez floue dans ma mémoire — aussi parce qu’elle commence à être lointaine. Un tête-à-tête opiniâtre avec ma discipline, dans un premier temps, pour essayer de m’orienter et progresser. Quelques professeurs sensationnels — je pense notamment à Nicolas Grimaldi, en métaphysique, et Jean-François Marquet, sous la direction duquel j’ai fait mon DEA et ma thèse. J’ai commencé à y voir clair et réellement prendre du plaisir après la maîtrise, en préparant l’agrégation. C’était exigeant, épuisant, abominablement lourd et difficile, mais quel enjeu ! Une espèce d’aventure qui pousse au dépassement de soi et, de très loin, l’expérience la plus formatrice, philosophiquement, de toutes mes années d’étude.

Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L’auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?

Aucun. Je réserve passions et coups de foudre à d’autres domaines de l’existence ! Le texte philosophique est difficile, technique, aride, parfois abscons. Le style y est souvent négligé, voire méprisé. L’amoureux des mots souffre davantage qu’autre chose. En revanche, j’ai aimé m’y confronter, tout d’abord par goût de l’effort intellectuel et de la performance. Je n’ai jamais lu pour accumuler des contenus de connaissances, bien qu’il soit absolument nécessaire de les acquérir, afin d’entrer dans l’univers philosophique où la pensée peut ensuite avoir lieu.

J’ai donc lu parce qu’il fallait lire, et appris, de tous les philosophes, non seulement concepts, thèses, doctrines, théories… mais aussi et surtout « comment on fait ». Le modèle en la matière, c’est le Descartes des Méditations. Densité, précision, rapidité : une perfection ! Et l’enseignement foncier de cette œuvre immense, ce que je lis lorsque je la lis et relis, c’est la prise de risque, l’engagement requis par la vie philosophique, et vivre philosophiquement, ce n’est pas ressasser ce qui a déjà été pensé, soutenu, écrit… et commenté, cent fois et davantage encore. Pour moi, la philosophie est une pratique, et même un mode de vie, qui tient en deux mots : autonomie intellectuelle et authenticité.

Quels sont vos projets, vos travaux de recherche ?

En premier lieu, terminer le roman que je suis en train d’écrire et qui est bien avancé. Cela peut paraître un peu mélodramatique, mais je dirais que c’est le projet de ma vie, et une très réelle vocation, depuis que j’ai appris à lire, en fait, et découvert que nous, les humains, avions le talent de nous transporter, instruire, comprendre… de nous rencontrer — et je parle d’une véritable rencontre, créatrice, qui nous transforme de l’intérieur — au moyen des mots.

La lecture est par essence transgressive. Toutes les frontières y sont bafouées, allégrement, et l’œuvre, littéraire ou philosophique, est pour moi un lieu de fraternité. Naturellement, le projet d’écrire a toujours été lié, dans mon esprit, à la volonté farouche de ne pas concevoir mon existence future à l’intérieur d’un genre, féminin, dont j’aurais dû assumer les aspirations, les goûts, et les faiblesses ; du moins ceux qu’on lui prête.

La lecture est aussi un puissant outil d’émancipation, et l’écriture, d’affirmation de soi. Seulement, il faut avoir quelque chose à dire ! Ainsi avoir lu, réfléchi, observé, expérimenté, c’est-à-dire finalement vécu, même pour écrire de la philosophie, si l’on veut tenir un propos. Et puis, il faut oser, sans du tout savoir si l’on est capable ni ce qui en résultera. Un temps est venu où j’ai senti que c’était le « bon moment » et que je devais saisir l’opportunité. Quand j’aurai terminé, je retournerai à l’écriture philosophique, pour achever la rédaction d’un ouvrage élaboré il y a quelques années.



Merci Sylvie, pour ce témoignage !

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