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couverture du livre les Principes de la connaissance humaine de Berkeley

Résumé des Principes de la connaissance humaine (page 3)

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D’où vient alors cette erreur ? Précisément de la doctrine des idées abstraites.


En effet, distinguer l’existence des objets perçus d’avec le fait qu’ils sont perçus, c’est une abstraction particulièrement subtile 1.

Que sont les couleurs sinon des sensations imprimées sur les sens ?

Est-il possible de séparer, même en pensée, l’une d’elle avec la perception ? Pour ma part, je pourrais tout aussi facilement séparer une chose d’avec elle-même 2.

C’est pourquoi en vérité, l’objet et la sensation sont la même chose, et ne peuvent donc pas être abstraits l’un de l’autre 3.


Berkeley présente donc comme une évidence le fait que toute chose ne subsistant pas hors d’un esprit, puisque leur être est d’être perçu ou connu, il n’y a pas d’autre substance que l’intelligence ou ce qui perçoit 4.

Berkeley reprend la notion aristotélicienne de substance, qui désigne ce qui se tient en dessous des phénomènes apparents, et les supporte. Cependant, on attribuait traditionnellement le rôle de substance à la matière. Ici, c’est l’esprit qui devient substance.


Ne peut-on tout de même concevoir qu’il y ait des choses extérieures semblables à nos idées, ces dernières n’en étant que des copies ?

Berkeley répond à cette objection qu’ une idée ne peut ressembler à rien qu’à une idée 5. Donc soit ces originaux sont eux-mêmes des idées, et ils sont en eux-mêmes perçus, soit il n’existe pas d’originaux. Dans les deux cas, il n’y a pas de monde extérieur avec des choses indépendantes de l’esprit.


Berkeley s’attaque à présent à Locke, plus précisément à sa célèbre distinction des qualités premières (étendue, figure, mouvement, nombre, etc.) et des qualités secondes (couleurs, sons, saveurs, etc).

Selon Locke, seules les qualités premières existent dans des corps extérieurs, indépendamment de notre esprit. Les qualités secondes n’existent que dans notre esprit, elles sont l’interprétation par l’homme des qualités premières. Ainsi, la couleur (qualité seconde) n’est en réalité qu’une vibration dans l’espace, soit un mouvement d’une certaine étendue (qualité première).

Ces qualités premières existent indépendamment de l’homme et ont pour point commun d’être des qualités de la matière, définie comme une substance inerte, dépourvue de sens, dans laquelle l’étendue, la figure et le mouvement subsistent effectivement 6.


Berkeley refuse cette conception, et surtout la notion sur laquelle elle repose, celle de matière, comme substance corporelle 7, notion contradictoire selon lui.

Là encore, il s’agit pour lui d’une abstraction. En effet, la matière serait selon Locke en réalité dépourvue de toute qualité seconde, c’est-à-dire sans couleur, sans odeurs, sans solidité etc. Elle ne serait qu’étendue, figure et mouvement. Or cela est inconcevable, comme toute abstraction.

De plus, les arguments qui peuvent faire croire à l’irréalité des qualités secondes peuvent être utilisés pour démontrer celle des qualités premières. Ainsi, on pense que la chaleur (qualité seconde) n’est que dans l’esprit car ce qui paraît froid à l’un paraît chaud à l’autre. Mais de même, l’étendue (qualité première) n’est que dans l’esprit, car le même œil selon sa place voit des étendues différentes (un cercle vu de dessus peut ressembler à un trait vu de profil).

Berkeley conclut donc :

Il est impossible qu’il existe quelque chose comme un objet extérieur […] et qu’une qualité sensible existe dans un sujet non pensant hors de l’esprit 8.


Il montre que les partisans de la notion de matière comme substance corporelle n’ont aucune idée précise de cette notion. Ainsi ils définissent la matière comme ce qui supporte les qualités sensibles, en tant que substance. Mais que signifie ce « supporter » ? Faut-il le prendre au sens littéral comme quand nous disons que des piliers supportent un édifice ? 9. Sûrement pas : ils ne savent donc pas quelle relation la matière-substance a avec ses accidents.


Mais comment est-ce possible qu’aucune chose extérieure matérielle ne soit cause de nos idées et de nos perceptions ? En fait, on voit bien dans le rêve, que c’est quelque chose de tout à fait possible : lorsque nous rêvons, nous avons des perceptions, sans qu’on ait besoin d’aucune chose extérieure qui en soit la source : La supposition des corps extérieurs n’est pas nécessaire à la production de nos idées 10.

1 §5, p.65
2 ibid., p.66
3 ibid., note 1
4 §7, p.67
5 §8, p.68
6 §9, p.68
7 ibid., p.69
8 §15, p.72
9 §16, p.73
10 §18, p.74