la Tableau la Danse de Matisse

Notion : le bonheur

La morale

Ce cours sur le bonheur vous aidera à préparer l'épreuve de philosophie du bac, quelle que soit votre filière (L, ES, S).

Au programme : le désir source de malheur pour Schopenhauer, le pouvoir de la volonté selon les stoïciens, le secret du bonheur selon Epictète...

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Sujet possible : Dépend-il de nous d’être heureux ?


On pense souvent à ce qu’il se passerait si l’on gagnait au loto et que l’on devenait millionnaire : on s’imagine heureux, voyageant aux quatre coins du monde et se prélassant au bord d’une belle piscine en toute saison.

Malheureusement, gagner au loto ne dépend pas de nous. C’est le hasard qui décide de mon sort futur. Et comme mes chances sont infinitésimales (je n’ai qu’une chance sur dix millions de gagner), ce beau scénario dans lequel je suis heureux (du moins en apparence) est quasiment impossible.

Est-il donc raisonnable de confier mon bonheur au hasard, surtout lorsque mes chances sont si minces ? Ne dois-je pas plutôt chercher à mettre en place moi-même les conditions de mon bonheur ? Le bonheur ne vient-il pas, plutôt que de circonstances extérieures sur lesquelles je n’ai aucune prise, d’un état d’esprit, d’une attitude générale, d’une somme de comportements qu’il dépend de moi d’adopter ou non ?

Autrement dit : est-ce ma volonté qui est au fondement de mon bonheur, ou n’a-t-elle aucune prise sur celui-ci ?

Le désir nous empêche d’être heureux - Schopenhauer

Pour savoir s’il dépend de nous d’être heureux, il faut savoir ce qu’est ce « nous ». Qu’est l’homme ? C’est uniquement en ayant un meilleur aperçu de ce qu’est la nature humaine que l’on saura si le bonheur est accessible à l’homme.

Or l’homme est fondamentalement un être de désir. C’est le désir qui me pousse à accomplir telle ou telle action. Si le désir venait à s’éteindre, nous resterions inertes, privés de toute raison d’agir. Je désire ce gâteau dans la vitrine qui est si appétissant ; je désire embrasser cette jolie fille qui me fait de l’œil, je désire travailler pour avoir un métier intéressant, etc.

Malheureusement, ce dynamisme, cette force en nous qu’est le désir ne dépend pas de nous d’une part, et d’autre part nous mène inévitablement au malheur.

Le désir ne dépend pas de nous, puisqu’il se porte sur des objets ou des personnes que nous savons pertinemment être néfastes pour nous : je sais qu’il n’est pas bon pour moi d’avaler cette plaque de chocolat, pourtant je le ferai, aiguillonné par mon désir.

Le désir mène inévitablement au malheur, puisqu’il n’est rarement satisfait : il nous plonge donc dans un état de frustration permanente. Et quand il est satisfait, il nous mène à l’ennui. Dans tous les cas, il nous mène donc au malheur.

C’est ce que soutient Schopenhauer, dans le Monde comme volonté et comme représentation :


Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance.

La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée.

Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue.

La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain.

[…] Tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître […] il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. [...] sans repos le véritable bonheur est impossible.

Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré


Le désir nous plonge donc dans une douleur infinie, qui ne cessera qu’à notre mort. Ce pourquoi Schopenhauer compare notre condition à celle des héros grecs condamnés à des tourments sans fin dans l’Hadès, l’enfer grec.

On le voit, le bonheur ne dépend pas de nous. En tant que nous sommes des hommes, c’est-à-dire des êtres désirants, nous ne pouvons pas connaître le bonheur, et d’autre part, cette tendance qui nous mène au malheur, le désir, ne dépend pas de nous. Nous sommes victimes de notre condition, de notre nature humaine.


Pourtant, on peut se demander si le désir n’est pas qu’une tendance de l’homme, qui peut être contrebalancée, par exemple, par la volonté. N’avons-nous pas sous-estimé la force de la volonté ? Celle-ci ne peut-elle pas donner à l’homme un contrôle absolu sur ses passions ? Et le mener, de ce fait, au bonheur ?

Le bonheur dépend de notre volonté : le stoïcisme

Notre volonté est ce qui par essence dépend de nous. Certes, les circonstances extérieures sont indépendantes de notre volonté : je n’ai pas choisi de naître dans ce pays, à cette époque, dans cette famille. Le tremblement de terre qui s’est produit tel jour et qui a changé ma vie n’a pas été le fruit de ma décision. La plupart des événements qui se sont déroulés dans ma vie ne sont pas le fruit de ma volonté.

Pourtant, ma volonté a un rôle crucial à jouer, qui ne dépend que de moi : c’est moi qui décide quel sens donner à ces événements. Ainsi que le remarque Epictète dans son Manuel :


Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses. Ainsi, la mort n’est rien de redoutable, puisque, même à Socrate, elle n’a point paru telle. Mais le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c’est là ce qui est redoutable.

Nos jugements ne dépendent que d’une chose : de notre volonté : ils sont en mon pouvoir absolu.

Un coup de couteau peut atteindre mon corps, il ne peut atteindre mon âme. Ce qui affectera mon âme, c’est uniquement le jugement que je porterai sur ce coup de couteau. Si je considère que la mort n’est pas un mal, je ne serai pas malheureux.

Ainsi que Marc Aurèle le souligne dans les Pensées pour moi-même :les choses n’atteignent point l’âme, mais restent confinées au dehors, et les troubles ne naissent que de la seule opinion qu’elle s’en fait

Il suffit donc que je suspende mon jugement, ou que je ne fasse que des jugements positifs, qui préservent ma sérénité, et je serai toujours heureux : Supprime donc ton opinion, et, comme un vaisseau qui a doublé le cap, tu trouveras mer apaisée, calme parfait, golfe sans vagues.


D’autre part ma volonté peut discipliner le désir, de manière à ce que je ne m’intéresse plus qu’à des choses qui dépendent de moi. Ainsi je ne serai plus rendu malheureux par des circonstances extérieures qui ne sont pas conformes à ce que j’attendais, mais sur lesquelles je n’ai aucun pouvoir.

C’est là le secret du bonheur, ainsi présenté par Epictète :



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