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couverture du livre

La sagesse « présocratique »

Une invitation à redécouvrir les écrits de ces « sages », selon les lieux où ils enseignaient : Milet, Elée, Sicile, Abdère, Athènes, etc.

Une approche géographique originale, qui s’applique à restituer toute la richesse et la diversité de ces sagesses, qui nous sont si lointaines...



Pourquoi « présocratique » entre guillemets, dans le titre de l’ouvrage ? Car ce qualificatif est problématique, tout comme celui de « philosophe » d’ailleurs, pour désigner ces penseurs grecs, qui se considéraient plutôt comme des « sages » (sophoi).

Le terme « présocratique » renvoie à une conception continuiste et téléogique du savoir, qui sous-entendrait que ces penseurs préparaient un déploiement ultérieur : la venue de Socrate, comme le germe contient en lui-même l’arbre à venir. Or cela ne correspond probablement à aucune réalité. Présente-t-on Kant comme un penseur pré-hégélien ?

Il s’agit donc de retrouver, par-delà ce qualificatif douteux de « présocratique », la véritable nature de ces sages qui arpentaient la Grèce jusqu’au Vème siècle avant J.C. Qui étaient-ils ?

Pour cela, il faut interroger les idées reçues, communément acceptées à ce sujet.

L’émergence de la pensée rationnelle ?

Par exemple, on considère souvent que les présocratiques sont des physiciens rationnels, qui refusent le mythe, la religion, et cherchent les causes physiques des événements naturels. Au « mythos », ils substitueraient le « logos », et ce serait là la nouveauté inouïe qui caractériserait le « matin grec ».

Il y aurait donc une claire distinction entre eux et les poètes de la culture grecque archaïque, tels qu’Homère et Hésiode.

En réalité, il suffit d’examiner de près les textes dont l’on dispose, pour s’apercevoir du contraire. Cela transparaît dans leur style d’écriture même : ainsi l’allure plus « célébrative » que démonstrative du style d’Anaxagore, le caractère oraculaire de la langue d’Héraclite, les mots poétiques d’Anaximandre 1. Ou encore les conseils d’Hippocrate concernant les pratiques rituelles, soutenant que c’est la divinité qui nettoie, purifie et lave les plus grandes et les plus impies de nos fautes 2.


Alors qu’est-ce qui pourrait constituer quelque chose comme un trait dominant, caractéristique, qui permettrait de les réunir dans une même appellation : « présocratiques » ?

En fait, l’absence de frontières disciplinaires mène ces penseurs vers une pratique polymathe de la recherche des causes de ce qui est ou de ce qui fut 3.

La polymathie est le contraire de la spécialisation : il s’agit de s’intéresser à un grand nombre de sujets, de problèmes, de devenir en quelque sorte esprit universel. Et c’est là un trait caractéristique des présocratiques :

Etudier cette période de la pensée et de la culture grecques nécessitait de prendre en compte des corpus que l’on ne s’attendait pas à rencontrer dans un ouvrage consacré aux « présocratiques » : ceux des historiens, des géographes, des généalogistes, des médecins notamment 4.

C’est là un des fils directeurs de l’ouvrage : étendre la notion de « penseurs présocratiques », montrer la grande diversité des profils qui pourraient recevoir cette étiquette.

Lecture suivie

David Bouvier revient, pour commencer, sur une question traditionnelle : faut-il inclure les poètes, Orphée, Homère et Hésiode, dans les présocratiques ? Ou faut-il les considérer comme des « pré-présocratiques », selon une terminologie curieuse ? Il rappelle les fluctuations de l’ouvrage de référence d’Hermann Diels, sur cette question, au fil des rééditions, et l’influence de Cornford, qui plaide pour une vision continuiste, inclusive.

Marie-Laurence Desclos s’intéresse pour sa part aux historiens, médecins et scientifiques… faut-il les considérer eux aussi comme des présocratiques ? On retrouve là la notion de polymathie, qui pourrait nous apparaître comme relevant de la dispersion, de la confusion, alors qu’il s’agit d’une remarquable tentative de saisie d’un objet en lui-même multiple. Si le savoir est – et doit être – « nombreux », c’est parce que son objet la phusis, le lui impose. La phusis, c’est-à-dire la « nature » […] nature de l’univers, du vivant, de l’homme, de la santé et de la maladie, du corps et de l’âme, des « hauteurs » et des nombres, des dieux et du logos. La polymathie apparaît donc comme l’unique moyen permettant une saisie englobante de cette riche diversité, face à laquelle les discours étroitement spécialisés resteraient impuissants 5.

Jérôme Laurent se concentre sur les penseurs de Milet, interrogeant la figure de Thalès, considéré comme le père de la philosophie, le premier des fameux Sept Sages de la Grèce, dont il ne nous reste rien d’autre que des récits indirects et des paroles rapportées, mais aussi d’Anaximandre et Anaximène.

Conclusion

Ce n’est là que le début de l’ouvrage : Héraclite, Xénophane, Parménide, Zénon, Mélissos, Empédocle, Pythagore, Leucippe et Démocrite, les sophistes, Anaxagore… les grandes figures de la « philosophie présocratique » sont tour à tour conviées et présentées, dans toute la complexité qui fait leur richesse.

Un voyage initiatique, qui nous mène de Milet à Athènes en passant par les rivages enchanteurs de la Sicile, Abdère, Elée… à la recherche de l’origine, ce moment historique où la pensée a basculé, en une transition douce, vers quelque chose d’autre.


1 Introduction
2 De la maladie sacrée
3 Chap.10, Conclusion
4 Ibid.
5 Chap.2