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couverture du livre

Ouvrir l’espace - Une philosophie du minimalisme

Le minimalisme est une esthétique de l’espace : peut-il aussi être une sagesse ? Comment posséder moins peut-il nous faire exister plus ?

C’est ce paradoxe que se propose d’explorer “Ouvrir l’espace”, guidant le lecteur au fil d’une Odyssée à la poursuite de soi.


Une sagesse minimaliste

Nourrie par l’héritage philosophique occidental classique autant que par la pensée orientale zen, la réflexion invite au développement existentiel et à l’éveil.

C’est une élucidation de la notion d’encombrement comme symptôme d’une asphyxie existentielle qui ouvre l’ouvrage et en révèle l’orientation : ce qui sera appelé “minimalisme” consiste en une rééducation de la conscience et de l’action, qui tend à la concentration de l’énergie vitale par le refus de tout ce qui l’encombre, la gêne et la dissipe. Le minimalisme cherche à augmenter la disponibilité autant que l’intensité de l’existence, il a pour but d’apprendre à nourrir, à habiter et à aimer sa vie intérieure.

Une généalogie du désir

C’est la notion de désir qui est analysée en premier lieu : le minimalisme prend en effet le contrepied du modèle existentiel proposé par la société de consommation, dans laquelle le désir devient piège tandis que le bonheur est toujours repoussé à plus tard. On ne saurait comprendre la puissance du minimalisme sans une généalogie rigoureuse des désirs qui nous animent. Cette analyse permet de comprendre, par-delà la diversité des désirs toujours renaissants, que tout être humain aspire en réalité à cette plénitude que l’auteure dévoile à la lumière du concept de “nostalgie”, qui est une manière pour chacun de “rentrer chez soi”.

Mais plutôt que de tracer immédiatement les contours de l’existence minimaliste, Ouvrir l’espace prend le temps d’identifier les voies sans issues et les errances qui ne manqueront pas de perturber le cheminement de l’aspirant minimalisme. Il serait facile de verser d’un excès dans l’autre, d’un encombrement morbide à un ascétisme non moins pathologique. L’auteure s’attache ainsi à distinguer le minimalisme de l’ascétisme en utilisant pour critère principal le rapport à la souffrance : là où l’ascète est pris par une ivresse de mortification et s’oriente sur sa douleur comme sur une boussole, le minimaliste ne s’oriente jamais que sur la joie et l’intensification de son existence.

L’épreuve des autres

L’autre écueil qui guette l’Ulysse minimaliste, est plus délicat encore à comprendre et à négocier. Comment suivre la voie minimaliste, quand autour de nous la société ni les proches ne comprennent ni ne veulent suivre ce chemin ? Le minimalisme n’est pas un ascétisme, et s’il ne s’agit pas d’emménager dans une grotte au sommet d’une montagne. L’humain est un animal sociable, et il faut donc que le minimalisme soit à l’épreuve des autres...

Faut-il les contraindre ? Les abandonner ? Il peut exister pour l’aspirant minimaliste une tentation de la solitude et de la perfection esthétique qu’on peut y trouver… Cette tentation doit pourtant être résolument combattue et dénoncée comme l’erreur éthique radicale qu’elle est. Pour défendre sa thèse, l’auteure déploie et explore les différents niveaux de sens d’une formule qui concentre l’ensemble du propos : Les autres sont pour nous une épreuve. L’épreuve en effet est tout autant ce qui nous éprouve que ce que nous éprouvons, tout à la fois l’occasion d’apprendre à se dresser et celle de ressentir un plus large spectre d’émotions et sentiments… Le minimalisme révèle la nécessité d’une réflexion approfondie sur le sens de l’humanité et du partage de celle-ci.

Une plongée dans les profondeurs de soi

Une philosophie minimaliste ne saurait faire l’économie d’interroger le rapport que chacun entretient avec lui-même, dans sa capacité à habiter authentiquement son présent pour en découvrir les richesses et l’abondance ou plus introspectivement encore, en pratiquant ce que l’auteure appelle une heuristique ombreuse. Cette voie d’exploration de soi emprunte à Carl Jung la notion d’ombre, pour analyser la manière dont notre personnalité se projette comme un filtre sur le monde : parce que l’on voit les choses comme nous sommes plutôt que comme elles sont, le travail de désencombrement doit ultimement aboutir à discerner en soi ce qui fait obstacle au grand espace qu’on cherche.

A ce moment de la réflexion, quelque chose se termine : le travail de désencombrement qui avait pris sa source dans la généalogie du désir touche à son terme dans cette ouverture de l’espace intérieur de chacun, une fois désencombrée la personnalité elle-même. Mais de la même manière que l’expiration appelle l’inspiration, le désencombrement qui ouvre l’espace appelle à investir cet espace, à l’habiter, à l’expérimenter, à le pratiquer.

Disponibilité

A quoi le minimalisme nous ouvre-t-il ? A quoi le désencombrement laisse-t-il place ? Nullement au vide ou à l’ennui ! Au contraire, le désencombrement laisse maintenant place à une disponibilité à toutes choses. Vivre en minimaliste, c’est être ouvert, et cette ouverture suscite au cœur de notre existence comme un portail vers une autre dimension, que l’auteure appelle la grâce, et qui la transfigure. L’héritage platonicien et néo-platonicien est ici réinvesti au service d’une nouvelle mystique dont le Beau constitue le centre attracteur. Le Beau est notre patrie, plaide l’auteure, et le minimalisme est une voie privilégiée pour la retrouver.

Une discipline magnifique

Au-delà de cette mystique, la destination de la sagesse minimaliste est décrite par opposition avec le mode d’être spontané de l’action, comme capacité de reposer en soi-même. A ce stade de la réflexion et quoique ce ne soit pas explicité, l’influence extrême-orientale se fait nettement sentir. A l’occasion d’un travail conceptuel sur la “discipline” qualifiée de “magnifique” - selon l’ancienne acception du terme qui voit dans la magnificence la vertu relative à l’utilisation des richesses-, l’auteure réinvestit les enseignements yogiques pour proposer une réflexion sur le sens de l’effort et de l’abandon qu’on trouve dans ce repos en soi. C’est une pratique minimaliste qui est minutieusement décrite, attentive à la disposition propre de chacun, capable de s’incarner en un style existentiel fluide et puissant.

Le soin des choses

Le livre s’achève par une confrontation résolue de la question de l’impermanence, pour faire du minimalisme une voie rejoignant les philosophies de la dissolution de l’ego. Il y a une recherche de nudité, dans le minimalisme, ou de dénuement plus exactement - qu’il ne faudrait surtout pas confondre avec la misère-, qui seule permet d’établir le sujet dans une paix véritable : celle de celui qui n’a rien à perdre. Reste à ce stade à reprendre les questions initiales pour leur apporter la réponse qu’elles méritent : quel est le statut des choses qui nous entourent ? Faut-il se débarrasser de tout ce qu’on peut ? Faut-il mépriser les choses matérielles ?

Loin de défendre un minimalisme aussi dogmatique, l’auteure prend appui sur la pratique zen pour plaider un compagnonnage. Le minimalisme ne consiste pas à mépriser les choses, mais à les choisir, à les aimer et à les soigner.

Il faut pour cela établir le critère qui doit présider à leur présence à nos côtés : quel rapport entretiennent-ils avec nos corps, nos postures et nos gestes ? Sont-ils fiables ? Servent-ils notre vie quotidienne ou sont-ils les faire-valoir d’un ego assoiffé de l’approbation d’autrui ? Peuvent-ils durer ? C’est ainsi par une ergonomie spirituelle que s’achève cette odyssée du minimalisme.