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couverture du livre les Deux sources de la morale et de la religion

Résumé du livre Les deux sources de la morale et de la religion (page 3)


La nature a voulu l’espèce humaine sociable. Ce pourquoi l’homme a adopté la première sorte de morale. Mais l’homme échappe à la nature et complexifie sa morale. Avec la morale complète, on sort du clos (de ce en quoi la nature nous avait enfermé) et l’on porte l’élan vital plus loin.


Cette seconde forme de morale, qui accompagne l’élan vital, ne nous détache pas de la nature, mais d’une certaine nature, et, pour parler en termes spinozistes : C’est pour revenir à la Nature naturante que nous nous détachons de la Nature naturée 1.

Si la morale sociale est morale du plaisir et de l’immuable, la morale complète est celle de la joie, et de la mobilité (celle de l’élan ou de la poussée).

C’est pourquoi cette dernière est dure à définir, par opposition à la première qui est emprisonnée dans des formules 2.

La morale de l’Evangile est celle de l’âme ouverte ; car lorsqu’on cherche à la formuler, on tombe dans des paradoxes ou des contradictions. Par exemple, si la richesse est un mal, on nuit aux pauvres en leur donnant de l’argent. S’il faut tendre l’autre joue, la justice devient inutile.

Mais en fait il n’y a pas de contradiction, si l’on considère l’intention de ces maximes, qui est d’induire un état d’âme 3.

Vouloir synthétiser la morale absolue en formules, c’est ramener le mobile à du statique et de ce fait la rendre incompréhensible ; de même que Zénon d’Elée rend incompréhensible le mouvement en procédant de la même manière.


Bergson note les points communs entre stoïcisme et christianisme, qui disent la même chose, mais pas avec le même accent 4.

Dans le stoïcisme, qui est essentiellement une philosophie 5, l’idée précède l’émotion. Tandis que dans le christianisme : l’émotion précède l’idée.

On peut donner comme exemple de philosophie dans laquelle l’émotion précède l’idée celle de Socrate. Son enthousiasme, qui a su se diffuser aux penseurs et à la conscience occidentale et les nombreux passages mystiques (mythe, daimon, etc.) des ouvrages de Platon en attestent.

L'auteur des Deux sources montre ainsi qu’il existe un intermédiaire entre le clos (de la morale sociale, reposant sur l’habitude) et l’ouvert (de la morale complète, reposant sur l’émotion) : il s’agit de l’intelligence, ayant édifié les doctrines morales ou métaphysiques comme celle des stoïciens.

Cette dernière a su s’arracher à l’habitude, mais n’a pas encore ressenti d’appel. De ce fait, une telle âme pratiquerait l’indifférence ou l’insensibilité ; elle serait dans l’ataraxie des stoïciens 6. La raison, par elle seule, ne peut amener qu’à cette demi-vertu qu’est le détachement 7.

Nous avons donc identifié les deux forces qui agissent sur nous : impulsion et attraction. L’erreur de l’intellectualisme est de ne pas avoir vu cela et de ce fait ne parvient pas à expliquer comment une morale peut avoir prise sur les âmes 8.


Bergson se penche sur l’exemple particulier de la justice, vertu la plus instructive car elle englobe en elle la plupart des autres vertus, se traduit malgré sa richesse en formules simples, et contient en elle les deux formes de l’obligation.

La justice fait, dès son commencement, sans cesse référence à la géométrie : équité, règle, règlement, rectitude. Elle a commencé par intervenir dans les échanges de biens, afin de garantir l’équivalence des biens échangés : la justice a des origines mercantiles. Puis elle s’est étendue aux relations de personnes, en appliquant à ces personnes ces notions de règle, etc. appliquées à l’origine aux objets. De là des formules comme « Œil pour œil, dent pour dent ».

Seulement, nous sentons que la justice est aussi autre chose que cela, et répond à un besoin plus profond. Comment passer à la seconde forme de justice, qui n’implique ni échange, ni services, étant l’affirmation pure et simple du droit inviolable 9 ?

Il serait faux de croire que la première forme de justice n’était qu’un balbutiement de la seconde, une sorte de premier stade d’un progrès qui avait pour but d’atteindre la justice absolue. Ce serait tomber dans une erreur commune, que l'auteur des Deux sources de la morale et de la religion appelle l’illusion rétrospective et qu’il va s’appliquer à définir.

1 p.56
2 p.58
3 p.57
4 p. 59
5 ibid.
6 p.63
7 p.64
8 p.64
9 p.71