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Tableau l'Appel des cimes de Magritte

Notion : la vérité

La raison et le réel

Ce cours sur la vérité vous aidera à préparer l'épreuve de philosophie du bac, quelle que soit votre filière (L, ES, S).

Au programme : le scepticisme, le doute radical de Descartes et l'expérience du cogito...



Sujet possible : Peut-on atteindre une vérité certaine ?


Il semble que nous formulions fréquemment des vérités incontestables : « il fait beau aujourd’hui », quand le soleil brille et qu’aucun nuage n’est visible à l’horizon ; « 3 X 3 = 9 » quand nous récitons nos tables de multiplication, ou encore quand nous nous bornons à constater un fait : « j’ai rencontré Jean hier », etc.


Pourtant, est-ce réellement le cas ? Pouvons-nous réellement formuler des jugements dont la vérité ne fait aucun doute ?

Le scepticisme est précisément une doctrine qui nie cela.

Le Scepticisme : la vérité est inatteignable

Cette doctrine repose sur l’idée que l’ensemble de nos idées et concepts sont faux. Il devient alors inutile de les utiliser, et par conséquent de penser.

Pyrrhon, le premier sceptique, résumait cela ainsi : Aucune chose n’est plus ceci que cela. Lorsqu’on comprend cela, on arrête de formuler des opinions sur les choses : c’est la fameuse suspension de jugement sceptique (épochè).

Etonnamment, on atteint alors une forme de bonheur : on devient impassible, serein, puisque ce qui nous trouble et nous rend malheureux, ce sont certains jugements. Si l’on juge que la mort est un mal par exemple, on est angoissé à l’idée de mourir. Mais si l’on ne fait plus aucun jugement, plus aucune cause de trouble ne vient nous affecter.


Pourquoi les sceptiques doutent-ils que l’on puisse atteindre une vérité certaine ?

Ils se basent sur un ensemble d’arguments appelés tropes sceptiques. Voici certains d’entre eux.

-le désaccord des sages : aucune vérité n’est admise comme certaine par l’ensemble des systèmes philosophiques. Aristote contredit Platon, le stoïcisme contredit l’épicurisme, et aucune idée ne fait l’objet d’un consensus.

-la relativité des moeurs : les peuples adoptent différentes règles de vie et aucune règle ne fait l’objet d’un consensus universel. Ce qui semble cruel et interdit dans un pays sera toléré, voire encouragé dans un autre. Une idée que Pascal (qui n’est pas un sceptique) résume des dizaines de siècles plus tard ainsi : Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.


-les erreurs des sens : nos organes des sens n’ont pas exactement la même constitution donc chacun voit et entend différemment des autres. Surtout nos sens nous trompent : un bâton plongé dans l’eau paraît brisé, une tour carrée paraît ronde de loin, etc.


-l’inutilité de la démonstration : si l’on propose un argument pour fonder une idée, il faudra prouver cet argument par un autre argument, qui lui-même devra être prouvé, etc. On est donc confronté à une régression à l’infini, puisqu’il faudra toujours une démonstration pour fonder la démonstration antérieure, ce qui rend inutile toute argumentation.


Pyrrhon, le premier sceptique, menait une vie en accord avec ses principes. Il partait au hasard (puisque rien ne lui prouve qu’il vaut mieux être ici que là), marchait au-devant des précipices (puisque rien ne lui prouve que la mort est un mal), heureusement retenu par ses disciples.

Un jour il s’enfuit devant un chien, et moqué par ses disciples, répondit qu’ il est difficile de dépouiller l’homme de fond en comble (de ses jugements).


On le voit : les arguments sceptiques pour montrer qu’on ne peut atteindre une vérité certaine sont nombreux.


Néanmoins, n’est-il pas possible de trouver une vérité certaine, qui résiste aux arguments sceptiques ?

C’est là le pari que relève Descartes.

Le cogito comme vérité indubitable : Descartes

Descartes dans ses Méditations métaphysiques cherche une vérité certaine. Remettant en cause l’enseignement qu’il a reçu, il concède aux sceptiques que l’on peut remettre en question la plupart des idées considérées à tort comme certaines par le sens commun.


On ne peut par exemple se fier au témoignage des sens. Reprenant les exemples du bâton brisé et de la tour, il remarque qu’il est de la prudence de ne se jamais fier entièrement à ceux qui nous ont une fois trompé.

Les vérités mathématiques sont-elles certaines ? Peut-on douter que 2+3=5 ou que deux droites parallèles ne se coupent jamais ?

Descartes fait observer que Dieu, dans sa toute-puissance, est en mesure de nous tromper sur ces points.

Ou plutôt, puisque Dieu dans son infinie bonté ne peut être suspect d’un tel comportement : on peut imaginer qu’un malin génie a assez de puissance pour nous faire croire à de telles idées, alors qu’elles sont fausses.


Il faut donc partir de la pire des hypothèses, celle selon laquelle un malin génie, un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé […] emploie toute son industrie à me tromper toujours, et voir si même ainsi, il existe une vérité qui peut résister et être considérée comme certaine.


C’est le cas. Si on part de l’idée sceptique que tout est douteux, alors il est certain que je doute (de tout). Si je doute, je pense. Si je pense, je suis. Ainsi que Descartes le résume dans le Discours de la méthode : Je pense donc je suis. C'est là la vérité certaine que nous cherchons, découverte au terme de l’expérience du cogito.


Dans les Méditations métaphysiques, Descartes la formule ainsi : Je suis, j’existe est nécessairement vraie toutes les fois que la prononce ou que je la conçois en mon esprit.

Quel est ce « Je » dont Descartes a prouvé l’existence ? Ce n’est pas une âme, ni un corps, (la signification de ces termes est douteuse), mais simplement une « chose qui pense ». Voici la seule chose certaine qu’on peut dire concernant la nature du sujet pensant.

Or de cette première vérité indubitable, Descartes va déduire d’autres vérités, concernant le monde, ou Dieu. Par exemple, il va déduire l’existence de Dieu de la présence en nous de l’idée de Dieu. J’ai en moi l’idée de Dieu, donc il existe car ce n’est pas moi, être fini qui ai pu créer cette idée d’un être infini (l’effet ne peut pas être supérieur à la cause).


On le voit donc : il existe des vérités certaines qui résistent au doute sceptique.

Néanmoins on peut se demander s’il existe des vérités absolues, et si toute vérité n’est pas relative.

La vérité relative : Protagoras

On a jusqu’à présent entendu par « vérité » des propositions universelles, valant pour tous les temps et tous les pays, de type : « la somme des angles d’un triangle est de 180° ». Ne peut-on imaginer plutôt que chacun a sa vérité, et que celle-ci n’est valable que pour celui qui l’énonce ?

C’est là l’idée de Protagoras : L’homme est la mesure de toute chose. Cela signifie que chacun porte en soi sa vérité, et il n’en est pas qui soit moins estimable que d’autres. Si l’on trouve qu’un tableau n’est pas beau, ce sera là pour nous une vérité. Si notre voisin trouve qu’il s’agit là d’une œuvre magnifique, ce sera pour lui une vérité : on ne peut hiérarchiser ces deux positions en montrant pourquoi l’une est meilleure que l’autre.

On peut généraliser cela à l’ensemble des idées que nous adoptons. Ainsi par exemple, les normes morales : si un peuple a décidé d’admettre le cannibalisme, on ne peut le condamner : ce sont là les normes qu’il a décidé d’adopter, et qui ne sont pas moins vraies que les normes judéo-chrétiennes qui interdisent le cannibalisme.

Voici comment Platon résume la pensée de Protagoras, dans le Théétète :

SOCRATE : « Il semble bien que ce que tu dis de la science n’est pas chose banale [152a] ; c’est ce qu’en disait Protagoras lui-même. Il la définissait comme toi, mais en termes différents. Il dit en effet, n’est-ce pas, que l’homme est la mesure de toutes choses, de l’existence de celles qui existent et de la non-existence de celles qui n’existent pas. Tu as lu cela, je suppose ?

THÉÉTÈTE : Oui, et plus d’une fois.

SOCRATE : Ne veut-il pas dire à peu près ceci, que telle une chose m’apparaît, telle elle est pour moi et que telle elle t’apparaît à toi, telle elle est aussi pour toi ? Car toi et moi, nous sommes des hommes.

THÉÉTÈTE : C’est bien ce qu’il veut dire.

SOCRATE : Il est à présumer qu’un homme sage ne parle pas en l’air. Suivons-le donc. N’arrive-t-il pas quelquefois qu’exposés au même vent, l’un de nous a froid, et l’autre, non ; celui-ci légèrement, celui-là violemment ?

THÉÉTÈTE : C’est bien certain.

SOCRATE : En ce cas, que dirons-nous qu’est le vent pris en lui-même, froid ou non froid ? ou bien en croirons-nous Protagoras et dirons-nous qu’il est froid pour celui qui a froid, et qu’il n’est pas froid pour celui qui n’a pas froid ?

THÉÉTÈTE : Il semble bien que oui.

SOCRATE : N’apparaît-il pas tel à l’un et à l’autre ?

THÉÉTÈTE : Si »

On le voit : le relativisme déconstruit la notion de vérité, et on ne sait ce qu’il en reste, après une telle opération. Néanmoins, si l’on admet le concept de vérité relative, alors on atteint une forme de certitude : il est certain que pour moi, il fait froid, ou que le tableau n’est pas beau. Il suffit d’être à l’écoute de ce que je ressens pour atteindre une vérité certaine.

Conclusion

On voit qu’il existe des vérités certaines. Si l’on n’est pas convaincu par la vérité absolue telle que Descartes pense l’avoir mise au jour dans l’expérience du cogito, rien ne nous empêche de restreindre nos ambitions et d’admettre qu’il existe au moins, des vérités relatives certaines.