

Résumé de la Philosophie du non (page 3)
On peut comprendre la différence entre les deux formes de rationalisme (simple et dialectique) en comprenant que si le premier correspond à une philosophie du « comme si », le rationalisme dialectique ou surrationalisme correspond à une philosophie du « pourquoi pas » : pourquoi la masse ne serait-elle pas négative ? C’est ici que naît le rêve scientifique : à quoi peut correspondre une masse négative ?
Bachelard peut à présent expliciter plus en détail à quoi correspond la « philosophie du non ». Il s’agit d’une action polémique incessante de la raison, qui maintient en discussion les résultats acquis. C’est celle-ci qui amène l’esprit à adopter puis rejeter les différentes approches épistémologiques décrites plus haut, afin de progresser dans notre compréhension d’un concept.
La philosophie du non est donc essentiellement constructive, à l’inverse de ce que son nom pourrait laisser suggérer : La philosophie du non n’est pas une volonté de négation
1. Elle ne contredit pas sans preuve, ne fuit pas toute règle, n’accepte pas la contradiction interne, ne nie pas n’importe quoi, n’importe quand ni n’importe comment.
Elle se distingue de la dialectique hégélienne, en ce qu’elle est expérimentale, tandis que le dépassement hégélien reste pris pour Bachelard dans l’a priori.
Le surrationalisme renouvelle profondément notre compréhension du monde :
Un seul axiome dialectisé suffit pour faire chanter toute la nature.
Le surrationalisme détermine en quelque manière un surobjet -qui est le résultat d’une objectivation critique, d’une objectivité qui ne retient de l’objet que ce qu’elle a critiqué
.
Un exemple de surobjet est l’atome, tel qu’il apparaît dans la microphysique contemporaine.
On remarque que comme le progrès s’élève de l’animisme au rationalisme dialectique, l’intuition immédiate n’est pas source de vérité, mais source d’erreurs, destinées à être corrigées : Les intuitions sont très utiles : elles servent à être détruites
.
Ou encore : En toutes circonstances, l’immédiat doit céder le pas au construit
.
Bachelard rétablit les rapports entre science et raison. Les philosophes pourraient en effet être tentés (et c’est souvent ce qu’on retrouve dans leurs doctrines épistémologiques) d’indiquer comment devrait procéder la science. Ce, à partir de leur conception métaphysique du monde.
Pour Bachelard, c’est le contraire qu’il faut faire : La science instruit la raison. La raison doit obéir à la science, à la science la plus évoluée, la science évoluante
. Il faut éviter ce réflexe que peut avoir l’auteur d’un système philosophique, d’écarter une expérience qui ne s’accorde pas avec ce système, souvent édifié a priori : La raison n’a pas le droit de majorer une expérience immédiate ; elle doit se mettre au contraire en équilibre avec l’expérience la plus richement structurée
.
Ainsi si l’arithmétique se révélait contradictoire, on n’abandonnerait pas cette discipline, car elle est trop utile, et a fourni trop de preuves d’exactitude. On réformerait notre raison, c’est-à-dire qu’on élaborerait une conception épistémologique qui permette et inclut la contradiction.
En fait, l’arithmétique n’est pas fondée sur la raison. C’est la doctrine de la raison qui est fondée sur l’arithmétique élémentaire
. L’esprit doit se plier aux conditions du savoir, et non l’inverse.
Ainsi la philosophie des sciences doit être à l’écoute des sciences, et de leur progrès, et non chercher à les orienter à partir d’une conception élaborée a priori :
La raison doit obéir à la science. La géométrie, la physique, l’arithmétique, sont des sciences ; la doctrine traditionnelle d’une raison absolue et immuable n’est qu’une philosophie. C’est une philosophie périmée.
1 Les références exactes des citations sont disponibles dans le livre Philosophie 2.0