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Notion : la liberté

La morale

Ce cours sur la liberté vous aidera à préparer l'épreuve de philosophie du bac, quelle que soit votre filière (L, ES, S).

Au programme : une présentation du déterminisme, une définition du libre arbitre, l'exemple de l'âne de Buridan, une exploration de l'inconscient, etc.


Sujet possible : Sommes-nous libres ?

Le Libre Arbitre

Faisons une expérience banale : je souhaite me mettre debout. Ma volonté intervient, donne un ordre à mon corps, je me lève.

J’ai fait là l’expérience de ma liberté : je suis libre parce que c’est moi qui décide d’agir.

Je suis libre si c’est ma volonté qui est au fondement de mon action. J’effectue alors un choix en toute liberté.


Ma volonté est la clé de voûte de ma liberté. C’est en cela que j’ai un libre arbitre. Ce terme désigne ma volonté, en tant qu’elle est libre, c’est-à-dire rien d’autre ne la détermine qu’elle-même à agir. Je fais ceci parce que je le veux, je fais cela parce que je l’ai choisi.

Aucun autre motif caché ne vient me déterminer à agir que moi-même. Si je me suis levé parce qu’une abeille m’a attaqué, ou parce qu’un courant d’air m’a donné froid, et que je fuis ces désagréments, ce n’est pas moi qui ai décidé de me lever, ce n’est pas ma volonté qui est au fondement de mon action, mais un motif extérieur : l’abeille, ou le courant d’air.

Ce n’est pas moi qui ai « décidé » de mon action, mais l’abeille : je n’ai donc pas agi librement, mais par contrainte.


Voici donc une reformulation de notre problème. « Sommes-nous libre ? » devient : « notre volonté est-elle au fondement de toutes nos actions ? ».

Il semble intuitivement que c’est le cas, même si certaines de nos actions sont de toute évidence effectuées par contrainte.

Néanmoins, une doctrine philosophique le nie : le déterminisme.

Le déterminisme comme négation de la liberté

Le déterminisme est une doctrine philosophique qui nie notre liberté, et refuse l’idée de libre arbitre. Pour un déterministe, quand nous agissons, ce n’est jamais parce que nous l’avons décidé, mais parce qu’un motif extérieur nous y contraint.

Notre action n’est jamais que l’effet d’une cause extérieure à nous, et même d’une chaîne de causes.

Il n’y a pas non plus de hasard. Il n’y a que des chaînes de causes et d’effet qui découlent logiquement et nécessairement les unes des autres. De ce fait, tout événement qui se produit était nécessaire et ne pouvait être évité.


Prenons un exemple : je décide de sortir de chez moi, une brique poussée par le vent me tombe dessus et me tue.

On a l’impression ici qu’on a affaire à un phénomène où se mêlent ma volonté (c’est moi qui décide de sortir) et le hasard.

Pour un déterministe, c’est le contraire : il n’y a là ni libre arbitre, ni hasard, mais simplement une chaîne de causes, une succession de causes et d’effets qui s’enchaînent avec une nécessité implacable.

Ainsi je ne suis pas sorti sans raison : je devais aller rembourser un ami. Cette action est donc expliquée par une cause (et non par mon libre-arbitre). Celle-ci a elle-même une cause : je dois le rembourser car je lui avais emprunté de l’argent pour m’acheter un livre. Et ainsi, on remonte la chaîne des causes à l’infini :

Effet : Cause :

je voulais m’acheter ce livre car un ami m’en avait parlé,

il m’en a parlé car on est allé boire un verre la semaine dernière

on a bu un verre car il m’a fixé un rendez-vous par téléphone

etc.


D’un autre côté, la brique n’est pas tombée par hasard du toit. Elle est tombée parce qu’un ouvrier l’avait laissée là. Cette cause a elle-même une cause (des travaux sont en train d’être faits pour isoler le toit), qui a elle-même une cause (une précédente tempête a détérioré le toit), etc.

Elle est tombée aussi parce qu’il y a eu un coup de vent, événement qui a une cause (dépression au large de l’Irlande) qui a lui-même une cause (mouvement des masses d’air dans telle région du monde), etc.


Bref, on le voit, à partir de cet exemple : pour le déterminisme, il n’y a pas de libre-arbitre, donc pas de liberté. Nous ne sommes pas libres, mais nous sommes simplement le jouet d’une chaîne de causes, et nous ne pouvons empêcher aucun événement.


Ce qui est au fondement de notre action, pour un déterministe, ce n’est jamais notre volonté, mais une cause, qui nous détermine secrètement à agir.


Voici comment Marc Aurèle, un stoïcien déterministe résume cela :

Quoi que ce soit qui t’arrive, cela t’était préparé de toute éternité, et l’enchaînement des causes avait filé ensemble pour toujours et ta substance et cet accident.

Il faut aimer ce qui t’arrive […] parce que cela était fait pour toi, te correspondait et survenait en quelque sorte à toi, d’en haut, de la chaîne des plus antiques causes .

Ou encore : Quoi que ce soit qui t’arrive, cela t’était préparé de toute éternité, et l’enchaînement des causes avait filé ensemble pour toujours et ta substance et cet accident.


On peut penser comme le déterministe que des causes extérieures sont au fondement de nos actions. Mais il est possible également que ces causes soient intérieures, dans l’esprit même de l’homme.

L’homme a-t-il sur ses pensées un pouvoir absolu ? Pense-t-il ce qu’il veut penser ? Ou ses pensées sont-elles influencées par des éléments inconscients, sur lesquels par définition, il n’a pas de pouvoir ? L’inconscient ne vient-il pas remettre en question la liberté de l’homme ?

C’est ce que pense Freud, comme nous allons le voir.

Freud et l’inconscient

On sait que pour Freud, l’homme n’est pas un être purement rationnel. Les pensées de l’homme ne procèdent pas de sa seule Raison. Il porte en lui une part d’irrationnel : l’inconscient.

Certaines représentations sont en effet trop choquantes (parce qu’immorales) pour qu’elles lui parviennent à la conscience. Freud prend l’exemple du complexe d’Œdipe, qui amène le petit enfant à vouloir s’unir avec sa mère et souhaiter la disparition du père. De telles images sont trop perturbantes pour que l’esprit les laisse accéder à la conscience. Le surmoi exerce une censure, en refoulant ces images choquantes, afin de préserver l’esprit.


Mais Freud soutient aussi l’idée que ces représentations parviendraient de temps en temps à franchir la barrière de la censure, pour venir de manière déguisée, affecter celui-ci : cela se produit dans les rêves, les lapsus, ou certains comportements névrotiques.

C’est là le schéma général que présente Freud, dans l’ensemble de ses travaux. Dans la seconde topique, il résume cela en dressant la cartographie suivante : le « ça » représente l’ensemble des représentations perturbantes, dangereuses pour la santé mentale, en raison de leur caractère angoissant ou amoral. Le « surmoi » représente l’ensemble des règles morales, à l’origine de la censure des représentations du « ça », les empêchant d’accéder au « moi ».

Puisque ces désirs et représentations du ça sont refoulés, ils ne parviennent pas à la conscience. Ils sont inconscients. Pourtant, ils franchissent parfois la barrière de la censure, en se modifiant de manière à tromper la barrière que constitue le surmoi.

Ils déterminent alors sans qu’on s’en doute certaines de nos actions. Les névroses en sont des exemples.


On voit alors en quoi cela remet en cause notre liberté : certaines actions du moi rationnel ne sont pas l’expression de sa volonté, mais sont déterminées secrètement et sans qu’on s’en doute par des éléments inconscients.

Freud résume cela en disant que le moi n’est pas maître dans sa propre maison :

« Dans certaines maladies et, de fait, justement dans les névroses, que nous étudions [...] le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi. [...]

C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison. (Essais de psychanalyse appliquée)

C’est pourquoi la psychanalyse représente, après les humiliations infligées par Copernic (la terre n’est pas le centre de l’univers) ou Darwin (l’homme descend de l’animal) une troisième blessure narcissique :

Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. (Introduction à la psychanalyse)

On le voit : l’hypothèse de l’inconscient remet en cause l’idée même de liberté. Si le principe des actions n’est plus la seule volonté rationnelle du Moi, mais des motifs inconscients qui nous déterminent secrètement, alors nos actions ne sont plus effectuées librement.

Conclusion

On voit donc que la liberté humaine n’est qu’une illusion car l’action de l’homme est déterminée par une chaîne de causes et d’effets extérieurs qui sont au fondement de son action. D’autre part, l’homme est déterminé depuis l’intérieur même de son esprit par des éléments inconscients. On peut pourtant imaginer que l’homme reste libre d’un point de vue moral, d’accepter son sort (auquel cas il sera heureux) ou de résister contre celui-ci (ce qui le rendra malheureux puisque ce sera inutile).