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Pour une communauté humaine et animale
Laurence HarangLes animaux ont-ils des droits ? Ou l'homme peut-il s’en servir comme de simples ressources pour la réalisation de ses propres intérêts ?
Telle est la question à l’origine de cet ouvrage, qui présente une synthèse éclairante des différentes positions modernes et contemporaines sur le sujet…
Des devoirs indirects : Kant
On le sait : pour Kant, nous n’avons que des devoirs indirects envers les animaux. Selon lui, il existe une différence ontologique
1 entre l’homme et l’animal : L’homme est devenu civilisé par son arrachement à la nature. De ce fait, le propre de l’homme reposerait sur la possession d’une culture, d’un langage, d’une technique
2, dont l’animal ne peut se prévaloir. De ce fait, celui-ci n’a droit à aucune considération morale […], n’a pas de valeur intrinsèque et ne peut être considéré comme une personne
3.
Pour autant, nous ne pouvons faire preuve de cruauté à son égard : Celui qui abat son chien parce qu’il n’est plus d’aucune utilité n’enfreint pas en vérité le devoir qu’il a envers son chien, mais des devoirs qu’il a envers l’humanité. S’il ne veut pas étouffer en lui ces qualités, il doit faire preuve de bonté de cœur à l’égard des animaux, car l’homme qui est capable de cruauté avec eux sera aussi capable de dureté avec ses semblables
4.
On le voit : Les humains n’ont pas de devoirs directs envers les animaux : ce sont des devoirs envers l’humanité
5.
Peut-on envisager au contraire, que les animaux aient des droits, un statut ? Ce n’est pas là non plus une idée que l’on trouve dans le « welfarisme », qui a sous-tendu les efforts par exemple des sociétés de protection des animaux, visant à réduire leur souffrance :
Il faut bien faire une différence entre la protection des animaux – défense de l’intégrité physique – et les droits des animaux qui posent la question du statut de l’animal
6.
Trouvera-t-on une défense des droits des animaux dans l’utilitarisme ?
L’Utilitarisme
En réalité, de Bentham à Singer, le critère de la sensibilité ne suffit pas à donner des droits à l’animal puisqu’il peut être justifié de l’utiliser comme une ressource
7.
L’auteure se concentre sur la Libération animale de Peter Singer : c’est en effet ici que la question animale est abordée en propre, à partir d’une sensibilité utilitariste, dans sa critique du spécisme (être spéciste consiste à favoriser les membres de sa propre espèce ; c’est un préjugé qu’il faut combattre
8) .
Il faut selon Singer reconnaître à l’animal sa qualité d’être sensible exposé au plaisir et à la douleur
. Alors la reconnaissance de la souffrance […] a pour conséquence la prise en compte d’une considération morale
9 de l’animal.
C’est donc une égalité de considération : Si un être souffre, il mérite notre considération en vertu du fait de sa sensibilité. Or maltraiter un être sensible, c’est faire preuve d’injustice
10. Et de ce point de vue, la souffrance d’un animal est semblable à celle d’un homme
11.
Néanmoins l’utilitarisme de Singer le mène à accepter certaines formes d’expérimentation animale, si cela permet de maximiser le bien-être des humains. Ce n’est donc pas ici que nous trouverons une affirmation pleine et entière des droits des animaux, d’un statut et d’une dignité qui leur serait conférée.
Cela donne lieu à une mise en crise plus générale de l’utilitarisme, que l’auteure opère en s’appuyant sur les travaux de Gary Francione, John Rawls, Tom Regan...
Après des chapitres consacrés à la dignité de l’animal, l’établissement de ses droits, les débats liés à la vivisection, la corrida… nous en arrivons à chapitre VII, qui constitue pour nous le cœur de l’ouvrage, et donne son nom à celui-ci.
La communauté des animaux
C’est dans le livre Zoopolis, de Donaldson et Kylimcka que Laurence Harang voit la tentative contemporaine la plus intéressante de fonder le droit des animaux.
Dans cet ouvrage en effet, on imagine une communauté politique où les animaux seraient considérés comme des citoyens à part entière
12.
Ceux-ci ne sont plus alors considérés comme des patients moraux mais comme des citoyens actifs
, du fait qu’ils possèdent aussi des compétences, un certain degré d’autonomie
13.
De ce fait, un formidable chantier est à ouvrir : Concevoir la citoyenneté pour les animaux domestiques, la souveraineté pour les animaux sauvages et la résidence permanente pour les animaux liminaux
14.
Cela soulève aussi de nombreuses difficultés (représentativité, etc.) que nous vous laissons découvrir dans la suite de ce chapitre.
Conclusion
Un ouvrage pédagogique qui livre une précieuse vue d’ensemble sur les théories contemporaines en débat sur la question des droits des animaux.
Un livre à recommander à tous ceux qui s’intéressent à l’éthique animale.
1 Ch.I
2 Ibid.
3 Ibid.
4 Leçons d’éthique, Livre de poche, 1997
5 Ch.I
6 Ibid.
7 Ch.II
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Ibid.
12 Ch.VII
13 Ibid.
14 Ibid.