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couverture du livre

Henri Ey, médecin, psychiatre et philosophe

Henri Ey fut reconnu comme le plus grand psychiatre européen depuis Freud (Pr. KP. Kisker).

Qui était ce psychiatre catalan, qui ne fut pas seulement médecin, mais aussi philosophe ? C'est l'objet de ce livre paru aux éditions Trabucaire.


La connaissance de l’homme ne peut ignorer la contribution de la psychiatrie

Voisin, élève et ami d'Henri Ey, auprès duquel il a vécu les années de sa retraite, R.Palem publie (revue, augmentée et richement illustrée) la biographie intellectuelle la plus complète à ce jour de celui qu'il considère comme le psychiatre du XXIe siècle.

Il aborde les multiples facettes de l'œuvre et de la personnalité de Ey : mobilisateur, iconoclaste, architecte, médecin, fédérateur, unificateur, civilisateur, libérateur, historien, professeur sans chaire et maître sans école, penseur et homme d'action. L’auteur sait nous rendre sensible à l'urgence de redécouvrir les travaux, l’enseignement et le message du maître de Bonneval.


Dans le n°160 de la revue Synapse, le psychiatre et historien Thierry Haustgen, le résumait ainsi :

A la suite d'une introduction dans laquelle il souligne la préoccupation constante de toute l'existence de H.Ey (incarner une discipline psychiatrique vouée à contribuer de manière décisive à la connaissance de l’homme), R.Palem évoque au chapitre I l'avènement d'une psychiatrie “dynamique” - à travers notamment la naissance et l'expansion du groupe de l'Evolution Psychiatrique - en l’opposant aux deux courants dont elle représente à la fois le dépassement et la synthèse : mécanicisme matérialiste et psychogénisme exclusif, représentant en quelque sorte les trois états
successifs de la psychiatrie, déjà entrevus par Falret.
Loin de constituer un angélisme philosophique évanescent, le dynamisme selon H.Ey s’enracine dans le vitalisme et la biologie.

Par son précoce intérêt pour la question des hallucinations et de leur rapport avec le délire (chapitre 11), H.Ey se rattache à la grande tradition clinique de la médecine mentale française (Séglas. Clérambaut, etc.). Il se révèle, pour reprendre l'heureuse formule de R.Palem, un “moniste tourmenté”, opposé aussi bien aux adeptes dualistes du psychogénisme intégral qu'aux neuropsychologues niant toute distinction entre hallucinose et hallucination, dissolutions partielles et globales, cerveau et pensée, neurologie et psychiatrie. Ce débat sera le thème du premier des fameux Colloques de Bonneval (1943) et permettra à H.Ey d'édifier, dès les années 1930, sa théorie « organodynamique », synthèse de Jackson, Freud et Janet.

Déstructuration de la Conscience et/ou Inconscient Leviathan

R.Palem développe au chapitre III “les thèses fondamentales” qui la sous-tendent : concepts d'évolution du système nerveux (emprunté à Spencer et Darwin), hiérarchie dans laquelle le supérieur ne cesse pas de dépendre aussi et encore de l'inférieur, de couples symétriques et complémentaires négatif/positif (issu en partie des travaux d'E.Bleuler sur le groupe des schizophrénies) et de séparation entre dissolutions “uniformes” et “locales”.
L'application nosographique en sera développée de 1948 à 1954 dans les trois volumes des Etudes psychiatriques, à travers la distinction entre pathologies (ou déstructurations) de la conscience - responsables des divers niveaux des troubles de la personnalité - déterminant le champ des états névrotiques et psychotiques chroniques.

Au même moment, la psychiatrie devient enfin résolument thérapeutique, à Bonneval comme ailleurs (chapitre IV), H.Ey accompagnant les premiers pas de la psychopharmacologie naissante. Mais c'est aussi, à partir de 1950, la grande époque des Congrès mondiaux de psychiatrie (chapitre V), jusqu'à la rupture provoquée par le refus de la commission du Congrès de Mexico (1971) d'adopter une courageuse et prophétique motion de Ey contre l'utilisation politique de la psychiatrie dans les pays de l'Est. Et c’est peut-être pourquoi Henri Ey est resté longtemps, à l'étranger, un symbole de liberté pour les psychiatres en butte à l'oppression, de la Roumanie à l’Argentine (p. 159).

L’Organodynamisme et la psychanalyse

L'immédiat après-guerre est encore la période des 2° et 3° Colloques de Bonneval (1946 et 1960), marqués par les joutes avec Lacan (chapitre VI). R.Palem dresse un saisissant et double portrait des deux anciens camarades d'internat, constate que le fond de leur opposition repose sur le statut de la réalité (confrontée à l'imaginaire et au désir) et souligne l'ambition de H.Ey d'intégrer la psychanalyse dans la médecine, la biologie et l’organodynamisme, par refus d'une causalité psychique pure. Le “Freud biologiste de l'esprit ” de F. Sulloway l'aurait sans doute comblé. Son concept de “corps psychique” (chapitre IX), “ véritable troisième topique ” (C.J.Blanc) impliquant la subordination de l’inconscient au conscient, représente la dernière élaboration de sa pensée philosophique.

Les “Trente glorieuses” sont enfin le moment des conquêtes syndicales (chapitre VII), Ey jouant un rôle moteur dans la rédaction du Livre blanc, dans la mise en place de la politique du Secteur, dans l'avènement de la discipline psychiatrique comme spécialité médicale autonome et dans le prodigieux essor démographique des psychiatres français.

La psychiatrie : pathologie de la liberté perdue

Dans les deux derniers chapitres, R.Palem étudie les fondements philosophiques1 (IX) et l'héritage (X) de la pensée de H.Ey, chez qui, remarque-t-il, le théoricien n’a jamais étouffé le clinicien […] Et c'est sans doute cet ancrage historique de la discipline - en même temps qu'une vision de la psychiatrie comme “science de la nature” et “pathologie de la liberté” - qui reste à l'heure actuelle le legs le plus précieux de l'héritage d'Henri Ey.

L’auteur apporte des précisions supplémentaires pour faire entrevoir l’évolution de la discipline psychiatrique dans les 35 ans qui ont suivi la mort de Ey en 1977 ; évolution qui se poursuit, naturellement, en lien étroit avec les conjonctures économique et politique (plus ou moins libérales ou dirigistes) et le Zeitgeist.


1 * Cette question est approfondie dans deux autres ouvrages, chez L’Harmattan : - H.Ey et la philosophie (les racines et référents philosophiques et anthropologiques d’H.Ey) en 2013 par RM. Palem.
- La reconquête du sujet. Le personnalisme d’H.Ey en 2019, par Philippe Prats.