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couverture du livre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

Résumé de la Phénoménologie de l'esprit (page 4)


Si le vrai est un Tout dont les formes se déploient l’une après l’autre dans l’Histoire, on est éloigné ici de toute forme de mysticisme, qui prétendrait saisir immédiatement la vérité absolue, par une sorte d’intuition. Ce qui n’est pas donné immédiatement, mais se développe progressivement ne peut se saisir par cette saisie immédiate de la vérité que serait l’intuition.

A celle-ci, il faut préférer le concept, qui est le vrai élément dans lequel la vérité peut se présenter, le seul qui peut assurer la scientificité du savoir qui en est issu :

La vérité […] n’a que dans le concept l’élément de son existence1.

Hegel consacre plusieurs paragraphes à dénoncer cette illusion, l’intuition mystique, qui serait savoir immédiat de l’absolu, [de la] religion, [de] l’être. Il la résume ainsi : On n’est pas censé concevoir l’absolu, mais le sentir et le contempler. Ce n’est pas le concept, mais le sentiment qu’on en a et ce qu’on en contemple qui sont censés à la fois mener les débats et être énoncés.


Si Hegel développe ici une critique de la doctrine de l’intuition, c’est que celle-ci est à la « mode » au moment où il rédige ces lignes. Il explique l’origine de cet engouement ainsi : avec la philosophie des Lumières, l’avènement de la raison et la critique de la religion qui en est issue, l’homme a perdu son lien naturel avec le monde.

Cette critique des Lumières a dissous les rapports que l’homme entretenait avec son milieu, avec l’être. L’époque qui suit, celle de Hegel, celle du romantisme allemand triomphant, constitue une sorte de réaction : par contrecoup, l’homme essaie de retrouver son lien naturel -donc immédiat- avec l’être, ou Dieu, en rejetant le concept (assimilé aux Lumières) et en privilégiant l’intuition, ce rapport immédiat.


Avec la raison, la critique des Lumières, la réflexion qu’il opère dorénavant sur le monde et sur lui-même, l’homme ne vit plus de manière naturelle, ne coïncide plus avec lui-même de manière naïve. C’est une douleur dont il est conscient et à laquelle il essaie de trouver un remède, en retrouvant son lien originel avec l’être, par l’intuition :

Non seulement sa vie essentielle est perdue pour lui, mais il est également conscient de cette perte et de la finitude qui est son contenu. Maudissant le méchant état qui est le sien, l’esprit exige maintenant de la philosophie non pas tant le savoir de ce qu’il est, que de parvenir de nouveau grâce à elle, et seulement alors, à l’instauration de cette substantialité et de cette consistance pure et solide de l’être.

L’intuition serait ce qui permettrait de réprimer le concept différenciateur, et instaurer le sentiment de l’essence.


A l’intérieur même de la philosophie, un courant philosophique se développe en ce sens : il s’agit de l’« enthousiasme », dont Jacobi est le meilleur représentant, qui soutient, contre Kant, qu’on peut avoir une connaissance directe et absolue de la chose en soi, par intuition. Une doctrine ciblée par Hegel dans les lignes suivantes :

Ce n’est pas le concept mais l’extase, pas la froide progression de la nécessité de la chose mais la fermentation de l’enthousiasme qui sont censés être la tenue et l’expansion et avancée continue de la richesse de la substance.


Du point de vue hégélien, cette doctrine n’a pas vraiment de sens. Elle consiste à voir dans l’immédiat, le naturel, la vérité la plus profonde. Mais si la vérité est, comme le pense Hegel, un développement progressif, l’immédiat n’est que le premier stade de ce développement, et donc celui dans lequel il y a le moins de vérité, ou encore celui dans lequel la vérité est la plus pauvre. Une vérité au stade embryonnaire, non encore développée. Le commencement, l’origine, n’est pas ce qu’il y a de plus profond, mais ce qu’il y a au contraire de plus superficiel.

Ainsi, ces deux termes – pauvreté et superficialité- peuvent venir caractériser cette conception : de nos jours, l’esprit montre tant de pauvreté, qu’il semble [...] n’aspirer tout simplement pour son réconfort à l’indigent sentiment du divin, et de même qu’il existe une largeur vide, il y a une profondeur vide, [...] de même ce discours est une intensité sans aucune teneur, qui se comporte comme une pure et simple force sans expansion, et dès lors est la même chose que la superficialité.


Néanmoins, cela ne suffit pas à invalider définitivement cette doctrine. Si la vérité est un développement progressif, l’intuition de l’être ou de Dieu n’est pas la vérité ultime mais uniquement son premier stade. Mais à l’inverse, si la vérité ne se développe pas mais est donnée d’emblée, comme le soutiennent les partisans de l’intuition, c’est la doctrine hégélienne qui nous amène à perdre cette vérité première, originelle, et nous égare dans un labyrinthe de formes successives fictives.

Comment décider entre ces deux conceptions ? Vers laquelle de ces théories devons-nous nous tourner ?

C’est ici que Hegel produit un argument décisif, qui conforte sa position, contre les partisans de la doctrine de l’intuition.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Hegel : lecture suivie