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Notion : la conscience

Le sujet

Ce cours sur la conscience vous aidera à préparer l'épreuve de philosophie du bac, quelle que soit votre filière (L, ES, S).

Au programme : la définition de l'homme comme roseau pensant par Pascal, la critique du libre-arbitre par Nietzsche...



Sujet possible : La conscience est-elle source de liberté ou de contrainte ?


Grâce à la conscience, je n’agis pas par simple réflexe, par instinct, comme on peut penser que c’est le cas chez les animaux. Le principe de mes actions se trouve dans ma volonté. J’agis de telle manière parce que je l’ai voulu. N’est-ce pas cela la liberté ?

Pourtant, on peut se demander s’il ne faut pas plutôt voir là une contrainte. Si j’agis de manière consciente, je deviens responsable de tous mes actes. Or avec la responsabilité commence la contrainte : les interdits, les impératifs, la loi morale, pèsent sur moi, et sur chacun de mes actes.

La question se pose donc : la conscience nous libère-t-elle, ou nous asservit-elle ?

La conscience nous libère de notre condition finie – Pascal

La conscience est ce pouvoir qu’a l’homme de se mettre à distance de lui-même, et de se prendre lui-même pour objet de réflexion : que suis-je ? Que dois-je faire ? Quel est le sens de la vie ?

On ne se contente plus d’ « être », simplement, comme cette pierre au bord du chemin « est », mais on sait qu’on existe. Nous ne sommes plus simplement « dans le monde » comme un simple objet posé çà ou là, mais nous nous connaissons comme inséré dans un monde, en tant que sujet pensant.

Cela constitue le privilège de l’homme : les autres êtres vivants tels que les animaux existent et agissent, mais sans en être conscients. Leurs actions sont déterminées par l’instinct. On ne trouvera jamais par exemple un chien ou un cheval qui médite sur son existence, et qui se pose la question du sens de la vie. Les animaux vivent, sans avoir conscience d’eux-mêmes comme êtres vivants.

De ce fait, la conscience est ce qui vient fonder la dignité humaine, ce par quoi il surpasse les autres êtres vivants, et même l’univers lui-même s’il faut en croire Pascal, dans les Pensées :


L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant.

Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.

Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir.

Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.

Roseau pensant. — Ce n’est point de l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée. Je n’aurai pas davantage en possédant des terres : par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends

.

On le voit : par la conscience, l’homme dépasse l’univers. Si du point de vue matériel, l’homme est écrasé par celui-ci, puisqu’il n’est qu’un point infiniment petit, du point de vue spirituel, l’homme prend sa revanche, et apparaît comme le sommet de la Création.

La conscience apparaît donc comme ce qui nous libère de notre condition finie et misérable ; comme ce qui nous libère du pouvoir néantisant de l’univers, que ce dernier exerce sur moi d’un point de vue matériel.

La conscience est donc bien une source de liberté, par le pouvoir qu’elle nous donne sur le reste du monde.


Néanmoins, avec la conscience apparaît la loi morale, et de multiples interdits vont peser sur mes actions : si j’agis consciemment, je deviens responsable de ce que je fais, et l’on peut me punir si j’agis mal.

La conscience n’apparaît-elle pas de ce fait comme un prétexte pour une lente entreprise de domestication morale, qui me fait perdre ma liberté première ?

La conscience comme ruse théologique asservissante - Nietzsche

Si j’agis de manière inconsciente, par exemple pris d’un accès de folie furieuse dans laquelle je ne m’appartiens plus, je ne suis pas responsable de mes actes. Avec la conscience apparaît la responsabilité. C’est pourquoi d’un point de vue judiciaire, un crime passionnel est moins sévèrement puni qu’une action commise de manière délibérée, calculée longtemps à l’avance.

Une action consciente est considérée comme effet d’une volonté libre, d’un choix rationnel. Aucun déterminisme ne vient s’y glisser. La notion de libre arbitre vient condenser ces trois idées liées : volonté, liberté et responsabilité. J’ « ai un libre arbitre » signifie : mon action est le fruit de ma volonté en tant qu’elle est libre (déterminée par rien d’autre qu’elle-même), et de ce fait je suis responsable des conséquences de celle-ci.

La notion de conscience devient donc le cheval de Troie par lesquels les théologiens et les partisans de la morale judéo-chrétienne viennent condamner la plupart de nos actions, étouffant notre spontanéité dans des dizaines de commandements et d’impératifs moraux. Ceux-ci n’ont aucun fondement : la loi morale n’a pas d’autre but que de donner le droit à ces bourreaux un prétexte pour punir, c’est-à-dire exercer leur violence en toute légalité, ainsi que l’affirme Nietzsche dans le Crépuscule des Idoles :


Il ne nous reste aujourd'hui plus aucune espèce de compassion avec l'idée du « libre arbitre » : nous savons trop bien ce que c'est - le tour de force théologique le plus mal famé qu'il y ait, pour rendre l'humanité « responsable » à la façon des théologiens, ce qui veut dire : pour rendre l'humanité dépendante des théologiens...

Je ne fais que donner ici la psychologie de cette tendance à vouloir rendre responsable.

Partout où l'on cherche des responsabilités, c'est généralement l'instinct de punir et de juger qui est à l'œuvre. On a dégagé le devenir de son innocence lorsque l'on ramène un état de fait quelconque à la volonté, à des intentions, à des actes de responsabilité : la doctrine de la volonté a été principalement inventée à fin de punir, c'est-à-dire avec l'intention de trouver coupable. Toute l'ancienne psychologie, la psychologie de la volonté n'existe que par le fait que ses inventeurs, les prêtres, chefs de communautés anciennes, voulurent se créer le droit d'infliger une peine - ou plutôt qu'ils voulurent créer ce droit pour Dieu...

Les hommes ont été considérés comme « libres », pour pouvoir être jugés et punis, - pour pouvoir être coupables : par conséquent toute action devait être regardée comme voulue, l'origine de toute action comme se trouvant dans la conscience.


On voit qu’apparaît ici une tout autre conception de la liberté, qui repose plutôt sur l’idée de spontanéité : la conscience (et par-delà le libre arbitre) ne fait que brider cette spontanéité, la briser, sous des impératifs moraux. Pour Nietzsche, nous agissons, comme les animaux, par instinct. Il est donc injuste de responsabiliser l’homme par la notion de conscience, et cela n’est que le symptôme d’une volonté de punir, tout aussi animale, de la part des religieux.

Muni de cette nouvelle définition de la liberté, nous pouvons le dire : la conscience est plus une source de contrainte que de liberté. Elle est même au fondement de la loi morale, destructrice de toute spontanéité, donc de toute liberté.


Mais refuser la notion de libre arbitre, c’est-à-dire notre liberté et notre responsabilité, n’est-ce pas là une conduite de mauvaise foi ? Telle est l’idée que nous allons à présent examiner.

Contre la mauvaise foi, la conscience de notre liberté – Sartre

Pour l’existentialisme, l’homme est libre parce qu’il s’agit du seul être qui existe. L’existence est le privilège de l’homme. Les objets ont une essence définie : une fonction, un aspect, une matière. Ils ne peuvent en sortir. L’homme est liberté, c’est-à-dire qu’il n’est à l’origine rien, et peut décider de ce qu’il va devenir. Il peut choisir son métier, le pays où il va vivre, etc.


Ce pourquoi Sartre, dans L’Existentialisme est un humanisme dit que l’existence précède l’essence.

Le coupe-papier est à la fois un objet qui se produit d’une certaine manière et qui, d’autre part, a une utilité définie; et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe-papier sans savoir à quoi l’objet va servir. Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, l’essence – c’est-à-dire l’ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir – précède l’existence. […]

Si Dieu n’existe pas, il y a au moins un être chez qui l’existence précède l’essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c’est l’homme [...] Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait.

Ainsi, il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la concevoir. L’homme est seulement, non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan vers l’existence; l’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait.

Dans ce cas, nous sommes responsable de tout ce qui nous arrive.

Mais comme on aime fuir nos responsabilités, on peut nier notre liberté. C’est là une conduite de mauvaise foi (voir cours sur l’inconscient) : on est parfaitement conscient qu’on est libre, mais on essaie de se le dissimuler.

La critique nietzschéenne apparaît alors comme un exemple de mauvaise foi.

On ne démontre pas notre liberté : on en est immédiatement, parfaitement conscient, et on sait bien qu’aucun argument ne pourra nous convaincre du contraire.

La conscience est donc libératrice, tout simplement parce qu’elle me révèle cette liberté première en nous.

Conclusion

On voit donc que la conscience libère l’homme, parce qu’elle le constitue en tant qu’homme, et lui révèle sa liberté. Certes, cela fait peser sur l’homme une responsabilité écrasante : c’est lui qui est responsable de ce qu’il sera. Mais cela n’est pas une contrainte. Il s’agit plutôt d’un passionnant défi, lancé à l’homme.