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couverture du livre les Deux sources de la morale et de la religion

Résumé du livre Les deux sources de la morale et de la religion (page 6)


La fonction fabulatrice de la religion lutte aussi contre le pouvoir dissolvant de l’intelligence de deux autres manières.

L’intelligence nous rend conscient du caractère inéluctable de notre mort ; pour compenser le caractère déprimant de cette représentation, la religion nous présente l’image d’une continuation de la vie après la mort.


Enfin, nous avons conscience du caractère imprévisible et hasardeux de certains de nos comportements (comme le fait de tirer une flèche sur un animal par exemple). Nous forgeons alors l’idée d’un Dieu, c’est-à-dire d’une garantie extra mécanique de succès 1, et qui favorise le succès de nos entreprises.

La religion apparaît une troisième fois comme une réaction contre le pouvoir dissolvant de l’intelligence, ici contre la représentation, par l’intelligence, d’une marge décourageante d’imprévu entre l’initiative prise et l’effet souhaité 2.

Ce réflexe se perd dans les sociétés civilisées, dans lequel le déterminisme règne en maître. On pense en effet que tout phénomène est entièrement explicable par des causes naturelles : ni Dieu ni le hasard n’ont de place dans l’analyse d’un phénomène.

Le primitif lui ne croit pas au hasard : si une pierre tombe et vient écraser un passant, c’est qu’un esprit malin l’a détachée.

A partir de cet exemple de la brique, Bergson en déduit dans les Deux sources de la morale et de la religion sa célèbre définition du hasard :

Le hasard est donc le mécanisme se comportant comme s’il avait une intention 3.

Il s’agit d’un fantôme d’intention 4.


Bergson, pour préciser la fonction et la nature de la religion, l’oppose à la magie. Toutes deux partent d’une origine commune (considérer que tel ou tel phénomène n’est pas explicable entièrement par le déterminisme de causes naturelles), mais elles divergent en ce que si la magie prétend forcer le consentement de la nature 5, la religion implore la faveur du Dieu 6.

A l’inverse, la magie s’oppose à la science, comme le désir s’oppose à la volonté.

La religion est donc destinée à écarter des dangers que l’intelligence pouvait faire courir à l’homme 7. Néanmoins il ne s’agit là que de ce que Bergson appelle la religion statique, qui ne convient qu’aux sociétés closes. La religion ne se réduit pas entièrement à cette seule origine, infra-intellectuelle.

Il existe une seconde origine de la religion, la religion dynamique :

Plus tard, et par un effort qui aurait pu ne pas se produire, l’homme s’est arraché à son tournoiement sur place ; il s’est inséré de nouveau, en le prolongeant, dans le courant évolutif. Ce fut la religion dynamique. 8

C’est à cette seconde forme de religion, supra-intellectuelle, que Bergson va s’intéresser dans le prochain chapitre.

III/ La religion dynamique

La religion dynamique est celle du mystique. Elle consiste dans une coïncidence avec l’élan vital, plus précisément : L’homme remonte dans la direction d’où l’élan était venu, pour reprendre de l’élan. Il se donne à la société, mais à une société qui est l’humanité toute entière 9.

L'auteur des Deux sources de la morale et de la religion décrit plus précisément l’élan vital :

[Ce] grand courant d’énergie créatrice [...] se lance dans la matière pour en obtenir ce qu’il peut. Sur la plupart des points, il est arrêté ; ces arrêts se traduisent à nos yeux par autant d’apparitions d’espèces vivantes 10.


La religion dynamique est le mysticisme. Il est rare. Il est à l’origine de la pensée grecque, et se retrouve dans l’orphisme, le pythagorisme ou le platonisme. Il se retrouve également chez Plotin, mais se perd, selon Bergson, chez Aristote.

Il y a donc un épanouissement de la dialectique en mystique : C’est une force extra-rationnelle qui suscita ce développement rationnel et qui le conduisit à son terme, au-delà de la raison 11.

L’aboutissement du mysticisme est une prise de contact et par conséquent une coïncidence partielle, avec l’effort créateur que manifeste la vie 12.

Plotin est allé jusqu’à l’extase, mais il s’est arrêté trop tôt : à la contemplation. Il n’est pas allé jusqu’à l’action ; pour lui l’action est un affaiblissement de la contemplation 13, ce qui résume l’intellectualisme grec, qui n’a jamais pu atteindre un mysticisme complet.


1 p.146
2 ibid.
3 p.155
4 p.156
5 p.183
6 p.196
7 ibid.
8 chap.3, p.224
9 p.225
10 p.221
11 p.232
12 ibid.
13 p.233