Résumé de : Le Manuel
EpictèteLe Manuel d’Epictète représente une excellente introduction au stoïcisme. On retrouve l’idée fondamentale de ne s’attacher qu’aux biens qui ne dépendent que de nous. Il ne s’agit pas d’un livre écrit par Epictète lui-même, mais d’une compilation rédigée par son disciple Arrien de son enseignement. Facilement accessible, il est souvent étudié en classe de terminale.
Comment atteindre le bonheur ?
Le bonheur passe par la liberté. Etre heureux, c’est être libre ; mais le problème se repose : comment devenir libre ?
Epictète propose sa célèbre distinction des choses qui ne dépendent pas de nous (par exemple notre corps, la célébrité, le pouvoir…) et des choses dépendent de nous (nos jugements sur les choses, nos désirs, nos aversions…).
Etre libre, c’est se concentrer sur les choses qui dépendent de nous, et ne plus accorder d’importance à celles qui ne dépendent pas de nous. En effet, elles ne dépendent pas de notre seule volonté, mais du hasard, des circonstances extérieures ; par exemple, la célébrité à laquelle nous aspirons ne dépend pas entièrement de notre talent, mais aussi de ceux qui voudront bien venir se donner la peine de découvrir ce talent.
Dans ce type d’action, nous n’avons pas un pouvoir total, nous ne sommes pas seule cause agissante et déterminante du succès de notre action. De ce fait, nous nous exposons à des revers de fortune ou des désillusions qui nous rendront malheureux.
En revanche, beaucoup de choses ou d’actions ne dépendent que de ma volonté propre. Par exemple, je peux décider ou non de travailler ce soir. Je peux décider quel jugement je porte sur telle ou telle chose. On est libre, donc heureux, lorsqu’on porte son attention sur ces choses-là. Alors :
Si tu crois tien cela seul qui est tien, et étranger ce qui t’es en effet étranger, nul ne pourra jamais te contraindre, nul ne t’entravera ; tu ne t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras rien malgré toi ; nul ne te nuira ; tu n’auras pas d’ennemi, car tu ne souffriras rien de nuisible 1.
Ce qui dépend de nous fondamentalement, ce ne sont pas les événements de notre vie, ou les choses extérieures, mais les jugements qu’on porte sur ceux-ci ou celles-ci. Par exemple, en tant qu’êtres mortels, nous ne pouvons pas éviter de mourir ; mais nous pouvons décider quel sens nous donnons à la mort. Nous pouvons la voir comme quelque chose d’effrayant, et nous allons, angoissé par cette idée, gâcher notre vie entière ; mais nous pouvons aussi la voir comme la fin normale d’un cycle naturel, ou un repos qui soulage de la souffrance de la vieillesse, et de ce fait lui accorder une valeur positive.
Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur les choses. Ainsi la mort n’est rien de redoutable […] mais le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c’est là ce qui est redoutable 2.
Beaucoup de nos jugements sont négatifs et expriment une angoisse, une haine ou un refus de telle ou telle chose. Il suffit donc de travailler sur ces jugements, par la réflexion, et de les modifier, de manière à ce qu’ils expriment une acceptation pleine et entière du monde, de la vie telle qu’elle se présente. Ainsi, on atteint le bonheur :
Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent et tu seras heureux 3.
Une fois qu’on a saisi que les choses ne peuvent nous atteindre, mais seulement nos jugements sur ces choses, on est invincible, car nos jugements sur ces choses sont en notre seul pouvoir. Rien ne peut donc nous atteindre sans notre consentement : La maladie est une entrave pour le corps, mais non pour la volonté, si elle ne le veut. La claudication est une entrave pour les jambes, mais non pour la volonté. Dis-toi de même à chaque accident, et tu trouveras que c’est une entrave pour quelque autre chose, mais non pour toi
4.
Il s’agit de travailler nos jugements, de manière à rester impassible et sans tristesse lorsqu’un événement douloureux nous affecte. Car on peut porter un jugement positif sur cet événement. Par exemple : ma télévision ne marche plus ; tant mieux, car je vais pouvoir lire un bon livre à la place…
C’est là la fameuse impassibilité stoïcienne (l’ataraxie), qui amène à rester serein en toute circonstance.
1 Manuel, in Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, GF-Flammarion, Paris, 1964, trad. M. Meunier, p.207
2 p.209
3 p.210
4 p.211