Résumé : De l'âme
AristoteDe l’âme est un traité d’Aristote qui représente l’un des premiers ouvrages de psychologie et de théorie de la connaissance.
Qu’est-ce que l’âme ? Est-elle immortelle ? Quels sont ses rapports avec le corps ?
Aristote commence par exposer de manière critique les théories de ses prédécesseurs, des présocratiques à Platon, puis propose ses propres conceptions.
Du même auteur : la Métaphysique l'Ethique à Nicomaque la Physique la Poétique
Livre I
Toute connaissance est admirable, mais il y a des connaissances supérieures à d’autres, soit en raison de leur exactitude
, soit parce qu’elles traitent d’objets d’une valeur supérieure et plus dignes d’admiration
1.
L’étude de l’âme occupe pour ces deux raisons une place élevée dans la hiérarchie des sciences.
De plus, les vérités découvertes dans une telle étude sont utiles pour la science de la nature, puisque l’âme est en somme le principe des animaux
2. La psychologie est une branche de la physique.
Le but de l’ouvrage est de connaître la nature et les propriétés de l’âme.
Comment caractériser ontologiquement l’âme ? Celle-ci est-elle une substance, une qualité, une quantité, ou encore une autre catégorie ? Est-elle en puissance ou en entéléchie ? Divisible ou indivisible, sans partie ? Peut-on dire que l’âme du cheval est la même que celle de l’homme, ou chaque espèce a-t-elle un genre d’âme différent ?
L’âme est-elle immortelle ? Aristote propose un argument pour commencer à répondre à la question : si l’âme a une fonction qui lui est propre, et qui reste indépendante du corps, alors elle est immortelle. Si tel n’est pas le cas, l’âme ne pourra pas subsister indépendamment du corps.
La pensée est l’opération qui semble propre à l’homme ; mais si celle-ci n’est qu’une espèce d’imagination, elle est liée au corps de façon irrémédiable, car l’imagination suppose la sensation et par suite le corps.
Toutes les affections de l’âme (ce qu’elle subit) sont données avec un corps
3. Aristote prend l’exemple du courage ou de la douceur. S’il en est ainsi, alors les affections sont des formes engagées dans la matière
et l’étude de l’âme relève du physicien
4.
On pourra alors expliquer les phénomènes psychologiques en dialecticien ou en physicien, selon qu’on prenne en considération la forme ou la matière de l’affection considérée. Le dialecticien expliquera la colère par le désir de rendre l’offense, par exemple, tandis que le physicien dira qu’il s’agit d’une ébullition du sang qui entoure le cœur.
S’il existe des propriétés de l’âme qui ne dépendent ni du corps ni de la matière, elles sont l’objet d’étude du métaphysicien.
Aristote, comme à son habitude, que l'on retrouve par exemple dans la Physique, commence par rappeler l’historique des doctrines sur l’âme formulées par ses prédécesseurs (les présocratiques et Platon).
La plupart semblent s’accorder sur un point : l’âme est animée. Or l’animé diffère de l’inanimé par deux caractères : le mouvement et la sensation.
Le mouvement semble en effet appartenir à l’âme de l’avis de ces philosophes, et beaucoup (Démocrite, Leucippe, certains pythagoriciens, Anaxagore) disent que l’âme est par excellence et primordialement le moteur
5. L’âme meut les choses, et en premier lieu le corps, et se meut elle-même, ce pourquoi Démocrite l’assimilait à une sorte de feu ou de chaleur
6, tandis qu’Anaxagore soutenait que l’intelligence a imprimé le mouvement à l’univers
7.
Xénocrate lui la définissait comme un nombre qui se meut lui-même
8, tandis qu’Héraclite affirmait que c’est parce que l’âme est mouvement qu’elle peut connaître les choses, qui sont dans un flux perpétuel (le mû est connu par le mû).
Pourtant, cette unanimité n’empêche pas Aristote de critiquer cette théorie. Il refuse absolument que le mouvement puisse appartenir à l’âme. Pour lui l’animal se décompose en un mobile, le corps, et un moteur, l’âme, qui est immobile.
Aristote expose ici des théories développées dans un autre ouvrage, la Physique.
Tout d’abord le moteur n’est pas nécessairement mû lui-même : rappelons-nous sa célèbre définition de l’intellect agent -qui a créé le monde- comme d’un moteur immobile.
Ensuite, tout mobile peut se mouvoir par lui-même, ou par autre chose (autrement dit, par accident, comme les matelots qui bougent en même temps que leur navire).
Enfin, il rappelle les quatre espèces de mouvements identifiés dans la Physique : translation, altération, diminution et accroissement.
Or aucun de ces mouvements ne peut appartenir à l’âme. En effet, chacun de ces types de mouvement se produisent dans un lieu, donc si l’âme est mue, cela signifierait qu’elle se trouve dans un lieu, ce qui pour Aristote semble impossible.
1 De l’Ame, Vrin, trad. J. Tricot, Paris, 1988, I,1, 402a, p.1
2 ibid., p.2
3 ibid., 403a, p.9
4 ibid., p.10
5 I,2, 403b, p.14
6 ibid., 404a, p.14
7 ibid., 405a, p.22
8 ibid., 404b, p.20