Résumé du traité De l'âme (page 2)
D’autre part si l’âme a un mouvement naturel, elle doit aussi avoir un lieu naturel.
Cette notion de « lieu naturel », forgée par Aristote, peut être expliquée de la sorte : chaque élément a selon lui un lieu naturel vers lequel il tend et où il trouve son repos.
Pour la terre c’est le bas (le centre de l’univers), pour le feu le haut (la périphérie de l’univers), pour l’eau et l’air les espaces intermédiaires. Or en fait, il ne reste aucun lieu naturel pour l’âme.
En effet, si elle se meut vers le haut, l’âme sera feu, et si c’est vers le bas, elle sera terre
1 (ce qui est absurde).
Si l’âme pouvait bouger il serait possible qu’elle s’éloigne du corps et qu’elle y rentre, il en résulterait que les animaux morts pourraient ressusciter
2. Cette notion de résurrection, toute chrétienne, est une idée étrangère aux Anciens.
L’âme ne peut donc se mouvoir. Mais Aristote va plus loin, en montrant qu’elle ne peut mouvoir le corps.
Selon Démocrite, l’âme meut le corps parce qu’elle possède des mouvements spatiaux qui correspondent en tout point à ceux du corps. Pour Aristote, ce n’est pas de cette façon que l’âme meut l’animal ; c’est en réalité par un certain choix et une certaine pensée
3.
Ce n’est pas l’âme qui meut le corps mais ce qu’il désire, la forme parfaite vers laquelle il tend en vertu de son essence : le désirable. Une fois atteint, l’animal reste immobile, comme un corps physique qui a atteint son lieu naturel.
On peut de ce fait rejeter la psychogonie de Platon, exposée dans le Timée : le Monde a une âme et les révolutions du Ciel sont les mouvements mêmes de l’âme
4.
Enfin, la pensée semble être plus un repos et un arrêt qu’un mouvement. L'âme n'est donc pas un mouvement, et n'est pas en mouvement.
Aristote se concentre alors sur un autre problème : quels sont les liens entre un corps et une âme ? Une âme peut-elle appartenir à n’importe quel corps ?
Il convient alors d’examiner la doctrine pythagoricienne de l’âme-harmonie (que l’on trouvera exposée en détail par Platon dans le Phédon). Selon les pythagoriciens, le corps est une composition de contraires dont la résultante est l’âme ; donc l’âme est une harmonie.
Un peu comme une note, immatérielle, est produite par les cordes matérielles d’une guitare, l’âme est le produit immatériel du corps.
Mais Aristote montre que c’est la santé, plutôt que l’âme, qu’il convient de nommer harmonie (la santé étant un équilibre corporel froid/chaud). De plus s’il est facile d’appeler l’âme en général une harmonie, il est plus difficile d’apporter des précisions : quelles harmonies constituent par exemple la sensation, l’amour ou la haine ? De quelles parties du corps est-elle la proportion ?
Il conclut :
Qu’ainsi l’âme ne puisse ni être une harmonie, ni se mouvoir circulairement, cela est évident d’après ce que nous avons dit 5.
Les émotions (joie, tristesse…) ne sont pas des mouvements, mais des actes de l’âme.
Il reste à examiner si l’on peut affirmer, comme Empédocle, que l’âme est composée d’éléments. Aristote vise au contraire à défendre l’idée de l’unité de l’âme. Ce n’est pas un composé.
L’idée d’Empédocle repose sur l’argument selon lequel seul le semblable peut connaître le semblable. L’âme doit donc être composée d’éléments pour connaître les choses (qui sont des composés d’éléments).
Aristote montre l’absurdité de cette idée : pour parvenir à la compréhension de ce qu’est une pierre, il faudrait que l’âme soit elle-même pierre.
D’ailleurs chez Empédocle le plus ignorant des êtres, c’est Dieu, car il est le seul à ne pas connaître l’un des éléments, la Haine, tandis que les êtres mortels qui sont composés de tous les éléments le connaîtront tous
6.
Les différentes opérations de l’âme (connaissance, sensation, désir…) ne remettent pas en cause son unité. Ce ne sont pas différentes parties de l’âme mais différents actes d’une même âme.
1 I, 3, 406a, p.29
2 ibid., 406b, p.30
3 ibid., p.32
4 ibid., 407a, p.33
5 I, 4, 408a, p.43
6 I,5, 410b, p.57