Résumé du livre Les deux sources de la morale et de la religion (page 5)
II/ La religion statique
On peut relever, à la manière de Lévy-Bruhl, les faits de religion, et observer comment telle religion est pratiquée dans tel pays. Mais il faut chercher leur origine, pour tenter de déterminer comment des pratiques aussi peu raisonnables ont pu et peuvent être acceptées par des êtres intelligents
1.
L'auteur des Deux sources de la morale et de la religion nie, contre Durkheim et la sociologie, que la mentalité collective soit différente de la mentalité individuelle.
Une première origine du sentiment religieux est la superstition. Bergson appelle « fonction de fabulation » l’acte qui reproduit les représentations fantasmatiques, dont celles que l’on retrouve dans les poèmes, les mythes ou la religion.
Un besoin essentiel est à l’origine de la fabulation. Lequel ? Les faits annihilent tout raisonnement : Nous voyons aujourd’hui les plus beaux raisonnements du monde s’écrouler devant une expérience : rien ne résiste aux faits
2. De ce fait, le danger pour l’intelligence est grand de s’en tenir à l’expérience. La fonction de fabulation a précisément pour fonction d’arracher l’intelligence à la simple expérience des faits.
Bergson est amené à exposer sa célèbre conception de l’élan vital.
Le phénomène vital n’est pas résoluble en faits physiques et chimiques. Le biologiste l’affirme, non comme un fait, mais comme une méthode à suivre. En fait, la science est aussi loin que possible d’une telle explication. Il y a quelque chose d’irréductible dans la vie à des processus mécaniques physico-chimiques. C’est cela que Bergson appelle : élan vital.
Bergson essaie de montrer les insuffisances du darwinisme. Pour lui, l’évolution d’une espèce ne s’est pas faite au hasard de petites variations accidentelles conservées par la sélection et l’hérédité mais s’accomplit dans des directions déterminées.
Les changements ne sont pas acquis mais innés, et la source de ces changements innés est l’élan vital, qu’il définit ainsi :
Une poussée interne, passant de germe en germe à travers les individus, qui porte la vie, dans une direction donnée, à une complication de plus en plus haute 3.
On peut aussi la caractériser comme la faculté des êtres vivants de résoudre des problèmes –ceux que leur pose leur environnement.
La matière est à la fois instrument et obstacle de cet élan. D’autre part la matière divise ce qu’elle précise
4, et est la cause de la pluralité des grandes lignes d’évolution vitale.
On peut définir la vie comme un certain effort pour obtenir certaines choses de la matière brute
5.
L’instinct et l’intelligence sont des outils conçus à cet effet.
Si l’instinct est facteur de cohésion des sociétés, l’intelligence menace (par la liberté et la faculté d’initiative) cette cohésion. Il faut donc un contrepoids à l’intelligence, et la fonction fabulatrice, à l’origine des religions, tient ce rôle.
L’intelligence conseille l’égoïsme. Mais la nature veille
6. La fonction fabulatrice génère une représentation illusoire, un dieu protecteur de la Cité, lequel défendra, menacera, réprimera
7. Ainsi, envisagée de ce premier point de vue, la religion est donc une réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l’intelligence
8.
Toute religion est morale dans la mesure où, dès l’origine, c’est une précaution contre le danger de ne penser qu’à soi.
La mythologie est un stade tardif de la religion. Il mélange physique et morale : l’objet interdit est à la fois sacré et dangereux : il est tabou.
Le tabou est irrationnel, du point de vue de l’individu, mais rationnel du point de vue de la société et de l’espèce (car avantageux pour eux).
D’où vient cette notion de tabou ? Bergson considère dans les Deux sources de la morale et de la religion que l’intelligence des primitifs ne diffère pas essentiellement de la nôtre ; elle doit incliner, comme la nôtre, à convertir la dynamique en statique et à solidifier les actions en choses
9.
De ce fait, au fil du temps, les interdictions se sont installées dans les choses auxquelles elles se rapportaient
10. D’où la notion d’objet tabou.
Voilà donc identifiée la première fonction de la religion : la conservation sociale.
1 chap.2, p.106
2 p.112
3 p.117
4 p.118
5 p.122
6 p.126
7 ibid.
8 p.127
9 p.134
10 ibid.