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couverture du livre

La Philosophie des sciences



C’est au XIXème siècle que le terme de « philosophie des sciences » apparaît, sous la plume du célèbre physicien et chimiste André-Marie Ampère. Après un divorce de plusieurs siècles, la philosophie et la science se retrouvent, dans cette nouvelle discipline pleine de promesses.

Deux siècles plus tard, il est temps de regarder en arrière et faire un bilan du chemin parcouru. C’est là l’objet de l’ouvrage de Dominique Lecourt…



Dans cet ouvrage, édité aux PUF, le lecteur découvrira les plus grandes figures de cette spécialité : d’Auguste Comte, le père du positivisme, au Cercle de Vienne, Schlick, Neurath et bien d’autres, jusqu’à ouvrir sur les orientations actuelles avec les enjeux du Big Data.

L’auteur retrace par une étude comparative les connections conceptuelles entre ces grands penseurs, leurs proximités et leurs divergences.

Aux origines

Tout d’abord, dans les premiers chapitres de l’ouvrage, l’auteur présente dans une logique chronologique la philosophie d’Auguste Comte, cette vision conquérante d’une marche progressive de l’esprit humain prenant la forme d’une grande loi fondamentale passant par trois états successifs : théologique, métaphysique puis scientifique ou positif. 1

Ensuite, Dominique Lecourt évoque l’importance de l’apport d’Ernest Mach et sa preuve physiologique d’une thèse philosophique 2. Celui-ci, parfois présenté à tort comme un simple maillon entre positivismes classique et logique, peut être en réalité considéré comme l’un des pères de la philosophie des sciences.

C’est grâce à son ouvrage sur la mécanique, exposé historique et critique de son développement que Mach est propulsé à la tête d’une chaire de philosophie des sciences inductives. L’auteur insiste sur l’originalité de son analyse qui combine les liens entre philosophie, psychologie et histoire dans la construction des concepts de la mécanique classique, développant ainsi un évolutionnisme cognitif.


Bien sûr, après vient le Cercle de Vienne, désireux d’une philosophie scientifique.

L’évocation de ce mouvement est l’occasion de dissiper un autre malentendu, celui de la relation de Wittgenstein avec ce cercle de savants et de philosophes et de traiter du rapport au langage.

Pour les membres du cercle, les trois représentants de la conception scientifique du monde sont Albert Einstein, Bertrand Russell et Ludwig Wittgenstein. Ils se revendiquent entre autre dans la lignée du Tractatus de ce dernier. Mais Wittgenstein rejette ce courant positiviste logique, y trouvant une mauvaise compréhension de sa pensée…

Puis, l’éternel retour du problème de l’induction est posé. Pour le traiter, Dominique Lecourt écrit sur les auteurs incontournables que sont Hume et Russell.


Soulever la question de la logique renvoie à celle de la méthode. Alors, de nouveaux axes de réflexions voient le jour en philosophie des sciences et avec eux des noms restés célèbres, même pour les non- spécialistes.

Seconde moitié du XXème siècle

Ainsi, d’autres monuments du patrimoine de la pensée sont cités, comme Popper et ses idées de la falsifiabilité et de la réfutabilité, Canguilhem, Kuhn, Lakanos, Feyerabend, Hanson, Toulmin ou encore le physicaliste Carnap et Goodman avec ses fameuses émeraudes vleues.

Les figures de Lakanos et Feyerabend sont associées à ce questionnement de la méthodologie, Kuhn à ceux de la révolution scientifique, au paradigme et à la discontinuité, avec l’intégration du paramètre sociologique, Hanson et Toulmin à celui de l’exigence historique et Hempel à celui de la confirmation.

Bien sûr, le lecteur retrouvera aussi le célèbre Bachelard, notamment avec sa réflexion sur l’expérimentation. Il apprendra que l’épistémologue historique et penseur de la philosophie du non est aussi poète et penseur du temps. Sur le terrain de l’inconscient, les présupposés qui animent les chercheurs sont aussi analysés par le philosophe contemporain, Gérard Holton.


Dans ce tableau complet, figure aussi le constructiviste Jean Piaget. Le fondateur de l’épistémologie génétique étudie les modes de construction des concepts et l’apparition des structures opératoires 3. Ne serait-ce pas l’aube d’une forme de philosophie de la cognition ?

L’un des derniers courants évoqués, et aussi l’un des derniers apparus, est celui de la philosophie de la biologie. Elle est principalement incarnée par Georges Canguilhem qui s’intéresse notamment à l’aspect pédagogique de la science et traite du vitalisme, et François Dagognet, héritier à la fois de Bachelard et Canguilhem.

Auteurs récents

Pour finir, Dominique Lecourt examine la philosophie des physiciens de la révolution du début du XXème siècle, jusqu’aux travaux de contemporains comme Ian Hacking.

Ce philosophe, s’interrogeant sur les conceptions scientifiques et leurs évolutions, mentionne par exemple l’observation des régularités en science avec la classification d’effets (effets Compton, Zeeman et autres).


La philosophie de la physique n’est pas la seule à être étudiée. La philosophie de la biologie a également la part belle avec l’avènement des neurosciences et des biotechnologies. De nouvelles discussions sont lancées, en particulier par Monod, avec son livre Le Hasard et la Nécessité, Changeux et celui sur L’homme neuronal, ou encore Illian Prigogine et son ouvrage La nouvelle alliance, écrit conjointement avec Isabelle Stengers.

De nombreux autres auteurs d’envergure sont aussi cités par Lecourt comme Jean-Didier Vincent, Gérard Edelman, Alain Prochiantz, et l’émergence de nouvelles disciplines, comme l’ontogénèse et l’épigénétique, est abordée.


Enfin, face aux enjeux des évolutions de la pensée et de la société, le philosophe naturaliste radical, Henry David Thoreau est également évoqué. Dans un climat de catastrophes industrielles et écologiques et un consumérisme ravageur, Thoreau interroge la notion de progrès et propose un courant de décroissance économique comme seule issue. Ce retour à un penseur du XIXème siècle vient jeter une lueur singulière sur notre époque.

Conclusion

Ainsi, dans ce tableau sur la philosophie des sciences, les différents acteurs et courants de pensée sont répertoriés. Cette philosophie écrit son histoire avec les évolutions de la connaissance et de celle de sa pensée sur elle-même car la science crée de la philosophie 4.

Alors, cet ouvrage, fluide et riche en informations, pour apprendre ou revoir les fondamentaux de la discipline est un essentiel.

Auteur de l'article :

Aurore Poret est doctorante en philosophie des sciences à l’université Paris Diderot



1 p.18
2 p.28
3 p.103
4 p.96