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Couverture du livre Miettes philosophiques de Kierkegaard

Résumé des Miettes philosophiques (page 5)

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Ce nouveau modèle n’a pas émergé suite à la diffusion d’une nouvelle philosophie, d’une nouvelle doctrine, mais suite à la venue du Dieu lui-même : Voici donc le dieu apparu en maître qui enseigne […] il a pris la forme d’un serviteur […] Si le dieu n’était pas venu lui-même, tout fût resté socratique nous n’aurions pas eu l’instant et nous eussions été privés de paradoxe1.

En effet, la présence du dieu loin d’être une rencontre de hasard avec sa doctrine, en est un trait essentiel ; car la présence du dieu sous forme humaine, même sous l’humilité du serviteur, c’est justement la doctrine. Ou encore : L’objet de la foi ne sera plus la doctrine mais le maître.


Kierkegaard se plaît à décrire ces moments privilégiés de l’histoire de l’humanité : Voici donc le dieu à se promener dans la ville où il est apparu […] ; sa seule nécessité de vivre est de prêcher sa doctrine, qui lui tient lieu de manger et de boire ; enseigner les hommes est son travail et s’occuper des disciples le repose de ce travail […] Partout où se montre le maître, le peuple s’amasse autour de lui, curieux de voir, curieux d’entendre , avide de pouvoir raconter aux autres qu’on l’a vu et entendu.

Le contenu de son enseignement, la Bonne nouvelle, c’est l’irruption de l’éternel dans le présent, à savoir l’Instant :

Pour le disciple, la nouvelle du jour […] est l’éternel, l’éternité qui commence. La nouvelle du jour commence l’éternité.


C’est précisément ce phénomène que nous avons déjà analysé, cette irruption de l’éternel dans le présent qui fait que la foi dépasse la simple connaissance historique. En un sens, la vie et la mort de Jésus-Christ est un fait historique, relevant de l’Histoire. Mais l’éternité que ce fait porte en lui transcende son statut ; il devient autre chose, qu’il s’agit de penser : Ce fait d’histoire n’aura pas pour lui qu’un simple intérêt historique mais conditionnera sa félicité éternelle.

C’est en cela que la foi ne peut se réduire à l’histoire. Supposons que quelqu’un connaisse parfaitement l’histoire de Jésus, qu’il soit donc l’un de ses « contemporains », le suivant en permanence, etc. Ce contemporain-là serait-il le disciple ? Point du tout. En effet le rôle de témoin historique est […] assez difficile au disciple contemporain, mais le malheur, c’est que savoir une circonstance historique, et même les savoir toutes avec la certitude du témoin oculaire, ne fait nullement d’un témoin un disciple […] ce savoir ne signifiant pour lui rien d’autre que de l’histoire.

Imaginons qu’un homme recueille tout l’enseignement de son maître, mais n’en ait cure. Est-il pour cela un disciple de celui-ci ? Pas du tout : Cette vie du maître n’aurait été qu’un événement historique, un savoir fortuit […] une affaire de mémoire.


Il faut donc comprendre que tant que l’éternité et l’histoire restent extérieures l’une à l’autre, l’histoire n’est qu’une occasion.

L’instant réalise leur synthèse paradoxale, et ce paradoxe est précisément l’objet de la foi. Ce que Kierkegaard résume en cette formule : […] cette passion heureuse que nous appelons la foi, et dont l’objet est le paradoxe, seul conciliateur justement des contradictions, étant l’éternisation de l’histoire et l’historisation de l’éternité.


Kierkegaard avait déjà veillé dans Crainte et tremblement à défendre la foi contre les prétentions de la philosophie hégélienne, mais aussi de l’éthique, montrant qu’elle constitue une sphère irréductible. Ici, il continue ce travail en distinguant la foi de l’histoire, et par-delà, de la connaissance :

La foi n’est pas une connaissance ; car toute connaissance, ou en est une de l’éternité excluant le temporel et l’histoire comme indifférents, ou bien n’est que pure connaissance historique ; mais quelle connaissance aurait pour objet cette absurdité d’identifier l’éternité à l’histoire ?

Il illustre cette idée par un exemple : Si je reconnais la doctrine de Spinoza, je ne m’occupe pas, au moment où j’en ai connaissance, de Spinoza, mais de sa doctrine, tandis qu’à d’autres moments, je m’occupe de lui historiquement ; le rapport au contraire du disciple au maître en question est celui d’un croyant, c’est-à-dire qu’il s’occupe éternellement de l’existence historique de ce maître.

La foi n’est pas non plus un acte de volonté car le disciple ne possède pas la condition en lui-même (c’est un don de Dieu). Or si je ne la possède pas […] tout mon vouloir ne sert en somme à rien. Finalement, dans le modèle chrétien, comment donc l’homme qui veut apprendre devient-il croyant ou disciple ? Par le congé de l’intelligence et le don de la condition [qu’il reçoit] dans l’instant.


Ainsi définie, la foi permet de résoudre un problème théologique classique.

On peut distinguer deux types de disciples : celui qui a vécu à l’homme du Christ, le disciple « contemporain », et celui qui vit à une époque ultérieure, ce que Kierkegaard appelle « le disciple de seconde main ».


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1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Kierkegaard : lecture suivie