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Qu'est-ce que l'animal ?
Georges ChapouthierLa question animale, qui concerne les rapports que l’homme doit entretenir avec les animaux est une question morale très à la mode de nos jours où de nombreux livres sont consacrés aux animaux de compagnie, à l’élevage industriel, à l’alimentation carnée ou à la chasse. Mais, au fait, qu’est-ce qu’un animal ?
Deux voies
Les animaux partagent depuis toujours avec nous la Terre. Il n’est donc pas surprenant que, depuis les temps préhistoriques, les hommes aient eu des rapports complexes avec eux. Dans nos civilisations modernes, de plus en plus citadines et éloignées de la nature, la question des rapports de l’homme et de l’animal est devenue un thème d’actualité. Mais, au fond, qu’est-ce qu’un animal ? C’est ce que propose de définir ce petit ouvrage, qui s’adresse à la fois aux adultes et aux adolescents.
Il existe deux voies pour prendre en considération les animaux. La première vise à les décrire et à les classer. Elle se concrétise de nos jours par l’approche scientifique (biologique) de l’animal. La seconde consiste à explorer plus précisément les rapports que nous entretenons avec eux, la manière dont ils contribuent à notre vie sociale d’êtres humains, et à tenter de définir les rapports éthiques que nous devons avoir avec eux.
Une vue scientifique
L’animal se définit d’abord comme un être vivant, ce qui, en retour, suppose de savoir ce qu’est la vie, comment elle est construite sur le plan chimique et ce qui la distingue de la matière inerte, minérale.
L’animal se définit aussi par rapport à d’autres êtres vivants, très complexes eux-aussi, les plantes, dont le mode de vie est complètement différent. Les plantes peuvent vivre seules dans un milieu minéral, alors que les animaux ont besoin, pour vivre, de consommer de la matière vivante, que ce soit des plantes ou d’autres animaux. A la différence des plantes, les animaux ont aussi des aptitudes de sensibilité nerveuse, qui rend certains d’entre eux capables d’éprouver de la douleur ou de la souffrance.
L’animal est également le fruit d’une très longue histoire, décrite par la « théorie de l’évolution », qui montre que les espèces vivantes se transforment pour donner des espèces nouvelles. Il s’ensuit, sur la Terre, une profusion d’espèces diverses (qui constituent la « biodiversité »), parentes les unes des autres, et que l’on peut répartir, selon leur anatomie, en différents groupes.
Une brève description des groupes animaux peut ainsi être esquissée. On distingue notamment, parmi les animaux les plus complexes sur le plan anatomique, des animaux à système nerveux ventral, comme les vers, les mollusques, les insectes ou les crustacés, et des animaux à système nerveux dorsal, comme les vertébrés, groupe auquel appartient l’espèce humaine. Plus précisément, cette dernière appartient à un sous-groupe des vertébrés appelés « mammifères » et à une subdivision appelée « primates », qui comprend aussi les singes. L’être humain est un proche parent des chimpanzés, par son anatomie, mais aussi par de nombreux traits de son comportement. Il s’en démarque, en revanche, par une activité cérébrale et mentale originale, sans équivalent ailleurs dans le monde vivant.
L’animal dans ses rapports avec l’homme
L’importance de l’animal ne réside pas seulement dans sa proximité évolutive avec l’homme ; elle tient aussi aux rapports sociaux que l’homme entretient ou a entretenu avec les animaux. Selon les civilisations, l’animal peut être considéré comme une sorte d’ « homme modifié », un simple objet au service de l’homme ou encore un être sensible, proche de l’être humain sans être exactement son identique.
La première conception a été la plus répandue au cours de l’Histoire ; elle aboutit parfois à l’assimilation d’animaux à des dieux ou à la conviction (dite « métempsycose ») qu’après la mort, l’âme humaine peut intégrer un corps animal. La pensée occidentale a surtout développé, depuis le XVII° siècle et les thèses de Descartes, la seconde conception, celle d’un animal-machine, au service exclusif de l’être humain. Cette conception reste encore très présente dans la société occidentale actuelle, mais la science moderne a permis de trancher en faveur de la troisième conception : l’animal est un être sensible proche de l’homme.
Cette dernière conception a conduit le monde d’aujourd’hui à une réflexion morale nouvelle sur les rapports que l’homme doit entretenir avec les animaux, notamment avec les plus proches de lui, dotés, comme lui, d’aptitudes à souffrir et d’une certaine conscience. Dans des sociétés de droit, comme les nôtres, de nombreux philosophes réclament de nos jours des « droits » pour les animaux, adaptés aux différents groupes et différents des « droits de l’homme », afin que même ceux des êtres humains qui n’aiment pas les animaux, ne puissent pas leur faire subir n’importe quel traitement. Cette requête éthique rejoint aussi la requête, formulée par les philosophies « écologistes », d’une meilleure adéquation entre l’espèce humaine et son environnement naturel.
Auteur de l'article :
Georges Chapouthier, Biologiste et philosophe, Directeur de Recherche Emérite au CNRS