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couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 2)


Dans la célèbre préface de la Phénoménologie, Hegel propose une nouvelle définition de la vérité, qui rompt avec celle qui était traditionnellement acceptée : Le vrai est le Tout1. Qu’est-ce que cela veut dire ?

On a tendance, lorsqu’on entend deux théories opposées, à chercher laquelle des deux est vraie, en excluant qu’elles puissent l’être toutes les deux. On respecte naturellement le principe de non-contradiction, tel qu’il a été défini par Aristote dans la Métaphysique : Il est impossible qu’une seule et même chose soit, et tout à la fois ne soit pas, à une même autre chose, sous le même rapport.

Ainsi la mise en présence de doctrines opposées est vécue comme une contradiction intolérable qu’il faut résoudre au plus vite, en déterminant laquelle est vraie.


D’autre part, l’opinion commune a une conception intemporelle de la vérité : si une idée est vraie, c’est qu’elle l’est de toute éternité. Le modèle mathématique 2+2=4 en est un exemple privilégié. Voici une vérité qui le sera de tout temps.

Il n’y a pas de temporalité de la vérité, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de développement progressif, qui ferait qu’à tel moment une idée serait inadéquate, non applicable, fausse, puis qu’à un certain stade de l’Histoire celle-ci deviendrait vraie, avant de devenir, à nouveau, obsolète.


Récapitulons : l’opinion commune conçoit moins la diversité de systèmes philosophiques comme le développement progressif de la vérité qu’elle ne voit dans cette diversité la seule contradiction.

C’est précisément ce modèle que Hegel rejette, en un geste inaugural et révolutionnaire. Il introduit le devenir, (ou encore : la temporalité, l’histoire) et la contradiction au cœur même de la notion de vérité, en la définissant comme un tout.

La vérité n’est pas donnée dès le départ, mais connaît un « développement progressif » au cours duquel elle va prendre une certaine forme ; alors on peut dire qu’à ce moment de son développement, certaines théories seront vraies, d’autres fausses. Puis la vérité prendra d’autres formes, et les théories deviendront obsolètes, inadéquates à ce nouveau stade du développement, donc fausses. Une autre théorie deviendra la vérité de ce moment de l’Histoire, avant de laisser place à d’autres, etc.

De ce fait, s’il y a une vérité universelle, cela ne peut être que le Tout lui-même, c’est-à-dire l’ensemble des différentes formes successives que prend la vérité en son devenir, et non l’une d’entre elles en particulier.

On comprend donc mieux pourquoi Hegel soutient que le vrai est le Tout.


Il utilise une métaphore particulièrement parlante pour illustrer cette idée : la plante, elle aussi, connaît un développement progressif. Au départ simple bourgeon, elle s’épanouit : on voit apparaître un bouton, puis la fleur éclot, et donne un fruit. Or ce serait absurde de voir une contradiction entre le bouton et la fleur, ou entre la fleur et le fruit, de penser qu’ils se contredisent, et qu’il faut déterminer lequel des trois représente la vérité de la plante. Ce sont trois formes successives que prend la plante au cours de son développement, et l’un n’a pas plus de vérité que les autres, ou encore : chacun représente la vérité de la plante à un moment différent :

Le bouton disparaît dans l’éclatement de la floraison, et l’on pourrait dire que le bouton est réfuté par la fleur. A l’apparition du fruit également, la fleur est dénoncée comme un faux être-là de la plante, et le fruit s’introduit à la place de la fleur comme sa vérité. Ces formes ne sont pas seulement distinctes, mais encore chacune refoule l'autre, parce qu'elles sont mutuellement incompatibles. Mais en même temps leur nature fluide en fait des moments de l'unité organique dans laquelle elles ne se repoussent pas seulement, mais dans laquelle l'une est aussi nécessaire que l'autre, et cette égale nécessité constitue seule la vie du tout
.


De même, les différents systèmes philosophiques (scepticisme, stoïcisme, criticisme kantien, etc.) ne représentent pas la vérité, mais un moment du développement de celle-ci, se sont épanouis à un moment donné (par exemple la Grèce puis Rome pour le stoïcisme) avant de laisser place à d’autres systèmes philosophiques, plus adaptés au nouveau monde qui venait d’apparaitre (le monde chrétien, etc).

Ainsi ce que l’on saisit sans difficulté pour la fleur (il n’y a pas de contradiction entre ses différentes formes), on ne le conçoit pas naturellement dans le champ de la philosophie : le fait qu’il y ait plusieurs théories philosophiques pose problème, le fait qu’elles aboutissent à des conclusions contraires semble inacceptable, et on essaie de résoudre ce problème, cette contradiction, en prouvant la théorie que l’on préfère, et en réfutant les autres :

Tandis que, d’une part, la contradiction portée à un système philosophique a coutume de ne pas se concevoir elle-même de cette manière, et que d’autre part, la conscience qui appréhende celui-ci ne sait généralement pas affranchir cette contradiction de son unilatéralité ou la conserver affranchie de celle-ci, ni reconnaître dans la figure de ce qui semble conflictuel et en contrariété avec soi autant de moments mutuellement nécessaires.


Il ne faut donc pas considérer la contradiction comme un scandale, mais l’accueillir comme une caractéristique essentielle de la vérité, conçue comme un Tout en devenir, passant d’une figure successive à une autre, qui ont chacune leur légitimité à une époque donnée.

En proposant une telle redéfinition, Hegel accomplit donc ce geste révolutionnaire : l’Histoire entre dans la définition même de la vérité. Le modèle de la vérité mathématique, intemporelle parce que valable de tout temps, n’est plus adéquat.

Quelles sont les conséquences de cette irruption du Temps au cœur de la vérité ? C’est ce que nous allons à présent examiner.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie