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Tableau représentant Louis Pasteur

Notion : la science

La raison et le réel

Ce cours sur la science vous aidera à préparer l'épreuve de philosophie du bac.

Au programme : l' expérience de Galilée du haut de la Tour de Pise, la notion d'expérience cruciale, le critère de falsifiabilité de Popper...


Sujet possible : Une théorie scientifique peut-elle être prouvée par une expérience ?

Le succès de la méthode expérimentale – Galilée

Lorsque Galilée monte au sommet de la Tour de Pise, c’est pour réaliser une expérience, afin de vérifier l’une de ses théories. Intuitivement, on croit qu’un corps léger tombe moins vite qu’un corps lourd. L’idée de Galilée, c’est qu’une bille légère tombera aussi vite qu’une boule beaucoup plus lourde.

L’expérience vérifie sa théorie : les corps arrivent au sol en même temps, quel que soit leur poids.


Même si l’expérience de la Tour de Pise n’a probablement jamais été réalisée par Galilée, et relève plutôt du mythe qui entoure ce personnage, elle est significative d’un phénomène essentiel : la science moderne commence lorsqu’on organise des expériences, pour vérifier les théories formulées par le savant ou le laboratoire.

Auparavant, le modèle était tout autre : des disciplines telles que l’alchimie ou l’astrologie ne se fondent sur aucune expérience.

La métaphysique, la « reine des sciences », et qui prend pour objet d’étude Dieu, l’âme, l’infini, etc. fonde sa supériorité sur celle de ses objets, et non sur la certitude épistémologique de ses résultats. En effet, aucune expérience ne peut prouver ses résultats, puisque ses objets d’étude dépassent précisément toute expérience possible. On ne peut organiser aucune expérience sur l’âme ou sur Dieu.


Avec Galilée commence donc une ère nouvelle, qui s’imposera peu à peu dans l’ensemble des sciences : l’ère de la méthode expérimentale. On émet une hypothèse, et on organise des expériences, afin de la confirmer ou de l’invalider.

C’est l’organisation d’expériences qui constitue une science en tant que telle. Une discipline qui se contenterait d’affirmer des théories sans les vérifier expérimentalement ne serait pas une science, ne constituerait pas une connaissance, mais relèverait de l’opinion ou de la croyance.

Tel est d’ailleurs selon Kant, le cas de la métaphysique, qui perd avec l’avènement de la science moderne son statut de « reine des sciences », ainsi qu’il le constate dans la Critique de la Raison pure.

La difficulté d’organiser une expérience cruciale

Une expérience cruciale est une expérience qui permet à elle seule de vérifier ou d’invalider une théorie. Elle est suffisante pour juger de la vérité ou de la fausseté de l’hypothèse examinée.

L’expérience de Galilée que nous venons de décrire, par exemple, est une expérience cruciale. Si la boule plus lourde tombait plus vite que la bille légère, l’hypothèse de Galilée sur la gravité aurait définitivement été éliminée.

Néanmoins, on peut se demander si une expérience cruciale est réellement possible. Ainsi que Duhem l’a montré dans la Théorie physique, une hypothèse ne peut être testée isolément. Elle repose sur un ensemble d’hypothèses, ensemble qui constitue la théorie scientifique, comprise comme un tout global dont on ne peut isoler une partie pour la tester séparément.

De ce fait, lorsqu’une expérience invalide une hypothèse, celle-ci ne peut être rejetée car on ne sait quelle hypothèse exacte est invalidée. Il peut s’agir d’une autre hypothèse liée à la première, et incluse dans la théorie scientifique dans son ensemble, qui sous-tend l’hypothèse examinée.

De même on n’est jamais sûr qu’une hypothèse testée est confirmée par une expérience. Il se peut que ce soit une hypothèse annexe et liée à la première qui soit confirmée.

De ce fait, une théorie scientifique ne peut jamais réellement être prouvée (ou infirmée) par une expérience. Cela vient remettre en question l’utilité de l’expérience, en tant qu’outil épistémologique.

L’expérience comme gage de scientificité - Popper

Si Popper admet qu’aucune expérience ne peut confirmer une théorie, il soutient tout de même qu’elle peut réfuter une hypothèse.

C’est précisément cela qui fait le caractère scientifique d’une théorie : son caractère réfutable. Cet apparent paradoxe peut être aisément compris, si on cherche ce qui distingue une théorie scientifique d’une théorie non-scientifique, comme l’astrologie.

Les propositions d’un astrologue ne peuvent pas être réfutées. Elles sont si vagues qu’aucune expérience ne peut être utilisée pour montrer leur fausseté. A l’inverse, une théorie scientifique décrit elle-même les conditions exactes d’une expérience qui pourrait la réfuter. Un physicien, lorsqu’il formule une hypothèse, précise : si l’on fait telle ou telle mesure, et que l’on trouve tel nombre, alors mon hypothèse sera fausse.

Voici quelque chose que ne peut faire un astrologue, qui se targue au contraire d’avoir toujours raison et qui ne peut imaginer une expérience qui le mettrait en défaut.

C’est ce que Popper appelle le critère de falsifiabilité.

Un énoncé est falsifiable si la logique autorise l’existence d’un énoncé ou d’une série d’énoncés d’observation qui lui sont contradictoires, c’est-à-dire, qui la falsifieraient s’ils se révélaient vrais (Qu’est-ce que la science ?).

Ou encore : Ceux parmi nous qui refusent d’exposer leurs idées au risque de la réfutation ne prennent pas part au jeu scientifique (la Logique de la découverte scientifique).

Popper vise explicitement la psychanalyse ou le marxisme. Ces deux doctrines court-circuitent toute réfutation possible. Le marxiste traitera de « bourgeois » celui qui critique son système, tandis que le psychanalyste dira que son adversaire a un problème de « déni » ou de « refoulement ».

Le scientifique doit au contraire essayer d’organiser le maximum d’expériences possibles pour réfuter sa propre théorie. Voici l’état d’esprit authentique du chercheur.

On voit donc qu’aucune théorie ne peut être confirmée définitivement par une expérience. En revanche, elle peut être réfutée, et c’est cela qui permet le progrès scientifique.

Le modèle de la démonstration : logique et mathématique

Si la méthode expérimentale est une approche épistémologique très efficace, il ne faut pas oublier que certaines sciences se sont constituées en tant que telles sans recourir à celle-ci.

Les mathématiques, par exemple, ne recourent pas à l’expérience pour prouver la vérité d’un théorème.

La démonstration géométrique met en place un appareil argumentatif tout à fait différent, qui repose sur l’utilisation de définitions, d’axiomes, et de propositions déduites les unes des autres.

Les mathématiques sont une science a priori (indépendante de l’expérience). Le géomètre n’utilise éventuellement l’expérience (en traçant un cercle par exemple) qu’à des fins d’illustration. Il travaille d’ailleurs sur des objets mathématiques qui ne se rencontrent dans aucune expérience (le cercle parfait n’existe pas dans le monde réel).

Cette méthode a été pour la première fois conceptualisée par Euclide, dans ses Eléments :

Définitions

1. Un point est ce dont il n’y a aucune partie
2. Une ligne est une longueur sans largeur
3. Les limites d’une ligne sont des points […]

Demandes [ou postulats]

1. Qu’il soit demandé de mener une ligne droite de tout point à tout point
2. Et de prolonger continûment en ligne droite une ligne droite limitée.
3. Et de décrire un cercle à partir de tout centre et au moyen de tout intervalle.
4. Et que tous les angles droits soient égaux entre eux. […]

Notions communes [ou axiomes]

1. Les choses égales à une même chose sont égales entre elles.
2. Et si, à des choses égales, des choses égales sont ajoutées, les touts sont égaux.
3. Et si, à partir de choses égales, des choses égales sont retranchées, les restes sont égaux.
4. Et si, à des choses inégales, des choses égales sont ajoutées, les touts sont inégaux.
8. Et le tout est plus grand que la partie. […]

Proposition 32

Dans tout triangle, un des côtés étant prolongé, l’angle extérieur est égal aux deux angles intérieurs et opposés, et les trois angles intérieurs du triangle sont égaux à deux droits.

On le voit : la démonstration mathématique parvient, sans l’aide d’aucune expérience, à mettre au jour des vérités nécessaires. Ces vérités sont obtenues de manière totalement a priori.

La logique est un autre exemple de science purement rationnelle, dans laquelle n’intervient aucune expérience. En effet, la logique fait abstraction du contenu des propositions, pour ne se soucier que de la validité de leur enchaînement : elle ne s’intéresse qu’à la vérité formelle (voir cours sur la démonstration).

Ainsi, un raisonnement comme celui-ci est tout à fait conforme du point de vue logique :

Un homme est un chat
Or un chat est un chien
Donc un chien est un homme

On remarque donc que plusieurs disciplines se sont constituées sans aucun rapport à l’expérience, et la certitude de leurs résultats est beaucoup plus assurée que celle qu’on rencontre dans les sciences empiriques.

Pourquoi ? Parce que l’expérience ne peut fonder aucune loi nécessaire, ainsi que l’a montré Hume dans le Traité de la nature humaine. Une expérience montre qu’un phénomène s’est produit ici et maintenant, mais ne peut nous assurer qu’il se reproduira demain. Chaque matin, j’ai vu le soleil se lever, mais je ne peux en déduire qu’il se lèvera demain, ou pour l’éternité. Jusqu’à présent, tous les cygnes que j’ai vu étaient blancs, mais je ne peux en déduire la loi nécessaire : tous les cygnes sont blancs. Je suis toujours à la merci d’une expérience qui me montrerait le contraire. On a d’ailleurs découvert une variété de cygnes noirs.