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couverture du livre

De l’identité juridique de la femme

Au regard du droit, il n’y a ni homme ni femme, simplement des « sujets de droit », soumis aux mêmes lois, en vertu du principe d’égalité des sexes.
Une société juste peut-elle s’établir sur un tel égalitarisme ? Dans un tel modèle, les droits des femmes peuvent-ils être garantis ? Ou le droit doit-il reconnaître quelque chose comme une identité juridique de la femme, qui viendrait renforcer la protection juridique de celle-ci ?


Généricisme et égalité des sexes

De nombreux courants féministes se sont appuyés, dans leur combat pour l’amélioration de la condition féminine, sur le principe de l’égalité des sexes. Quoi de plus logique, en apparence, pour sortir de l’antique patriarcat, de la domination masculine ? Pour revendiquer l’égalité des salaires (« à fonction égale, salaire égal »), etc.

Le problème est que l’égalitarisme finit par trouver ses limites, et se renverser en son contraire : il vient freiner la libération de la femme.

Il représente en effet une forme de généricisme : il ne reconnaît que le genre humain, et nie les différences sexuelles, qui existent pourtant réellement. De ce fait, la femme est en quelque sorte dé-sexualisée, ou encore n’apparaît que comme un homme parmi les autres, et n’est pas reconnue dans sa spécificité. Dans ce cadre, la femme est juridiquement aliénée car son statut est calqué sur celui de l’homme 1.

C’est ce qui apparaît dans la notion de « personnalité juridique », statut « unisexe » sur lequel se constitue le droit, dans laquelle n’entre aucune différenciation, aucune détermination, en un universalisme abstrait.

Cette approche mène à des contradictions, dont voici un exemple privilégié : le droit ne reconnaît pas la femme en tant que telle, mais va accorder des protections juridiques à la femme enceinte, dans certaines situations. Or avant d’être enceinte, celle-ci est… une femme. Comment donc est-il possible de reconnaître l’une et non l’autre ? D’autre part, cela mène alors au contraire du but recherché (l’égalité homme-femme), puisque la femme n’est valorisée que lorsqu’elle devient mère, comme dans l’antique domination patriarcale.


On le voit, il convient de penser un nouvel universalisme, qui intègrerait les différences, au lieu de les nier, une union de l’universel et du singulier qu’Elise Farine appelle, en un néologisme heureux, le « sing-universalisme ».

Un nouvel universalisme

Pour penser cette nouvelle forme d’universalisme, sur laquelle pourrait s’édifier un droit qui reconnaisse la différence entre l’homme et la femme, et confère à cette dernière une protection juridique spécifique, il convient d’opérer un profond travail de clarification, afin d’éviter les confusions.

Ainsi l’auteure examine (et rejette) des doctrines qui, elles aussi, nient ou relativisent la différence biologique homme-femme, telles que la théorie du genre :

La théorie du genre, en généricisant les sexes, en rendant les êtres mêmes, semblables, pense rendre service à la femme en affirmant comme injustes les inégalités entre les sexes découlant de leur environnement, mais en réalité elle nie l’essence même de la femme, ce qui la rend biologiquement et ontologiquement différente de l’homme » 2.

Pour la même raison, elle écarte la notion de condition féminine telle qu’elle est théorisée par Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe.

A l’inverse, elle considère avec intérêt des approches qui défendent l’expression de la singularité féminine telles que la sociobiologie, la féminologie ou l’empowerment.


Cela mène, en réalité, à réinterroger les principes que l’on trouve à la source même du droit : l’égalité, l’universel, l’identité, la différence… ce qui donne à cette thèse une dimension philosophique de premier plan. Des questions aussi vertigineuses que : « qu’est-ce qui vient constituer l’identité féminine, qu’est-ce qui fait qu’une femme est une femme, au regard du droit ? » sont ici soulevées.

Cet universalisme d’un nouveau genre ne pourrait se constituer dans les sociétés traditionnelles, holistes, mais peut s’épanouir dans l’individualisme des sociétés contemporaines. Il repose sur le principe de différence, et promeut l’adoption de mesures sexospécifiques, c’est-à-dire qui s’adaptent aux spécificités féminines, sans pour autant basculer dans un identitarisme […] exacerbé par un généricisme féministe désireux de récréer la hiérarchie sexuelle au profit de la femme 3.

On parvient alors à la notion de gynilité, qui représente l’idée du sens du juste appliqué au féminin en ce qu’elle comprend réellement ce que le sexe féminin implique 4.

Conclusion

Un travail de thèse très riche en références, qui balaie, au moins de manière transversale, l’ensemble des problématiques que le féminisme contemporain peut rencontrer : essentialisme et existentialisme, discrimination positive, biologisme, mixité, etc.

C’est donc un texte à lire, clair et pédagogique, pour tous ceux qui voudraient avoir une vue d’ensemble des différents courants féministes qui s’opposent actuellement, des principaux débats qui animent ce domaine de recherche. Et pour ceux qui cherchent une alternative à l’universalisme abstrait qui fonde notre modèle républicain.


1 p.27
2 p.297
3 p.298
4 p.383